Ben Ali sauve son ombre Kallel
L'insignifiant remaniement ministériel du 22 janvier dernier n'aura été qu'un ènième déplacement de pions sur l'échiquier Ben Ali-Leïla Trabelsi, s'il n'avait sacrifié deux fidèles du Général, en l'occurrence le ministre de l'Intérieur Abdallah Kallel et le ministre de la Défense Mohamed Jegham. Il conforte l'idée que le couple présidentiel et les familles mafieuses qui leur sont proches et sévissent dans le pays à travers une guerre des clans digne de Cosa Nostra, n'ont que faire des ministres du gouvernement. Au contraire, des sous-ministres ou secrétaires d'Etat (il y en a aujourd'hui 29), ont pour mission d'exécuter les décisions et d'assurer la marche quotidienne de l'Etat en technocrates et hommes de dossiers. Comme nous l'a récemment révélé un homme bien introduit dans les rouages de Carthage: "Les ministres ne sont là que pour le décor, la figuration lors du tradionnel Conseil des ministres du mercredi. Mais ce sont les secrétaires d'Etat qui, dès le samedi qui précède, se réunissent avec les conseillers au Palais et reçoivent les instructions quant aux décisions à éxécuter, aux marchés à attribuer, au gâteau à partager...".
Concernant ce remaniement, précisément, il semblerait qu'il soit encore tôt de tirer les conclusions quant au limogeage de Kallel et de Jegham. Indéniablement, nous pourrions déceler ici la griffe de Leila Trabelsi, d'autant que nul n'ignore que l'épouse du Général-Président en veut à mort et au premier, allié au clan Chiboub et ennemi-juré de son protégé Mohamed Ali Ganzoui, et au second qui a souvent alerté Ben Ali sur le comportement ostentatoire et mafieux de ses gendres Trabelsi ainsi que sur le mécontentement général que cela a produit au sein de la population. Mais il n'y aurait pas que cela puisque l'on parle dans certaines sphères d'une mutinerie déclenchée dans une caserne par des officiers protestant sur leurs condiitions de vie précaires. Même si cette information n'a pas, pour l'heure, été vérifiée, elle pourrait avoir provoqué le courroux d'un Ben Ali qui n'en aurait pas été informé.
Quoiqu'il en soit, ce dernier remaniement a manqué de peu de faire des dégâts chez Ben Ali. En effet, apprenant son limogeage par le biais du Premier ministre à quelques minutes de son annonce, Abdallah Kallel a attrapé une crise et fut transféré d'urgence à l'hôpital militaire dans un coma diabétique. Quelques jours plus tard, sa situation ne s'améliorant guère, il fut transféré à l'hôpital cantonal de Genève où l'attendaient alors de pied ferme certaines de ses victimes de la torture. Au mois un dossier de plainte a été jugé recevable par le procureur de la République genevois M. Bertossa. Ce n'est qu'alors, que flairant la gravité de l'affaire, que Ben Ali ordonna à son ambassadrice à Berne de s'atteler à régler les frais d'hospitalisation de Kallel et de le rapatrier sur Tunis, avant de protester officiellement auprès des Autorités helvétiques pour la recevabilité de la plainte. Comme si Zinochet, Kallel et les tortionnaires qui les entourent pouvaient demeurer indéfiniment à l'abri de la Justice internationale...
Même si dans la précipitation le Général lui a attribué un poste de convalescence (conseiller au Palais de Carthage), comme nous l'a annoncé le quodien "Essabah" dès le 16 février, la machine enclenchée par les victimes de la torture est loin de s'arrêter. Désormais, il ne sera plus aisé d'être ministre de Ben Ali ou fonctionnaire au service de son gouvernement criminel et voyager dans la quiétude et bénéficier de l'impunité.
L'affaire Pinochet avait révélé qu'on ne saurait torturer, briser des vies, assassiner sans répondre de la Justice. Cette première affaire Kallel devrait davantage le faire réfléchir, ainsi que Ganzoui et Bououn, à titre d'exemple, qui viennent de commettre une tentative d'assassinat sur Jalel Zoghlami, que l'ère de l'impunité des tortionnaires est bel et bien révolue...
Slim Bagga
MIEUX VAUT LE DIRE : JEU DE 7 FAMILLES
Commençons par la blague
On en rit dans les cafés tunisois : Ben Ali qui se fait entretenir tous les jours par son coiffeur, est interpellé une première fois par celui-ci au sujet du dossier des droits de l'homme en Tunisie et de toutes les critiques sur sa gestion de ce dossier. "Ca avance, répond le Général, on va régler le problème".
Deux jours plus tard, le coiffeur de "son" Palais, lui repose la même question alors qu'il lui administrait une teinture noire (il y a pénurie de teinture noire à Tunis). "C'est presque fini, répond Ben Ali ; en 2004, le problème sera totalement résolu" (comme dirait Mezri Haddad).
48 heures plus tard, rebelotte. Exaspéré, Ben Ali demande alors à son technicien des poils : : "Pourquoi me posez-vous toujours la même question?" Et le coiffeur présidentiel de répondre : "Parce que, Monsieur le Président, chaque fois que je vous pose la même question, vos cheveux se hérissent".
Leila à Paris
A la fin du Ramadan, Leila Ben Ali Trabelsi a séjourné pendant plus de 48h à Paris. Elle est arrivée à bord du Falcon 2000 présidentiel, dont nous vous avions parlé dans nos précédentes éditions, équipé d'un kit de 4 milliards de millimes (20 millions de FF).
Au départ, selon l'équipage, la rotation était de 12 heures. Il se trouve que cet équipage dût l'attendre plus de 48 heures. Pendant ce temps, c'est l'Etat tunisien (ou le compte 26/26) qui a dû s'acquitter envers les Aéroports de Paris (ADP) du côut du stationnement de Madame sur les taxiways. Ce n'est qu'à 23h, une heure tardive, que Madame décolla pour Tunis. Il faut savoir que la France n'autorise que rarement les décollages après minuit à cause des 7000 avions qui survolent sonciel tous les jours (problèmes d'aiguillage).
Après enquête menée par nos soins, nous savons que le prix du stationnement de cet avion est fonction du tonnage (un Falcon 2000 pèse entre 9,7 tonnes à vide et 16,4 tonnes plein) et de l'emplacement sur les taxiways. Une tonne coûte 10,97F par 24h plus 1F par tonne et par heure supplémentaire. Faites le calcul. Le prix du ticket de stationnement ? Environ 100 000 FF... Nous savons aussi que le prix cette facture a été payée en... dollars... par le contribuable via le 26/26.
Le zoo de Skanès-Monastir
Le zoo de Monastir a une superficie de 1 hectare et comportait toutes sortes d'animaux. Après celui du Belvédère à Tunis, il fut pendant de nombreuses années la fierté de Bourguiba qui le considérait comme le week-end des enfants.
Ce parc a été récemment fermé, les animaux transférés à Tunis et Kaïs Ben Ali, le neveu de son oncle, vient de l'acquérir pour 1 dinard (5 FF) le m2. Il prétend y construire un Musée...
Allez savoir un Musée de quoi!
A propos de Musées
Comme nous l'avions révélé il y a quelques mois sur ces colonnes, le Palais présidentiel de Skanès-Monastir a finalement été acquis par la famille Trabelsi. Il s'agit d'un domaine de 40 hectares que Belhassen Trabelsi est en train de viabiliser et dont la gestion a été confiée à un certain Hamadi Belhaj, ex-Pdg d'une entreprise publique, aujourd'hui chargé d'y édifier une Marina et un Musée.
Les bonbonnes de Leila
Agil est une entreprise pétrolière de prospection affiliée à l'Agip. Elle est, en outre, spécialisée dans la commercialisation de bonbonnes de gaz. Sur les 500 000 importées en Tunisie pour couvrir les besoins des habitants dans des zones où le gaz de ville n'a pas été installé (eh oui, il y en a encore beaucoup...), 200 000 bonbonnes n'ont pas été vendues.
Leila Ben Ali, qui gère ce secteur depuis qu'elle a réussi à mettre sur la touche Mohamed Jeri, l'ancien directeur de Cabinet et confident du Général, à travers la société El Bahia (du nom de sa mère) a mis tout son poids pour que les bonbonnes de gaz continuent à être importées (et payées en dollars), quitte à ce que les finances publiques en souffrent.
L'affaire de l'Espérance
La Confédération africaine de football vient de décider de cinq mesures disciplinaires :
1- la suspension pour un an de Chokri El Ouaer, gardien de but de l'Espérance sportive de Tunisie et de l'équipe nationale ;
2- la suspension pour 4 matches de l'arrière latéral de l'Espérance Azzaïez ;
3- la condamation de l'Espérance à verser US$5000 d'amende ;
4- le blâme de la Fédération tunisienne de football
5- la suspension de Mourad Daami, arbitre international qui est exclu, par là même, de la participation à la Coupe du monde de 2002.
Toute cette affaire est le résultat, en effet, de la volonté maladive de Slim Chiboub, président de l'Espérance, de faire gagner son club à tout prix au Ghana. Un photographe amateur avait immortalisé la séquence au cours de laquelle Chroki El Ouaer s'était frappé le front avec une bouteille de Coca Cola, espérant faire arrêter le match au cours duquel l'Espérance était perdante.
Quand on est le gendre de Ben Ali, on se croit tout permis. Heureusement que la CAF ne dépend pas des lois tunisiennes.
MIEUX VAUT LE DIRE : POLITIQUE
Les ambassades de Suède et du Chili à Tunis ferment.
Selon "Réalités" n¡789, les ambassades de Suède et du Chili à Tunis ferment leurs portes. D'après l'hebdomadaire benaliste, les raisons sont motivées par des considérations budgétaires. Si, en effet, le pays de l'ex-dictateur Pinochet semble à cours de moyens, ce n'est pas le cas de Stockholm. Il se trouve malheureusement que les représentants diplomatiques de ce pays démocratique sont exaspérés par le comportement du gouvernement tunisien au sujet des droits de l'homme. Déjà, l'ancienne ambassadrice avait vécu un calvaire en 1998 à l'occasion des procès de la Gauche tunisienne. Ce que ne dit pas le docile et tendre "Réalités", c'est que même la direction générale de l'UNESCO vient de décider de transférer son siège... "ailleurs"...
Les confidences de Habib Ben Yahia
L'actuel ministre des Affaires étrangères rend souvent visite à certains hommes politiques qui l'avaient précédé à son poste. Il leur tient en substance ce discours : "Je suis vraiment désenchanté par la politique gouvernemantale actuelle. Je suis déçu par la politique européenne de la Tunisie. Je n'y peux rien..."
Rafaa Ben Achour
De nombreux observateurs ont été choqués par la nomination récente du juriste Rafaa Ben Achour au sein du gouvernement. Le fils du cheikh Tahar Ben Achour, selon ces derniers, se compromet, contrairement à sa soeur Sana qui milite au sein du CNLT. Mais la condifence vient surtout du ministre de l'Industrie, Moncef Ben Abdallah : " Si Rafaa Ben Achour a été nommé au gouvernement, c'est parce que Ben Ali veut faire un appel du pied aux Tunisois (les beldia)."
Cours hébreu au lycée de Khaznadar
A l'occasion d'un reportage passé il y a deux années sur France 3, la soeur de Gabriel Kabla (médecin à Montreuil et responsable du compte 26-26 à Paris), demandait instamment à ce que les cours d'hébreu soient rétablis dans les écoles tunisiennes. En tout cas, dans son esprit, elle pensait à Djerba. Aujourd'hui, c'est pratiquement chose faite puisqu'au lycée réputé de Khaznadar dans la capitale, un certain Habib Kazdoughli, enseigne déjà l'histoire des juifs de Tunisie.
Frioui, le retour d'un ripoux
C'est à bord d'un vol 724 de Tunis Air que Hassine Frioui, ancien secrétaire général adjoint du RCD à Paris, ancien consul de Tunisie à Toulouse, limogé il y a six mois de la ville rose, revient à Paris. Il a été nommé directeur du Centre culturel tunisien à Aubervilliers, avenue de la République, en remplacement d'Abdeljellil Messaoudi. Tout le monde rigole à Tunis sur la nomination à un poste culturel d'un homme inculte. Hassine Frioui n'est pas seulement inculte, il est aussi ripoux. N'oubliez pas que lui et son fils en noeud papillon ont commis les pires trafics en utilisant les voitures consulaires tunisiennes pour traverser les frontières de la Principauté d'Andorre et acheminer cigares, cigarettes, rouges à lèvres et parfums revendus à moindre prix par le fils à la faculté de Droit à Toulouse.
PSL : triste sort d'une direction légitime
Le 19 février prochain à Taïwan, le Comité exécutif de l'Internationale libérale procédera à la radiation de la direction légitime du Parti social libéral tunisien, membre depuis 1998 de cette Organisation présidée par Me Mounir Béji. La raison invoquée : la direction légitime élue le 21 mars 1998 et non reconnue par BenAli ne s'est pas acquittée de ses cotisations d'adhésion depuis cette date... faute de financement public.
Les confidences de Madame Tlili
Le mari de Madame Tlili fait de l'opposition, raconte cette bourgeoise qui "voyage gratuitement en 2e classe sur Tunis Air". Son mari, homme d'affaires et directeur de l'office des ports aériens de Tunisie connait la réalité de la vie politique, bien différente de la télé ou de la vie des banlieues huppées de Tunis. "Je rêve de visiter les pyramides, la Grande Muraille de Chine et Versailles où personne ne m'a jamais accompagnée".
Ces révélations nous sont parvenues grace aux oreilles dressées du ministère de l'Intérieur tunisien dont les flics voyagent, eux aussi gratuitement, à bord de Tunis Air.
Jeu des 7 familles :
Trafic de cigarettes
Les derrières des containers de Radès
Le ministère français des Finances réagit
De Radès à Marseille :
le voyage incroyable
de 30 tonnes de cigarettes
Les services douaniers du port de Marseille ont récemment intercepté 30 tonnes de cigarettes de contrebande en provenance de Tunisie, selon un communiqué diffusé mardi par le ministère de l'Economie et des Finances.
Cette saisie s'est déroulée en deux temps. Le 5 janvier, 15 tonnes de cigarettes ont été decouvertes dans deux conteneurs qui avaient été repérés sur le port après un patient travail de ciblage. Puis le 12 janvier, ce sont 15 tonnes supplémentaires qui ont été trouvées dans deux autres conteneurs. Selon l'enquête des Douanes, il s'agissait de la même filière: les cigarettes, déclarées à la douane comme ''fer forgé '', provenaient de Tunisie et étaient vraisemblablement destinées au marché britannique. Le 8 décembre, deux conteneurs renfermant plus de 15 tonnes de cigarettes avaient déjà été arrêtés à Marseille. (AP)
C'est à dire à quelques kilométres du Palais de Carthage... Mais que fait Ben Ali? Il est occupé par d'autres "affaires".... Les saisies de cigarettes de contrebande atteignent des taux records à Marseille: 30 tonnes ont été saisies début janvier. Depuis plusieurs mois, les saisies de cigarettes de contrebande atteignent des taux records à Marseille. Les saisies représentent 1,6 million de paquets, principalement de marque Royal Eagle et étaient destinées au marché britannique. Lors des semaines précédentes, d'autres saisies importantes avaient été réalisées. Faut-il pour autant en déduire que le port marseillais est devenu la plaque tournante du trafic en Europe ? Non, répondent les douaniers qui préfèrent évoquer "un itinéraire parmi d'autres".
Les douaniers marseillais seraient-ils devenus les rois du jackpot? Toujours est-il qu'ils battent record sur record en matière de saisies de cigarettes de contrebande. La dernière en date s'est faite en deux fois, le 5 puis le 12-janvier. Les fonctionnaires s'intéressent alors à quatre conteneurs fraîchement débarqués du Maltese Falcon et du Stena Sheaper, deux navires en provenance de Radès, l'avant-port de Tunis. Ils sont censés transporter de l'artisanat en fer forgé. C'est d'ailleurs bien ce qu'ils contiennent. Pour les deux premiers rideaux de cartons au moins, puisque ensuite, les douaniers du port-conteneurs de Mourepiane mirent la main sur des murs de cigarettes. En tout, la cargaison représente une trentaine de tonnes -soit environ 1,6 million de paquets-, le record absolu en matière de saisie de tabac sur Marseille.
Principalement de marque Royal Eagle, elles étaient probablement destinées au marché britannique. Ce qui était déjà le cas des 15,8 tonnes de cigarettes de contrebande en provenance de Turquie découvertes en décembre dernier, toujours sur le port de commerce marseillais et qui faisaient déjà suite à une saisie de 7,5 tonnes, à Fos-sur-Mer en avril.
Pourquoi un tel marché de la contrebande en Grande-Bretagne?
A cause du prix très élevé des cigarettes Outre-Manche. A 40 francs le paquet dans le circuit légal, la vente de cigarettes de contrebande, même à moitié prix, y reste très juteuse. D'autant que, autre atout pour les contrebandiers, le réseau des points de vente y est plus diffus. Aux traditionnels et monopolistiques bureaux de tabacs de l'Hexagone, nos voisins anglais préfèrent une diffusion multiple -pubs, stations-service, distributeurs automatiques,... -- et donc plus difficilement contrôlable.
Guénaël Lemouée
La Provence, 16/01/2001
La preuve par 4: Kaïs Ben Ali, la main dans le container
En complément de l'information ci-après de l'AP, postée par un certain Foued Nejm sur la Liste Maghreb DH, sachez que le bâteau incriminé serait parti du Port de Radès, tenu par le neveu de son oncle : Kaïs. En France, il s'agit du record absolu en matière de contrebande de cigarettes. Un responsable douanier a déclaré sur France 3 Marseille qu'une telle quantité ne pouvait être acheminée sans une contribution logistique d'Etat. Suivez son regard...
Dernière précision de poids : la Douane a été alertée par des coups de fil anonymes !!
Forum du CNLT 01/16/01
Communiqué du ministère français des Finances
Laurent Fabius, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, et Florence Parly secrétaire d'Etat au Budget, félicitent les services douaniers du port de Marseille qui viennent d'intercepter 30 tonnes de cigarettes de contrebande.
Cette saisie importante s'est déroulée en deux temps : le 5 janvier, 15 tonnes de cigarettes ont été découvertes dans deux conteneurs qui avaient été repérés sur le port après un patient travail de ciblage ; puis le 12 janvier, ce sont 15 tonnes supplémentaires qui ont été trouvées dans deux autres conteneurs.
Selon l'enquête des Douanes, il s'agissait de la même filière ; les cigarettes, déclarées à la Douane comme " fer forgé ", provenaient de Tunisie et étaient vraisemblablement destinées au marché britannique.
Le 8 décembre dernier, deux conteneurs renfermant plus de 15 tonnes de cigarettes avaient déjà été arrêtés à Marseille.
Ministère de l'Économie,
des Finances et de l'Industrie, 16/01/2001
REPUBLIQUE FRANÇAISE
COMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE L'HOMME
Avis portant sur la dégradation
de la situation des droits de l'homme en Tunisie
(Adoptée le 25 janvier 2001)
Le tortionnaire
J'ai eu la chance d'être informé de l'existence de la "Liste de la honte". Mais à ma surprise, le nom du colonel Sadok Atig, directeur de la prison civile de Tunis depuis décembre 1997, n'y figure pas malgré ses dépassements et ses méthodes barbares. Pour cela, j'ai décidé de vous envoyer un bref aperçu de notre souffrance à huis clos.
: je considère que le directeur colonel est responsable de cette situation. Il pourrait refuser d'accepter un nombre supérieur à la capacité d'accueil de l'unité. Il pourrait soulever le problème aux plus hautes autorités. Il pourrait construire de nouvelles chambres. Le pavillon B, conçu pour abriter au maximum 180 détenus, héberge 752 prisonniers. Dans la seule chambre BI, nous sommes 276 détenus. Imaginez comment peuvent dormir, manger, respirer et aller aux deux toilettes tous ces détenus! Qui est le coupable? Qui est le responsable?
: Dans une prison qui compte cinq mille détenus, la nuit et les weekends, un seul infirmier est de garde. En cas d'urgence, nous appelons les gardes depuis nos chambres. En cas normal (pas de match ou de bons films à la télé), la durée moyenne pour que les gardes nous ouvrent la porte est de 15 minutes. Arrivés à l'infirmerie, l'infirmier estime généralement la gravité de l'état de santé du détenu et ne prend pas les choses au sérieux. Résultat : le nombre de morts n'a cessé d'augmenter ces dernières années. Le dernier en date est un jeune désespéré qui essayait de s'enfuir et a été électrocuté par le siège électrique de la prison. L'administration a fait circuler une information selon laquelle un détenu s'était suicidé à l'infirmerie. Le maquillage des conditions de la mort des prisonniers est une pratique courante. Qui est le coupable? Qui est le responsable?
: La nourriture est immangeable, insuffisante et servie froide. Pas de petit déjeuner, pas de dessert et une fois par semaine un petit morceau de viande. Le budget prévu pour l'alimentation pourrait certainement être géré mieux que ça. Une question : où passe l'argent?
: un directeur qui insulte haut et fort ses adjoints et ses subordonnés devant tout le monde peut-il être clément avec les détenus? Comment peut-on concevoir qu'il n'est pas responsable dans l'affaire de l'amputation des jambes d'un détenu (seuls Omar Habibi et Jinaoui ont été arrêtés et sont actuellement à la prison de Mornag (ndlr: deux tortionnaires sur la liste de la honte). Qui permet actuellement aux gardiens d'attacher des prisonniers avec des menottes aux tuyaux de canalisation dans les couloirs de la honte? Qui ordonne d'attacher des détenus à des arbres toute la nuit et sans vêtements?
Durant l'Aïd, il a directement participé aux matraquage des détenus qui se sont rassemblés pour échanger les voeux. Les détenus se sont dispersés en l'insultant. Le lendemain, le directeur a organisé une véritable expédition punitive. Une brigade de tigres noirs encagoulés est entrée dans la prison pour terroriser les prisonniers. Ils ont attaqué le pavillon E, dévêtu, frappé et humilié les détenus. Juste après, des dizaines de prisonniers se sont coupés les veines et la peau pour protester. C'est la seule manière possible pour les détenus de droit commun de dire non. C'était un véritable bain de sang. Qui a permis à cette brigade d'entrer dans la prison? Le directeur a osé dire qu'il ne savait rien et qu'il n'en était pas responsable.
: Il est directement ou indirectement responsable de la diffusion de la drogue en prison. C'est un véritable fléau. Les deux couloirs de la honte sont devenus de véritables marchés de vente et d'achat de la drogue. Tout le monde le sait. Les gardiens eux-mêmes ramènent les marchandises. Un certain Lotfi Jendoubi a apporté avec lui la preuve de l'existence de ce trafic lors de son transfert à la prison de Mahdia. Il a présenté au directeur de cette prison de l'argent liquide, de la drogue et des livres ramenés de la prison de Tunis. Qui est responsable de cette situation?
Ce que je viens de décrire n'est qu'un bref aperçu des dépassements du bureaucrate directeur colonel Sadok Atig. Je remercie de tout coeur les associations de défenses des droits de l'homme et tous les hommes libres de notre chère Tunisie qui défendent un idéal de vivre digne et respecté, même en prison. Nous souhaitons plus d'actions pour desserrer l'étau qui risque de nous écraser.
Mehdi Tounsi
Prison civile de Tunis,
le 02/02/2001
CARTES SUR TABLE
AVEC FRANÇOIS BURGAT
"Les actes de Ben Ali contredisent ses déclarations :
ils démontrent très régulièrement la crainte absolue
du régime d'avoir à affronter
un scrutin libre"
Le directeur du Centre français de recherche au Yémen, chercheur au CNRS,
François Burgat répond ci-dessous aux questions de "L'Audace".
Avec son franc-parler et sa vivacité habituelle,
il n'élude pas les questions, il tente d'y donner des réponses.
Interview réalisée par Slim Bagga
François Burgat : Les gens qui sont au pouvoir ne sont pas les plus mal placés pour évaluer avec précision le rapport des forces politiques en présence en Tunisie. Dans ce domaine, les déclarations du Général Ben Ali ont toutefois bien moins d'importance à mes yeux que ses actes. Or, ses actes contredisent ses déclarations : ils démontrent très régulièrement la crainte absolue du régime d'avoir à affronter un scrutin libre de toute entrave juridique et/ou policière. C'est, me semble t-il, la meilleure preuve que le Général ne croit pas en ses 99 % d'électeurs et que l'opposition, quelle qu'elle soit, occupe plus de place aujourd'hui en Tunisie que ne lui en accordent les scrutins unanimistes qui le réélisent régulièrement.
F.B. : C'est sans doute là une preuve que ce sont les islamistes qui constituent à ce jour la partie de l'opposition que le régime redoute le plus, sans doute par ce qu'il la considère comme la plus à même de mobiliser une opposition populaire d'importance significative.
F.B. : Il est évidemment " coûteux " pour un mouvement d'opposition de n'exister que le biais des communiqués de son leadership en exil. Mais cette situation n'est pas propre à Ennahdha et à la Tunisie. Le FIS algérien est lui-même dans une situation assez comparable. Je ne suis pas tout à fait d'accord toutefois avec votre accusation d'immobilisme intellectuel. Rached Ghannouchi a contribué à faire évoluer de manière significative le cadre d'action des islamistes. Il a par exemple été l'un des premiers à oser se prononcer contre le principe de jurisprudence islamique qui entendait pendant longtemps condamner à mort les " renégats" (ceux qui entendent quitter l'islam), étape symbolique essentielle que de nombreux penseurs orthodoxes n'ont pas encore osé franchir.
F.B. : Je me refuse à inscrire mes analyses dans le registre de la prospective. Disons seulement que je suis tout à fait convaincu que la société tunisienne parviendra un jour à s'émanciper de l'autoritarisme extrême du présent régime et à sortir de ce terrible blocage qu'elle ne " mérite " aucunement. Mais je ne me hasarderais pas à tracer un calendrier plus précis de cette " délivrance ".
F.B. : Si on s'accorde à voir avant toute chose dans l'islamisme un mouvement de nature réactionnel, lié au fait que dans l'histoire tunisienne et arabe contemporaine, " modernisation " a parfois rimé avec " dé-islamisation ", les ressources politiques de la protestation islamiste ne sont pas inépuisables. Une fois opérée la réintroduction de la culture musulmane dans la production de la modernité, la seule référence à la terminologie et aux valeurs de l'islam, ne constituera pas éternellement une source de légitimité politique. Je pense que la compétition politique se redéploiera au sein même de la mouvance islamiste, un peu comme cela a été le cas en Iran. Mais nous n'en sommes pas encore tout à fait là.
F.B. : Rien, en théorie, ne l'empêche, à tout le moins d'un point de vue intérieur. La Tunisie étant très proche de l'Europe, l'hostilité agissante de l'environnement occidental se manifesterait toutefois beaucoup plus activement que dans le cas du Yémen. Elle serait sans doute comparable à celle qui s'est exercée avec l'efficacité que l'on sait sur la Turquie ou l'Algérie pour faire échouer l'expérience. On peut toutefois imaginer que la lente banalisation de l'image des islamistes dans l'opinion publique occidentale aboutira inexorablement à un affaiblissement de cette hostilité européenne que les régimes autoritaires, un peu partout dans le monde arabe, ont si longtemps su utiliser à leur profit.
F.B. : Cette voie pragmatique et réaliste de l'union entre les oppositions islamistes et " laïques " est celle que les signataires algériens du Pacte de San Egidio avaient adoptée en 1995 et que les militaires algériens ont combattu avec l'extrême virulence que l'on sait. Elle paraît en effet être la direction la plus crédible à l'heure actuelle, aussi bien pour les opposants maghrébins que pour les opposants aux autres régimes arabes qui, tous, sont confrontés à un cocktail assez comparable de verrouillage politique, de manipulation de la violence et de répression.
F.B. : Je me suis déjà exprimé à de nombreuses reprises à ce sujet, notamment dans les colonnes du journal Libération (" Le prisonnier des deux rives "). Je ne puis que redire ma honte de voir une mesure parfaitement injustifiable reconduite depuis si longtemps.
F.B. : Je doute fort avoir jamais porté une affirmation sur telle ou telle dimension du statut de la religion musulmane. Je ne me considère nullement en effet comme un expert en matière d'islamologie et encore moins comme un émetteur de norme en matière religieuse. Je me contenterai donc de dire ici qu'à ma connaissance, une large majorité des musulmans que ma profession m'a donné l'occasion de fréquenter ne se reconnaîtraient pas dans l'affirmation de Monsieur Charfi. J'ajouterai en revanche très franchement que l'intellectuel Mohamed Charfi, dès lors qu'il est entré en politique, s'est à mes yeux trop directement impliqué dans la légitimation idéologique de la répression qui sévit en Tunisie pour que ses déclarations à un journal, au demeurant proche du pouvoir, méritent d'être prises très au sérieux.
Interview réalisée
par Slim Bagga
Lettre ouverte
au Général Ben Ali
Cela fait très longtemps que je voulais vous écrire, mais le temps et l'espoir ne l'ont pas permis. Cette fois-ci, le verre a débordé et l'espoir est mort. J'écris cette lettre parce que j'ai constaté (et je ne suis pas le seul) que le fossé qui vous sépare du peuple tunisien est devenu tellement large et qu'il n'est plus possible de rapprocher ses deux rives. Il me semble (et c'est le sentiment de tous les Tunisiens que vous avez tellement muselés) que dans votre tour d'ivoire à Carthage, entouré de gens mal-intentionnés, profiteurs et corrompus, vous n'avez aucun sens de la réalité du pays et du peuple, surtout en ce moment où toutes vos préoccupations se résument à trouver le moyen de briguer un et pourquoi pas deux mandats supplémentaires, sans trop choquer les opinions nationale et internationale.
En réalité, ce qui m'a incité à vous écrire, ce sont trois évènements arrivés la même semaine : le départ du président Clinton, l'assassinat du président Kabila et la démission forcée du président Estrada.
Votre départ du pouvoir se fera selon l'un de ces scénarios et il ne tient qu'à vous de choisir lequel, parce qu'il n'y en pas d'autres :
1/ Vous cédez démocratiquement (en réelle démocratie et non pas en démocratie-mascarade dans laquelle nous vivons) votre place et laissez se dérouler des élections totalement libres. C'est là une dernière et unique chance pour vous de remédier à toutes ces années de dictature, d'injustice et d'oppression. Personnellement, je vous conseille cette honorable sortie, mais je ne me fais pas d'illusions. Je suis persuadé que vous ne sauterez pas sur l'occasion pour redorer votre blason et quitter la scène par la grande porte. Les dictateurs pensent toujours que ça n'arrive qu'aux autres, mais finalement ils partent soit assassinés, soit acculés à l'exil, soit jugés et emprisonnés. De toutes les manières, un jour ou l'autre, ils meurent (vous semblez oublier que cela peut vous arriver à tout moment) en laissant à leurs familles et à leur entourage, un lourd héritage de honte, de mépris et de sang parfois.
Les exemples du Shah d'Iran, de Marcos, de Ceaucescu, de Duvalier, de Mobutu, de Suharto, de Guei, de Kabila et de Pinochet ne manquent pas.
2/ La deuxième possibilité est que vous soyez assassiné comme votre confrère Kabila. Mais n'ayez pas peur, vous ne serez pas assassiné par des opposants tunisiens. Ce n'est pas dans nos moeurs et aucun opposant n'osera souiller ses mains de votre sang, malgré votre pseudo-menace terroriste que vous et vos médias ne cessent de nous faire avaler.
Vous ne serez pas non plus assassiné par des mercenaires "dirigés" contre vous par une puissance étrangère : elles n'en ont rien à faire, vous jouez tellement bien leur jeu. Mais vous seriez assassiné par votre propre entourage. En effet, vous seriez tué par ceux que vous avez montés contre ce peuple innocent qui ne mérite pas ce nombre astronomique de flics, d'indicateurs, de délateurs, et que vous vous faites, ainsi que votre armada de flics assassins et de juges corrompus, un malin plaisir de matraquer, de terroriser, de museler et d'opprimer. Il est très probable aussi que vous soyez assassiné par ceux qui sont entrain de piller les richesses du pays sous votre protection et avec votre bénédiction contre une participation au renflouement de vos comptes en Europe, aux USA et en Argentine. Ces gens qui s'entretuent déjà pour avoir chacun une plus grosse part du gâteau, qui s'amenuise petit à petit, et qui ne reculeront devant rien pour sauvegarder leurs intérêts. N'oubliez pas ce qui est arrivé à votre frère Moncef...
3/ Enfin, le troisième scénario pour vous, c'est d'être chassé du pouvoir, comme Estrada ou Suharto par le peuple qui, en dépit de toutes ces années de chape de plomb, se relèvera et demandera des comptes. Ne vous trompez pas. Ce peuple qui a attendu 31 ans pour voir le premier Président autoritaire, il est vrai, mais non moins aimé, partir, n'attendra pas autant pour voir le second, tant detesté, déguerpir à son tour. Le jour où il se relèvera, toutes vos mesures bouche-trous ne le contenteront pas. Et votre règne ne sera qu'une mauvaise parenthèse dans l'histoire de la Tunisie.
L'Histoire (avec un grand H), en effet, n'oubliera pas ce lourd héritage que vous laissez derrière vous : une société bâtarde où vous avez tout fait pour effacer ses origines arabo-musulmanes, en obéissant dés 1989 à une campagne mondiale sioniste d'éradication de l'islam dans les pays musulmans modérés ; une société sans foi ni loi où la corruption, le pillage des citoyens et des biens publics (le dernier en date, la Société Laitière du Nord Ouest LAINO)*, l'escroquerie, la malversation, etc... s'érigent en règles de conduite. Une société où l'insécurité la plus totale règne, et où votre police est occupée à matraquer les opposants politiques et défenseurs des droits de l'homme ; une jeunesse désemparée, analphabète, vidée de tous les principes et les valeurs arabo-musulmans et universels, tournée vers un Occident qui la rejette vers la drogue, la débauche, l'alcool et la délinquance ; une population de centaines de milliers de chômeurs, notamment les diplômés, dont le seul rêve est de quitter (même au péril de leurs vies ) ce pays où ils n'ont connu que le besoin, la misère, l'injustice, l'inégalité, la violence policière, etc... ; une administration répressive et corrompue à tous les niveaux (du chaouch au ministre) dont la seule raison d'être est d'opprimer les citoyens considérés comme une vache à traîre.
Mais le plus grave à mes yeux, c'est bien la dégradation choquante et irréversible des moeurs, particulièrement chez les jeunes, (il faudra plusieurs générations pour la cironscrire) ainsi qu'une éclosion sans précédent du banditisme, de la criminalité et de la délinquance.
Détrompez-vous, Général Ben Ali, vous qui croyez avoir sauvé la Tunisie de Bourguiba : vous n'avez fait qu'enfoncer beaucoup plus notre Tunisie dans le sous-développement et la misère,. Ce que vous avez fait n'a rien de glorieux, vos prédécesseurs Nouira, Mzali et Sfar auraient pu le faire, mais ils eurent des scrupules envers le Père de la Nation.
Ils ne furent pas des traîtres.
A bon entendeur, salut.
Cheval de Troie
31/01/2001
JUGEONS-LES !
LE CONSEIL DES LIBERTES DEVOILE
LA LISTE DE TORTIONNAIRES
Personnes impliquées dans la torture en Tunisie
selon les critères définis par l'article 1 de la Convention
internationale contre la torture
Fonctionnaires de la sûreté
nationale (Première liste) |
Officiers et agents de
l'administration pénitentiare (Deuxième liste) |
Journée de solidarité avec les
prisonniers politiques en Tunisie
Vendredi 26 janvier à 19H, s'est tenu à l'Ageca, une réunion de 4H regroupant toutes les franges et toutes les sensibilités politiques de la société tunisienne en exil. A la tribune, nous avons eu des hommes aussi divers - de notre ami l'Algérien Mohamed Harbi au ministre Léon Schwarzenberg, de l'intellectuel Jean-François Poirier à l'émouvante Radihia Aouididi, de Souad Charbti à Tarek Ben Hiba saluant la mémoire des 450 personnes mortes un certain 26 janvier 1978 sous la répression du directeur de la sûreté nationale Ben Ali - qui ont réchauffé le coeur d'une imposante assitance et laissé apercevoir que le rêve est toujours permis pour se débarrasser de cette insolente dictature.
Nous publions ci après le message de Moncef Marzouki, l'intervention de Radihia ,
le message de Khémaïs Chammari et la lettre des organisateurs. Que ceux qui sont intervenus, et dont nous ne publions pas les communications, nous en excusent. L'essentiel étant, comme le disait Léon Schwarzenberg de serrer les rangs pour que ce régime cesse. L'essentiel étant, comme l'affirmait aussi Jean-François Poirier, que " la France, mon pays, prenne ses dispositions parce que le comportement de nos ambassdeurs est honteux. Je ne parle pas seulement de l'Amiral Lanxade, je parle aussi de l'actuel ambassadeur Daniel Contenay qui n'a pas eu le courage d'assister au procès du Dr Marzouki" (voir l'intégralité des interventions sur www.multimania.com/solidarite26)
S.B.
L'AUTRE EDITO
Le message de Moncef Marzouki
Chers amis tunisiens
Chers amis de la Tunisie
J'ai deux nouvelles à vous annoncer et je vais commencer par la bonne. La campagne d'intimidations et de reprise en main de la dictature en cours depuis le début de décembre 2000 a totalement échoué. Ce qui devait être un coup de balai s'est avéré être un coup d'épée dans l'eau. Les objectifs essentiels du Pouvoir à savoir, le retour de la peur et la paralysie du mouvement démocratique, n'ont pas été atteints. Loin de là.
La résistance à la campagne a été magnifique. Aucune personne ni aucune structure n'a cédé. La population n'a jamais été aussi outrée. Les langues n'ont jamais été aussi déliées et unanimes dans la condamnation de ce régime. Me croirez-vous si je vous disais que des juges m'ont envoyé leurs encouragements et que d'autres ont émis le souhait de me rencontrer pour me parler de ce qu'on a fait de la Justice de ce pays. Les effets pervers de la campagne ont été énormes. Si la devise de ceux qui font de la vraie politique est : diviser pour régner, celle de notre dictature policière semble être unir tout le monde contre moi. Merci de me faciliter la tâche de la construction du Front démocratique. Ne parlons pas du tort considérable porté à l'image de ce régime dans les médias du monde entier puisqu'il est inutile de tirer sur un cadavre. Menée tambour battant, par un grotesque déploiement policier et des procès bâclés, la répression tous azimuts a surtout révélé l'extrême nervosité du régime.
Maintenant la mauvaise nouvelle : l'échec pitoyable de la campagne ne mènera pas aux révisions difficiles qui s'imposent mais à la tentation de mettre le paquet, de frapper encore plus fort. Nous savons que les résultats seront encore plus catastrophiques. Mais le propre de toute dictature n'est-il pas l'aveuglement...? Ne dit-on pas à juste titre qu'en dictature tout va bien jusqu'au dernier quart d'heure ? Il faut se rappeler aussi que la campagne n'est que le barrage d'artillerie pour préparer le terrain à la vraie offensive, qui est le putsch constitutionnel en cours de préparation pour installer la présidence à vie à partir de 2004, terme de la fin des mandats légaux de M.Ben Ali.
Ainsi, notre peuple dépossédé de son droit à la liberté d'expression, à la liberté d'association, se verra imposer l'humiliation d'un référendum bidon scellant sa non-souveraineté au profit d'une poignée d'hommes qui n'ont pour eux que la force de la police. De cette parodie de consultation populaire, naîtra un Etat encore plus illégitime fondé sur le faux et l'extorsion d'une légalité illégale. Or, seules les trois libertés fondent la vraie souveraineté du peuple et la légitimité de l'Etat. Aussi, notre combat doit-il se focaliser sur le droit de tous à l'expression, le droit de tous à l'association pacifique, le droit du peuple en 2004, à des élections libres et honnêtes, monitorées par les Nations Unies où un Président, élu même par 51%, devra reconstruire l'Etat légitimé par le suffrage universel authentique sur des bases saines et consensuelles. Le mot d'ordre pour tous les Tunisiens doit donc être : rien de plus, rien de moins en Tunisie dorénavant qu'un peuple souverain et un Etat légitime. Mais ne nous faisons aucune illusion : ils ne lâcheront pas le morceau. La Tunisie est un gâteau si succulent. C'est pour cela que le pire est à venir surtout de la part d'un régime où le réflexe tient lieu de réflexion. Le prix de notre passage, en tant que peuple, de l'aliénation à la souveraineté, celui de notre Etat, de la légitimité par la force à la force par la légitimité, risque d'être très lourd.
En ce jour anniversaire de la révolte des ouvriers du 26 janvier 78, ma pensée va à tous les Tunisiens qui ont si chèrement payé leur refus de la dictature partisane de Bourguiba, de la dictature policière de Ben Ali et de l'insupportable règne de cette coquille vide qui mérite si bien ses initiales de RCD ou Rassemblement Contre la Démocratie.
En ces jours graves où le destin de notre pays hésite entre un irrémédiable malheur et la liberté si longtemps espérée, ma pensée va à ceux qui ont payé, à ceux qui vont encore payer de leur liberté et peut être de leur vie, pour que vive enfin, en Tunisie, un peuple souverain servi par un Etat légitime.
Ma pensée va à tous ceux qui croupissent en prison depuis tant d'années.
Ma pensée va à ces femmes modestes et pourtant indestructibles, ces épouses, mères et sÏurs-courage, condamnées à vivre une souffrance silencieuse à l'ombre de la prison omniprésente.
Ma pensée va à ces emmurés vivants que sont Hammadi Jébali, Ali larayedh, Sadok Chourou, Habib Ellouze, Abdelkrim Harouni, Abdellatif Mekki, Ali Zaroui et leurs compagnons d'infortune, isolés depuis plus de dix ans dans des geôles infâmes.
Ma pensée va à Bechir Abid, aux grévistes de la faim, à Hamma Hammami, obligé de vivre derrière les barreaux invisibles de la clandestinité depuis bientôt trois années.
Ma pensée va à Najib Hosni, cet homme agaçant à force d'éternelle bonne humeur, fier comme Artaban, droit comme un "I", mon avocat des années de traversée du désert, mon ami des jours sans pain, mon compagnon de toutes les luttes, mon frère de tranchées, traîné de tribunal en tribunal pour délit de dignité.
Ma pensée va à tous les prisonniers d'opinion, mais aussi à tous les prisonniers de droit commun entassés dans des conditions bestiales, vivant dans ces abysses de l'enfer que sont les prisons tunisiennes.
Ma pensée, en cet instant, va à ces hommes qui vivent depuis des années dans le couloir de la mort, isolés, enchaînés, tressautant la nuit à chaque bruit, guettant un soleil incertain.
Quelle épaisse insensibilité, quelle absolue indifférence à la souffrance humaine ne faut-il pas pour faire perdurer une torture dont on ose à peine imaginer les ravages sur le corps et l'esprit de ces malheureux ?
Ma pensée va à Nizar Nayouf, mourant dans une geôle syrienne pour avoir défendu les valeurs de la nouvelle table des lois : la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Ma pensée va au prisonnier inconnu, mourant dans l'anonymat dans les geôles de toutes ces dictatures qui souillent l'humanité.
Mais ma pensée va surtout aux enfants. Il y a quelques mois, j'ai rencontré dans la rue une jolie petite fille qui est venue me saluer avec la timidité et la gaucherie des adolescents. C'était la fille de Hammadi Jébali. Elle ne doit pas avoir plus de douze ans. Je calcule rapidement
que son père ne l'a pas prise dans ses bras depuis qu'elle avait deux ou trois ans. C'est elle qui sourit, c'est moi qui ai les larmes aux yeux. Oui, ma pensée va à elle, à Ghifar, Rabia et Jihad, les enfants de Nejib Hosni. Elle va à la petite Sarah que mon frère Hamma Hammami n'a jamais embrassée.
Elle va à ses autres filles Oussaima et à Nadia qui a fait une longue grève de la faim pour avoir le droit à un père.
Ma pensée s'accroche au visage de ces enfants et aux dizaines de milliers d'autres dont l'enfance a été saccagée par les perquisitions des aubes blafardes, la brutalité de l'arrestation d'un père frappé, entraîné vers le cauchemar, les hurlements et les injures à vous glacer le sang, la vision indélébile d'une mère en pleurs, et la soudaine perception d'une maison devenue aussi vide que l'avenir.
Pour un écrivain, il y a des phrases si belles qu'on jalouse secrètement ceux qui les ont dites, qu'on s'en veut de ne pas en être l'inventeur. Parmi celles qui me font ce drôle d'effet , il y a celle qui dit : "Tout nouveau-né est la preuve irréfutable de l'entêtement de Dieu".
Lao tseu dit que l'ultime sagesse dans ce bas monde est de toujours mettre ses pas sur les traces du Tao. Or, si Dieu montre à travers Sarah, Oussaima, Ghifar et les autres, son entêtement à vouloir avancer dans la création du monde, nous n'avons d'autre choix que de mettre nos pieds sur ses traces, à faire preuve du même entêtement pour un monde sans torture, sans brutalité, sans mépris, sans cachot, sans enfants en quête d'un père entr'aperçu à travers les barreaux.
Ma pensée va enfin à vous tous, les entêtés de la liberté.
Ne lâchez pas prise, car c'est votre entêtement qui permettra à la petite Jébali, à la petite Hammami et aux jumelles Hosni de s'asseoir un jour prochain sur les genoux de leurs pères et de mettre enfin leurs têtes sur des épaules devenues soudain légères.
Ma pensée va enfin à cette liberté que nous devons à tous ces enfants, et que nous allons leur léguer comme le plus précieux des héritages pour qu'ils vivent dans leur pays comme des citoyens, non comme des sujets.
Bonsoir et bonne chance.
Moncef Marzouki
Sousse le 25-01-2001
L'intervention de Radhia Aouididi
Mesdames, Messieurs,
défenseurs des droits de l'homme,
Pour commencer, je ne sais pas comment vous remercier tous pour le formidable travail, pour le soutien dont j'ai entendu parler par le biais de ma famille et de mes avocats pendant mon emprisonnement et tous les courriers que j'ai reçus après ma libération.
C'est grâce à vous que j'ai pu m'en sortir et c'est grâce à vous que je suis parmi vous ce soir.
En montant dans l'avion un dernier regard, les larmes dans les yeux, m'a fait revivre la tragédie qui a duré de longues années.
Radhia Aouididi
Le message de
Khémaïs Chammari
Cher(e)s ami(e)s,
Des contraintes d'ordre professionnel m'empêchent d'être parmi vous à l'occasion de cette manifestation de solidarité avec les détenus politiques en Tunisie. J'en suis absolument désolé mais je voudrais, par ce bref message, vous faire part de mon fraternel et chaleureux soutien.
Le combat, auquel vous apportez par votre initiative et votre contribution militante, est au cÏur des préoccupations et des priorités de tous les défenseurs des droits humains et des libertés dans notre pays. Par delà la revendication focale de la libération de tous les détenus politiques dont près d'un millier continuent de croupir dans les geôles du régime, ce combat concerne aussi la lutte contre les conditions inhumaines de détention, la dénonciation du recours, devenu systématique, à la torture et la question de l'impunité des tortionnaires et de tous ceux aux ordres desquels ils obéissent. Lutter contre l'impunité répond, en effet, à un devoir de mémoire, à une exigence de vérité, à un impératif de justice et à une obligation de réparation.
La libération de tous les détenus politiques est, par ailleurs, indissociable de deux autres revendications essentielles :
Khemaïs Chammari.
Intervention de
la Coordination
Lorsqu'il est question de parler d'une société privée d'expression, privée de parole, et lorsqu'on est, en plus, citoyen de cette société, il est difficile de contenir sa frustration. Que la présence nous accorde des circonstances atténuantes...
Je voudrais tout d'abord au nom de la Coordination pour la défense des prisonniers politiques en Tunisie, rendre hommage à ceux de mes compatriotes, ici et là-bas, qui continuent à défier l'arbitraire en dépit du lourd tribut payé, jusqu'à ce que la Tunisie recouvre sa liberté et sa dignité.
Je voudrais également exprimer toute ma considération à nos amis, français et autres, qui continuent à s'intéresser à ce " petit pays " malgré la baisse de la fièvre médiatique suscitée par l'affaire Ben Brik. Votre dévouement désintéressé pour notre pays nous oblige...
Mesdames, messieurs, clouer au pilori sa Patrie n'a jamais été une chose facile. On aurait souhaité défendre le cas de notre si cher pays dans le concert des Nations et avoir le sentiment du devoir accompli et la fierté de promouvoir les intérêts de ceux qui étaient avec nous sur les bancs de l'école, dans le quartier, à l'université... tout simplement ceux qui sont nos concitoyens.
Si nous devons rendre compte aujourd'hui, non pas d'une image idyllique de notre pays, mais des atrocités qui se pratiquent en son sein, c'est que nous avons réussi comme beaucoup de braves citoyens, à soulager nos consciences et à convaincre notre sens du devoir national que c'est aussi une manière de rendre service à notre pays... La promotion de l'image de notre chère Tunisie à l'étranger ne doit pas se faire au détriment de la souffrance d'un Ali Laarayedh croupissant en isolement depuis 10 ans, ni la douleur de femmes et d'enfants brisés par des années d'acharnement policier impitoyable. Loin d'être des traîtres, ceux qui font ce travail ingrat, mais ô combien noble, sont les vrais patriotes. Car entre autres, ils empêchent de dire que " tout le monde se complaît dans ce jeu de massacre en Tunisie ".
Il est ensuite une réalité que vous avez réussi, mesdames, messieurs, grâce à votre abnégation à rendre évidente auprès de l'opinion publique nationale et internationale.
Désormais, quand on évoque la Tunisie, le bâton précède le jasmin, les prisons la plage, la torture l'hospitalité... Bref : la dictature avant la République.
C'est la vérité cruelle d'un régime qui a transformé notre pays en un complexe hospitalier, d'un régime qui érige la souffrance en système.
La Tunisie du 21ème siècle, c'est désormais, le pays de ceux qui souffrent. Ses symboles sont Tawfiq Echaïeb, Ahmed Essghaïer (mettant sa progéniture à la vente), Sadok Chourou, Moncef Marzouki, Sihem Ben Sedrine, Imen Darwiche, Hamma Hammami, Mohamed Mouada, Khaled Barka, Khemaïs Ksila, Abdellatif El Mekki, Bouraoui Makhlouf, Nejib Hosni, tous ces braves citoyens, ici dans la salle, et tous leurs compagnons d'infortune, exilés partout dans le monde et privés de la "karma wa zeitouna" (le figuier et l'olivier), pour avoir dit Non.
C'est un régime qui dépolitise la société et politise les prisons. Comble du paradoxe dans la Tunisie de Ben Ali : les prisons sont plus représentatives de la société que le Parlement.
Ce régime qui hante la vie des Tunisiens doit être jugé, combattu et banni pour crime contre la dignité, pour crime contre la liberté.
Cette vérité pour capitale soit-elle, réussira-t-elle à débarrasser la Tunisie du spectre de l'intégrisme... politique ? J'en doute fort !
A vouloir trop focaliser sur les seuls agissements du Pouvoir, on risque de compromettre nos chances quant à un authentique changement en Tunisie. C'est pourquoi, nous aimerions dire quelques mots au sujet des trois protagonistes incontournables de cette entreprise de changement salutaire.
Tout d'abord, l'Europe ( et plus particulièrement la France), pays ami et principal partenaire économique de la Tunisie.
Dans cette France, où le Président se considère comme le premier courtier de la Nation, et qui se plait à répéter : "Moi, lorsque je vais à l'étranger, je vais vendre la France, c'est aussi cela le rôle du politique", et où le ministre des Affaires étrangères, désinvolte, répondait dans l'hémicycle de l'Assemblée : "Vous parlez de cynisme commercial. Je ne vois pas bien ce que cela veut dire dans un pays où un tiers des salariés travaillent pour l'exportation, et je ne vois pas en quoi la démocratie progressera plus vite dans des pays qui achèteront des Boeing plutôt que des Airbus ", et où enfin, un responsable de la compagnie pollueuse Total expliquait cyniquement la complaisance de son groupe avec la junte militaire en Birmanie : "Ce n'est pas de notre faute si le bon dieu a placé les gisements de pétrole dans des pays qui ne sont pas des modèles en démocratie ". Dans cette France, la nouvelle "diplomatie économique "sait cohabiter avec la "dictature gestionnaire", celle qui méprise les libertés et bafoue les droits, mais qui se comporte économiquement en bon élève. La Chine et la Tunisie en sont les parfaites illustrations (...)
Quand le président français exhorte le "miracle tunisien", quand Philippe Séguin veut exporter en France le modèle militant du RCD, et quand la très sympathique Hélène Flautre met à nu la complicité des Services de renseignements des deux pays au sujet des opposants, on ne fait que prostituer notre pays.
Nous devons, vous devez dire et rappeler aux dirigeants français que cette complicité dangereuse nuit à l'image de la France et ne sert pas les intérêts de la Tunisie.
A cette occasion, nous nous félicitons de la très louable initiative d'un certain nombre d'intellectuels français s'élevant contre le silence de leur gouvernement sur la situation en Tunisie, et lançant un appel solennel au soutien des " Tunisiens à bout de patience ", paru dans les colonnes du "Monde" du 19 janvier 2001.
Espérons que l'écho de leur initiative sera à la hauteur des attentes des opprimés tunisiens.
Le deuxième acteur, souvent oublié et relégué au statut de mineur... consumériste selon les uns, clientéliste selon les autres : c'est le peuple tunisien. Il faut le reconnaître, notre société porte en son sein les germes de la dictature. C'est elle qui a enfanté Bourguiba, Ben Ali, Kallel, Ganzoui, et tous les autres tortionnaires. C'est elle qui a produit et laissé proliférer la dictature, la délation, la corruption, le fatalisme... C'est elle qui doit les chasser.
Il faut faire bouger la société. Il faut l'impliquer dans notre combat pour les libertés, qui est aussi le sien. En ce jour mémorable du 26 janvier, le souvenir de la rue tunisienne, en ébullition, réclamant ses droits, nous interpelle et nous trace le chemin.
Aujourd'hui, la société civile se réveille, et l'homme de la rue semble sortir de sa léthargie et retrouver le goût de la contestation. Enfouie, épousant la forme de blagues et de rumeurs, corporatiste, compatissante avec les vrais opposants, transférée et reportée sur les paraboles étrangères... Rien n'y change... Cette contestation est là, à nous de l'accompagner et de rattraper le temps perdu.
Le troisième acteur, enfin, c'est vous, c'est moi, c'est nous tous. Ce sont tous ces citoyens tunisiens qui résistent à l'arbitraire. Le fait qu'on soit ici, n'efface en rien notre culpabilité.
Pendant longtemps, l'opposition crédible s'est perdue dans des luttes marginales et mesquines, opposant stérilement démocrates, islamistes, extrême gauche, nationalistes et autres laïques au grand bonheur des Autorités, heureuses de voir l'opposition se diviser pour qu'elle règne. La seule opposition qui vaille en ces jours graves, c'est celle qui oppose des femmes et des hommes assoiffés de liberté à un régime qui les en dépossède.
L'espoir suscité par les retombées de l'affaire Ben Brik s'est vite volatilisé aussitôt qu'une partie de l'opposition, emportée par des signes d'essoufflement du régime, a vite substitué à une démarche de résistance (rassembleuse), une de pouvoir (utilitariste te excluante).
La souffrance qui sévit en Tunisie et ailleurs, faut-il toujours le rappeler, n'a pas de couleur, n'a pas de race, n'a pas d'idéologie ; elle est tout simplement humaine. Les défenseurs des droits de l'homme ne sont ni de gauche, ni de droite ; ils sont tout simplement humanistes.
Ceux qui veulent coller une idéologie ou une ethnie à la défense des droits de l'homme se trompent. Ce raccourci affaisse les droits et dégraisse l'homme.
Il fallait que le régime retrouve ses réflexes répressifs, aille jusqu'à ses derniers retranchements et intente une foultitude de procès iniques à l'opposition, toutes tendances confondues, pour que celle-ci comprenne que la partie n'est pas encore jouée, et que dans ce bras de fer, mieux vaut être solidaire que solitaire.
La coordination n'a fait qu'entériner cette reprise de conscience. Nous sommes ici, avec nos différences, déterminés et unis pour qu'il soit mis fin à la tragédie des prisonniers politiques en Tunisie.
Je voudrais clore cette journée par un vÏu et une note d'espoir.
J'ai beaucoup apprécié la réaction du Professeur Mohamed Harbi qui, répondant à notre invitation, avait émis une condition : qu'il n'y ait pas d'exclusion et que toutes les parties y soient associées. Cette position réfléchie et productive devrait inspirer tous les amis de la Tunisie : aidez-nous à nous construire, ne nous-aidez pas à nous détruire !
La note d'espoir maintenant : c'est la présence parmi nous de ces anciens prisonniers politiques que sont Aïcha Dhaouadi, Imen Darwiche, Radhia Aouididi et tous les autres.
Ceux qui les ont soutenus ici, et notamment leurs proches, en savent quelque chose.
Mohamed Kéffi, Ahmed Amri, Fadhel Bedda, ont vécu des jours et des mois de crainte, de déception et de solitude. Ils n'ont pas renoncé pour autant.
Leur détermination (leur entêtement selon Dr Marzouki ) a payé, leurs épouses sont très loin de l'enfer carcéral. Faisons autant pour tous les autres prisonniers politiques.
Paris le 26 janvier 2001
La Coordination
Jusqu'à la mort, j'aime mon pays
Aujourd'hui, à 16h45 je marchais sur l'avenue Hedi Chakeur, mon cartable à la main et des pâtisseries pour mon fils dans l'autre main.
Je fais quelque pas en attendant un taxi, quand je reçois un coup sur la tempe droite. Je me retourne et vois cinq hommes armés dont trois avec des barres métalliques et 2 avec de longs poignards.
Je ne sais comment j'ai eu l'idée de me précipiter à l'intérieur d'une agence de location de voitures et comment j'ai escaladé l'étroit escalier, poursuivi par cet "escadron de la mort". L'instinct de conservation me poussa à bloquer l'entrée du local avec un canapé et à me saisir de tables basses que je trouvais pour repousser les agresseurs, au milieu de la frayeur des passants et du personnel de l'agence.
Je ne sais par quel enchantement le chef du poste de police de la rue de Cologne est apparu, accompagné d'un grand nombre d'agents. Il me demanda de sortir sous sa "protection" ; je pris alors une bouteille de détergent et brandis un morceau de verre, déclarant que je ne sortirai qu'en compagnie de ma femme, de mes amis et du dirigeant du mouvement de défense des droits de l'homme.
Le téléphone sonna, au bout du fil se trouvait Tawfik Bououn, chef du district de police de Tunis. J'exigeais de son collègue de sortir et écoutais Bououn déclarer son "étonnement" et sa "dénonciation" de ce qui était arrivé : "Serions-nous donc à Chicago? C'est inadmissible et je ne le permettrai jamais ! J'arrive tout de suite et vous sortirez avec moi en toute sûreté". Ainsi parla-t-il proclamant la paix alors que quelques minutes auparavant, ils tentaient de me tuer.
A 17h30, arriva mon ami Tarek Mahdhaoui, membre du comité de rédaction de "Kaws el Karama", suivi de ma femme Ahlem Belhaj puis de mon ami Omaya et enfin de Mokhtar Trifi, président de la LTDH. J'accepte alors de sortir.
Il s'agit bel et bien d'une tentative d'assassinat. Ce n'est pas la première perpétrée par ces "escadrons de la mort" qui, jadis, cherchèrent à liquider physiquement mon frère Taoufik Ben Brik, Riadh Ben Fadhel, Dr Moncef Marzouki, etc...
Ce corps de criminels n'est pas indépendant de l'autorité politique : il en est même une partie. C'est la police de Ben Ali, des Trabelsi, des Chiboub, des Ganzouï...
Ils cherchent à liquider, à travers ceux qu'ils craignent, les femmes et les hommes libres, une parole dénonciatrice de leur corruption, de leur rapine, de leurs bassesse, de la torture qu'ils ne cessent de pratiquer et leur politique répressive.
Ils ont tenté de m'assassiner quelques jours seulement après l'apparition du premier numéro de "Kaws el Karama", le 26 janvier 2001.
Qu'ils continuent donc d'essayer de nous assassiner; nous ne vous céderons pas le pays jusqu'au dernier souffle.
Notre Tunisie appartient à ses femmes, à ses hommes, à ses jeunes et à ses enfants. Nous balayerons Ben Ali, même au prix de nos vies et nous serons soutenus par les femmes et les hommes libres du Maghreb, de la région arabe et du monde.
Certes, je n'ai pas aujourd'hui les moyens de combattre ces "escadrons de la mort", mais face à leur tentative de m'assassiner, je déclare entrer dès aujourd'hui dans une grève de la faim jusqu'à ce que :
1- mes agresseurs soient poursuivis et punis ;
2- ma plainte contre Tawfik Bououn et Mohamed Ali Ganzouï soit enregistrée ;
3- "Kaws El Karama" soit légalisé
4- soit délivré un passeport à mon fils Youssef (4 ans) ainsi qu'à moi-même ;
5- soit mis fin à toutes les formes de harcèlement contre ma famille et tous mes amis.
Et que vive la liberté,
Jalel Zoghlami
3 février 2001
DROITS DE L'HOMME
Témoignage de Radhia Nasraoui, membre du Conseil de l'Ordre des avocats,
Après l'agression de Jalel Zoghlami et de ses proches
Le mardi 6 février à 21h30, je me dirigeais vers le domicile de Jalel Zoghlami, en grève de la faim, en compagnie de Abdelmoumen Belanes, ancien prisonnier politique et militant du POCT, pour lui exprimer notre solidarité. Avant même d'arriver à la hauteur de la rue où se trouve son immeuble, ma voiture a été encerclée par plus d'une trentaine d'agents de police. Un véritable bataillon composé d'agents en civil et d'agents de la brigade d'intervention spéciale, munis de matraques, dirigés par le préfet de police d'El Menzah et Manar. Ils m'ont intimé l'ordre de faire demi-tour ; alors que j'exécutais la maneuvre, ils se sont excités, criant et tentant de forcer ma portière que j'ai vite bloquée. L'un d'entre eux a réussi à introduire son bras par la vitre que je remontais, dans un geste d'agression. Coincé, il a été obligé de la retirer. Au même moment, d'autres policiers parviennent à ouvrir la portière droite et réussisent à dégager violemment Belanes, ils lui assènent un violent coup de matraque sur la tête qui lui fait perdre connaissance. Alors que le sang gicle sur son visage, les policiers le trainent à terre et l'éloignent. Un groupe plus important se masse autour de la voiture et sentant leurs menaces, je bloque la seconde portière. Au bout d'un moment, voyant le sang couler abondamment sur le visage et la tête de Belanes, ils décident de nous laisser partir. Après l'agression contre Jalel Zoghlami et toutes les agressions qui ont suivi, il apparaît clairement que le régime franchit une nouvelle étape dans la persécution des défenseurs des droits humains et des opposants.
Désormais nos vies sont en danger ! Je lance un appel aux Organisations humanitaires, à tous les démocrates et à tous les défenseurs des droits humains afin qu'ils s'élèvent fermement contre ces pratiques sauvages.
Radhia Nasraoui
De la Voyoucratie
Les deux agressions consécutives perpétrées le 3 février puis le 6, contre Jalel Zoghlami, directeur du journal Kaws el Karama (L'Arc de la dignité), suscitent le désarroi à Tunis. Jalel Zoghlami a entamé une grève de la faim, samedi 3 février, pour que soient engagées des poursuites à l'encontre des "escadrons de la mort ".
Etre agressé par la police politique lors d'une confrontation habituelle (émeute, manifestation, rassemblement) est une exaction que tous les contestataires de Ben Ali ont été préparés à subir. Mais être pris en chasse comme un gibier, en plein centre-ville, et en plein jour, par un escadron de l'ombre, armé de barres de fer et de poignards, ça te fout une peur animale, qui ne te quittera plus, même si tu t'en sors.
Pourquoi Jalel Zoghlami a-t-il eu droit à ce régime de punition sans visage ?
C'est bien simple : il s'est cru apte à proférer une attaque en règle à l'encontre de Ben Ali, au pouvoir depuis 1987. " Ben Ali, 13 ans, basta ", titrait-il en " Une " de son samizdat Kaws el Karama, qu'il a lancé le 26 janvier dernier.
Sommer Ben Ali de partir est la ligne rouge à ne pas franchir. Faut pas rêver ! On se rappelle le sort qui a été réservé à l'ancien rédacteur en chef du Monde Diplomatique version arabe, Riadh Ben Fadhel, lorsque dans une tribune du Monde de mai dernier, il a conseillé à Ben Ali de préparer l'alternance : deux balles en plein thorax ! " L'assassinat manqué, vendredi 2 février, à Tunis, contre Jalel Zoghlami, sonne comme une dernière sommation à agir efficacement", dénoncent vingt-cinq députés européens.
Pour perpétuer sa " voyoucratie ", Ben Ali sera amené, dans les jours qui viennent, à utiliser " l'assassinat politique " comme soupape de sécurité de l'Etat qu'il a criminalisé.
Radhia Nasraoui, l'avocate des têtes brûlées et des enfoirés est catégorique : " Après l'agression contre Jalel Zoghlami (...) il apparaît clairement que le régime franchit une nouvelle étape dans la persécution des défenseurs des droits humains. Désormais nos vies sont en danger. "
Un cadavre exquis, peut-être, pour crier à l'ignominie?
Taoufik Ben Brik
Paris hausse le ton
La France souhaite que la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH) puisse continuer à "fonctionner librement", a affirmé mardi le ministère des Affaires étrangères, au lendemain de l'annulation par la justice tunisienne des délibérations du dernier Congrès de cette Organisation.
"Je vous rappelle notre position que nous avons exprimée à plusieurs reprises : nous souhaitons que la LTDH puisse continuer à fonctionner librement, sans entrave, et qu'elle puisse continuer à apporter, dans des conditions normales, sa contribution à la défense des droits de l'homme et des libertés", a déclaré une porte-parole du ministère français.
Le ministère des Affaires étrangères a précisé qu'il ne commentait pas la décision de la justice tunisienne en particulier, mais se limitait à rappeler sa position générale sur la LTDH.
La justice tunisienne à décidé lundi d'annuler les résultats du 5e Congrès de la Ligue tunisienne de défense des droits de l'homme (LTDH) d'octobre 2000, à l'issue d'un procès ouvert le 25 décembre. Cette décision revient à mettre hors la loi la direction de la LTDH.
La France a haussé le ton, ces derniers jours, à propos de la situation des défenseurs des libertés en Tunisie. En fin de semaine dernière, le ministère des Affaires étrangères s'était dit "préoccupé par l'usage croissant de la violence par les forces de sécurité tunisiennes à l'égard des défenseurs des droits de l'homme".
Paris avait été interpellé à la suite de deux agressions dont avait été victime Jalel Zoghlami, frère du journaliste Taoufik Ben Brik et directeur d'un mensuel nouvellement créée.
Naro Presse Services
13/02/2001
Le CNLT donne l'exemple
et renouvelle à travers des
élections son équipe dirigeante!
Le CNLT donne l'exemple et renouvelle à travers des élections son équipe dirigeante! Mme Sihem Ben Sedrine prend la place du Dr. Moncef Marzouki et devient le nouveau porte-parole du Conseil.
Tunis le 16 fevrier 2001
Pour le Conseil
Le Porte Parole
Dr Moncef Marzouki
Tunis le 16 février 2001
Pour le Conseil
La porte-parole
Sihem Bensedrine
Crldht
ATFD : Lettre ouverte
au ministre de l'Intérieur
Tunis le 29 janvier 2001
Monsieur le ministre,
Nous membres, responsables, adérentes et militantes de l'Associaiton tunisienne des femmes démocrates, vous saisissons d'un abus de pouvoir dont nous sommes victimes de la part des forces de police en civil relevant de votre ministère et placées sour votre autorité.
L'ATFD, qui organisait aujourd'hui 29 janvier 2001, une rencontre de soutien et de solidarité à la LTDH, s'est vue interdire cette renconre par un déploiement de force de police en civil, postée à l'entrée de l'immeuble siège de l'associaton, empêchant les invités d'y accéder, n'hésitant pas à malmener certaines adhérentes, sympathisants et amis de l'association.
Nous nous élevons contre ces pratiques abusives contraires à la loi qui n'impose aucune formalité de préavis aux réunions non publiques tenues au siège de l'association et contraires aux principes constitutionnels et internationaux garantissant la liberté d'association et de réunion.
Nous relevons que cet acte constitue un grave précédent portant atteinte à la libre activité d'une association légalement constituée.
Nous dénonçons ces patiques informelles devenues aujourd'hui tradition, consistant à aviser oralement, sans trace, d'une mesure d'interdiction quelques heures seulement avant le déroulement de la rencontre. Ces pratiques sont d'autant plus consternantes que dans un pays qui se veut un Etat de droit, elles prétexent de la non conformité avec les objectifs de l'association alors même que ces objectifs sont la défense des droits de la personne dans toutes leurs dimensions ainsi que l'affirme la Déclaration universelle des droits de l'homme, car on ne peut réaliser les droits des femmes que dans le respect des libertés et de la démocratie.
Monsieur le ministre,
Nous constatons que cette interdiction abusive vient dans un contexte caractérisé par la multiplication des atteintes aux libertés publiques collectives et individuelles :
l'offensive menée contre la LTDH tant par voie judiciaire qu'administrative et policière en est la principale manifestation.
Depuis le 10 décembre, toutes tentatives de rencontres des défenseurs des droits humains dans les lieux privés (domiciles) ou publics (cafés, hôtels) ont été systématiquement empêchées par les forces de police en civil, souvent brutalement, allant des invectives verbales grossières jusqu'aux brutalités physiques.
La présidente
Bochra Belhadj Hmida
La lettre qui a trahi
le Président de la Chambre
tunisienne des "dépités"
République Tunisienne
Chambre des Députés
Tunis, le 15 décembre 2000
Fouad Mebazaa
Président de la Chambre des Députés
LONGUE GREVE DE LA FAIM
A EL HOUAREB
Nous apprenons de source proche du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) que les détenus politiques de la sinistre prison d'El Houereb étaient en grève de la faim depuis au moins une vingtaine de jours.
Figurent parmi ces détenus Abdellatif El Mekki, Abdel-karim El Harouni et Saber Hamrouni. Certains d'entre eux vont sur leurs dix ans de bagne, soit autour du tiers de leur vie. Mais à Tunis, la vengeance est insatiable et le meurtre une formalité administrative.
Il est à noter que les grèves de la faim sont devenues l'unique arme dont se servent les détenus pour faire connaître le crime dont ils sont victimes quotidiennement de la part de l'administration pénitentiaire, elle-même exécutant une politique de torture et de mauvais traitement planifiée au plus haut de l'Etat et du RCD, parti au pouvoir, lui-même dirigé par le Général Ben Ali en personne.
Avec Haroun M'barek, Lotfi Farhati, Mehdi Zougah, pour ne citer que ceux qui sont signalés par leur entourage à l'étranger, il apparaît que le Général Ben Ali a l'intention de poursuivre sur une politique des prisons pleines (de jeunes gens) jusqu'au-delà de 2004, date à laquelle il compte mettre à exécution son deuxième putsch (anti)constitutionnel pour instaurer la présidence à vie.
Ces sombres perspectives risquent fort de mener le Pays proche vers un avenir incertain, voire périlleux.
Khaled BEN M'BAREK,
Coordinateur CIDT
Avec ma reconnaissance
Pr Moncef Ben Salem
Mezri Haddad
jette le masque
"Repenti" et rallié aux officines du pouvoir dès le 2e semestre 1998, Mezri Haddad ou plutôt "Merzi" Haddad, ci-devant chercheur en philosophie politique et morale (sic!) a fini par jeter le masque (pour ne pas dire les masques) un an et demi plus tard après avoir tenté, mais en vain, de jouer le rôle de "taupe" et de "balance" sous couvert d'une vacation à l'Université Paris VII-Jussieu, abusivement convertie en "chargé de cours" (cf. Le Monde du 06/02/2001 : "La Tunisie ne vit pas un cauchemar").
Contraint à un véritable harakiri, "Merzi" Haddad a ainsi commis, coup sur coup, deux articles à tous égards édifiants. Le premier intitulé "De la Tunisie en général et de l'opposition en particulier" est paru dans le très confidentiel "Le nouvel Afrique-Asie" à la demande pressante -bon de commande à l'appui- de l'ATCE (Agence tunisienne de communication extérieure).
La bave aux lèvres, "Merzi" Haddad tente vainement, usant du mensonge, de l'injure et de la calomnie, de prendre le contre-pied du dossier publié un mois plus tôt par "Jeune Afrique-L'intelligent" et intitulé "Le combat inégal des exilés politiques.
Une "réponse" d'autant plus surprenante que ce dossier ne le concernait ni de près, ni de loin et qu'il a valu à "Jeune Afrique-L'intelligent" une nouvelle saisie en Tunisie. Après avoir essuyé un refus de publication en réponse dans ce journal, Mezri Haddad s'est en définitive rabattu sur la lettre confidentielle de Simon Malley. Celà nous a permis d'avoir un échantillon d'un ouvrage qu'il annonce comme imminent et qui devrait s'intituler "De la Tunisie en général et de l'opposition en particulier".
Le second article a été publié sous forme d'une "opinion" dans le quotidien "Le Monde" sur le thème galvaudé du "péril islamiste" comme alibi à la dérive dictatoriale et despotique du régime de Ben Ali.
Ces deux articles -et en particulier le premier- ont été largement repris par tous les titres de la nébuleuse médiatique contrôlée en Tunisie, par les officines du pouvoir et que Mezri Haddad qualifiait -naguère- de "presse de caniveau".
Dans une étonnante lettre-confession, datée du 29 janvier 1999, adressée à Khémaïs Chammari et que nous publions intégralement, Mezri assurait qu'il ne "ferait rien de quoi (sa) fille rougirait un jour".
Deux ans plus tard, ayant tordu le cou aux principes qu'il affichait et ayant jeté le masque, Mezri Haddad n'a aujourd'hui d'autre choix que d'expliquer à sa fille que ... c'est le vent, et non les girouettes, qui tournent.
L'Audace
RIPOSTE
Misère de l'intellectuel
et intellectuel de misère
Chers compatriotes et amis,
Le personnage qui a pondu les lignes ci-après ne vous est peut-être pas familier. Je l'ai connu aux temps de la fondation de l'Audace, de notre ami Slim Bagga, vers 1994. Il ne tardera d'ailleurs pas à tenter un putsch journalistique contre son "ami de trente ans", en faisant paraître, avec force publicité, un numéro orphelin de ce qu'il avait appelé "La Voix de l'Audace".
Aujourd'hui, je m'en veux affreusement d'y avoir contribué au mépris de nombre de conseils de gens qui m'avaient prévenu. J'avais à coeur de ne pas m'impliquer dans la querelle de ce que je considérais comme me deux amis, puisque j'écrivais également dans "L'Audace" historique... Par la suite, j'avais invité Mezri Haddad à la fondation CIDT-Tunisie à Besançon, toujours en ignorant les conseils. Mezri haddad se présentait comme "chercheur en philosophie politique et morale", titre assez rare pour être aussi cocasse que suspect. Avec ses manières affectées et faussement aristocratiques, il ne cessait de coller à la peau du Pr.. Marzouki à chaque fois que ce dernier était de passage à paris. Il se plaignait de ce que l'ambassade et ses officines l'attaquaient sur sa vie privée dans leurs feuilles de choux anonymes et avaient diffusé un document où il était présenté comme un agent du Mossad. C'était réellement le cauchemar pour lui. Et j'étais naturellement porté à me sentir solidaire de lui, malgré les conseils de prudence. Mais surtout, Mezri se plaignait presque d'être affamé, de manquer de l'essentiel...
C'est certainement là l'explication première de son revirement exprimé dernièrement dans "Afrique-Asie", mensuel pratiquant la prostitution politique dans les mêmes conditions que notre apprenti philosophe (grâce aux publicités du gouvernement de Tunis et de ses semblables). Remarquez qu'il reprend sans aucune intelligence l'essentiel des thèses, des clichés et des stéréotypes de la propagande officielle depuis Bourguiba : "La Tunisie a fait le choix de ..., les trois mille ans d'histoire, l'Algérie-repoussoir, le péril islamiste, le "processus démocratique", "la sécurité contre la liberté" et son antithèse "la nécessité impérieuse du libéralisme", l'ingérence ethnocentriste... Toutes idées qu'il combattait jusqu'à ce lent revirement pendant lequel il m'avait affirmé vouloir "se faire oublier par les Tunisiens et les oublier...". Il répond ainsi à l'image du propagandiste de service tel que brossée par Alfred Sauvy. "Il s'agit d'exalter les sentiments qui dicteront l'attitude souhaitée. Dans ce cas, l'individu est méprisé; le propagandiste s'efforce de faire le moins possible appel à sa réflexion et à sa conscience, mais au contraire de créer en lui des réflexes conditionnés" (L'Opinion publique, PUF, 1956, p.97). Quant aux motifs étayés et solides d'inquiétudes des amis du peuple tunisien qu'il dénigre, notre thuriféraire néophyte ne les a même pas vus, se donnant encore une fois en exemple parfait des thèses d'Alfred Sauvy : "Lorsque les faits sont trop importants pour pouvoir être cachés et que leur présentations est trop délicate, écrit cet analyste de l'animalité politique, le le propagandiste détourne la conversation et porte le débat sur un terrain plus solide (ibid, p. 102).
Ainsi, il apparaît aujourd'hui ce qu'on ne pouvait déceler à l'époque : une prédisposition de girouette et une propension à suivre les voies qui "mènent"... Un de ses ennemis mortels et contre lequel il me prévenait tout le temps, est devenu "chargé de missions" aux Affaires étrangères, avec les conséquences financières et de "notoriété" que l'on imagine. Alors, pourquoi pas lui ? Car, Mezri est en proie à une ambition dévorante. Il s'estime au-dessus du lot et donc avoir droit à une place au soleil bien à lui, unique, comme lui... C'est ainsi que le monde se métamorphose à ses yeux, que toute pudeur se dissipe et qu'il s'en prend à des alliés du peuple tunisien. L'un des méfaits de la tortiocratie du général Ben Ali est qu'il déleste nombre de Tunisiens de leur honneur, de leur dignité et de "l'eau de leur visage". En l'occurrence ici, il s'agit d'un exemple des plus grotesques, puisqu'il se drape des oripeaux de la science morale avec un pédantisme voyant comme preuve d'érudition. Il tente d'ériger la trahison en dogme. Là-dessus, notre ami Dr Marzouki doit être le plus blessé des Tunisiens, car il va avoir l'impression que l'insignifiant s'est joué de lui. L'honneur des intellectuels tunisiens est meurtri.
Que tous ceux qui ont connu ce personnage viennent témoigner en vue de faire taire ce nouveau robot programmé par le pouvoir pour porter ses thèses et suppléer la carence totale de ses propagandistes usés !
Je témoigne pour l'Histoire et pour la dignité de mon peuple. En mon âme et conscience.
Khaled Ben M'barek
Khaled, Khémaïes, Slim ... l'opposition "m'a tuer"
L'évolution de Mezri Haddad depuis 1995
C'est Simone de Beauvoir qui, au café du Flore, boulevard St Germain, s'adressait, à l'automne de sa vie, aux nouveaux philosophes en leur disant : "Quand est-ce qu'ils faut vous croire? Quand vous dîtes blanc ou quand vous dîtes noir?" Cette diatribe résume le cas pathétique de Mezri Haddad. Et si je ne lui réponds qu'aujourd'hui, en survolant cette triste histoire, c'est par respect des hommes qui étaient, je le crois et ils le croyaient eux aussi, d'authentiques amis. Certains d'entre aux répondent brièvement au philosophe allié de Ben Ali (voir encadrés). D'autres ont décidé de le traiter par le mépris. En tout cas, je défie quiconque, parmi ceux qu'il présente comme étant ses amis (voir la lettre dans le pure style "lèche-cul" adressée à Khemaïs Chammari) de reconnaître une bribe d'amitié chez ce margoulin allié du tortionnaire.
Je voudrais juste dans cette présentation, évoquer trois ou quatres vérités irréfutables.
Un : Mezri Haddad qui se disait, jusqu'en 1995, co-fondateur de "L'Audace" ne l'a jamais été. Et pour cause. Après son alliance avec Noureddine Hafsi de la rue Botzaris (patron à l'époque du RCD et de sa barbouzerie) à travers son ami de toujours l'exécutant des basses oeuvres Sayed Haddaji, il voulut usurper "L'Audace" car il avait promis à ses nouveaux seides de le mettre "sur les rails". Ce fut un cuisant échec.
Deux : il créa l'éphémère "Voix de l'Audace", comme si "L'Audace", qui a un nez symbole de dignité, avait besoin de voix, d'oreilles, de ... émanant de Mezri Haddad.
Trois : l'écrivassier que je serais et auquel il s'est attaqué à travers un article commandé, pour ne pas dire commandité, sur les colonnes d'"Afrique-Asie" de février 2001, a toujours été son supérieur hiérarchique. De "Réalités" à "L'Audace", je n'ai fait pendant 12 ans que corriger ses déjections qui ne sont "délicieuses" qu'à ses yeux de Narcisse. Je mets à la disposition de tous les lecteurs les archives de Mezri Haddad, avec leurs fautes de grammaire, d'orthographe et de syntaxe... elles sont de sa main. Ainsi Mezri Haddad, m'écrivit-il par exemple, que je l'avais sorti de "ses gants" (de velours?) au lieu de "gonds". Voilà pour le philosophe qui m'aurait sorti des griffes du pouvoir avant de s'y installer...
Autre remarque : Mezri Haddad dit avoir été exilé de 1984 à 1989. Et puis de cette date jusqu'à 2000. Faux ! La dernière fois que je l'ai rencontré à Tunis, c'était en juillet 1991à l'hôtel "Le Diplomate" à l'occasion d'une conférence organisée par "Réalités". Je ne pus rester très longtemps avec lui.
Je reviendrai bien sûr un jour sur ses prétentions mensongères au sujet de Moncef Ben M'rad, Omar Shabou, Jallel Kesraoui à l'occasion d'autres témoignages pour rappeler à l'opinion publique la vérité plutôt que ses turpitudes.
Reste sa fille Sophia à laquelle il fait référence dans la lettre adressée à Khemaïs Chammari, en affirmant telle une girouette qu'il espérait que sa fille n'ait pas à avoir un jour honte de son père. Il faut savoir qu'un tel espoir, très noble par ailleurs, doit se mériter. Car quand Sophia lira ce qu'écrit son père sur "Afrique-Asie" et ce qu'il narre sur la radio "Africa n¡1", elle en rougira assurément.
Que Mezri Haddad sache enfin qu'il ne suffit pas d'annoner Montesquieu et Rousseau, Aristote, Platon et Socrate pour accéder à l'Universel. Mezri Haddad ne fut qu'un pigiste à "Réalités", qu'un subalterne à "L'Audace". Il faut cependant lui reconnaître qu'il fut co-fondateur des "Masques". Alors hue... la barbe !
Et s'il le veut, la suite dans un prochain numéro. Car comme il le dit lui-même, ce samaritain si peu philantrope : "Il faut bien que la vérité surgisse un jour".
Son supérieur hiérarchique
Slim Bagga
Quand Mezri Haddad n'était pas un nègre au service de Carthage...
il écrivait sur les colonnes de "l'Audace" :
Lettre ouverte
d'un agent de renseignement
à son supérieur hiérarchique
"Cher Collègue",
Stimulé par un petit paquet de billets verts que venait de lui remettre un de vos hauts responsables à Tunis en guise de Zakat sur le blanchiment de l'argent sale, motivé par une lettre de multi-accréditation signée par votre serf chargé de la propagande, M. Fethi Houidi, excité par un de vos proches collaborateurs, M. Abdelwahab Abdallah, ex-collabo de l'ancienne gérontocratie qui a su renier à temps la sacro-sainte religion bourguibienne pour se mettre au service de la nouvelle idole, aiguillonné par votre ministre d'Etat chargé de la répression des citoyens probes -celui que vous venez de limoger- et de la couverture des affaires mafieuses menées par les excréments de la société tunisienne qui constituent l'épine dorsale de votre système politique (lors d'une réunion tenue à Paris le 7 décembre dernier, M. Abdallah Kallel avait publiquement cité, pour exemple, le nom du nervi en question), briefé par une cohorte de gouapes et de coquins basés en France pour défendre votre régime car, en effet, celui-ci a besoin d'être défendu... une vermine a récemment débarqué à Paris pour nous couvrir de basses calomnies et accuser les exilés de tous les péchés d'Israël.
Pour être tout à fait sincère avec vous, je n'ai pas beaucoup réfléchi avant de vous écrire la présente missive. J'en ai à vrai dire pas eu le temps tellement je suis submergé par les activités dont vos minables sbires viennent de m'accuser (agent du Mossad, de la DST, agent irakien, agent koweitien...). Vous savez mieux que moi, "cher collègue", que le métier ingrat que nous exerçons depuis des décennies ne nous laisse guère le temps à la réflexion. Après une journée de travail épuisante, le peu de temps qui vous reste, vous le consacrez à l'écoute d'Oum Kalthoum et au bricolage d'appareils électroniques (nous le savons grâce au film qui vous a été consacré par la RTT le 8 novembre 1988). Je consacre le mien à d'interminables dialogues avec Anaximandre, Xénophane Parménide, Zénon, Gorgias, Socrate, Platon, Aristote... On dit que le soir, une fois installé dans mon somptueux "5-pièces", je parle tout seul. En réalité, c'est avec les esprits de ces augustes et légendaires personnages que j'entame des dialogues aux enfers qui me donnent une plénitude et des satisfactions éminemment supérieures à la jouissance de la vanité triomphante et au plaisir orgastique que vous procure l'exercice du pouvoir. Ne perdez pas votre temps précieux à chercher dans vos souvenirs et ne dérangez surtout pas votre réminiscence, les noms que je viens de citer ne vous disent rien, absolument rien. Il ne s'agit point de nos illustres ancêtres en matière de renseignements mais de quelques philosophes de l'antiquité grecque qui avaient passé leur vie à méditer sur Dieu, les hommes, la Cité, la Justice, la Liberté... Ce sont les dignes protagonistes d'un monde intelligible auquel ne peuvent prétendre et accéder que des initiés... non pas aux pratiques d'une Loge quelconque, mais tout simplement à la philosophie.
Au départ, je m'étais résolu à ne pas répondre aux persiflages de ce personnage folklorique qui est le prototype même de la politicaillerie tunisienne. Dans ce genre de situation, l'élévation, l'indifférence et le silence sont la meilleure réponse. Ce n'est que par la suite, me rendant compte de la gravité d'un phénomène nouveau charrié par votre Régence que j'ai décidé de réagir. Il s'agit d'un phénomène qui consiste à banaliser le Mal en faisant de l'un le multiple et de l'exceptionnel, le général. Dans ce processus de transfiguration et de propagation insidieuse du vice, celui-ci finit par faire tâche d'huile. Ainsi, le trafiquant de drogue -par exemple- n'est plus cet être infâme et détestable qu'abhorrent les gens honnêtes mais un homme d'affaires respectable et utile à l'économie de sa nation. Il n'est plus la honte de son peuple mais la fierté de la plèbe, voire la figure emblématique de la réussite sociale et, par conséquent, l'exemple même à suivre. Il n'est plus la mauvaise herbe à extirper, mais la bonne graine à semer. La corruption du caractère de chaque individu devient monstrueuse à partir de l'instant où l'honnêteté fait courir un péril mortel puisque l'on a jeté aux orties les règles du jeu fondamentales, puisque l'on donne à la trahison le nom de fidélité, au mensonge celui de vérité, puisque l'on a fait du déshonneur l'honneur référentiel.
C'est le phénomène inverse qui touche "notre" métier si cruel, si ingrat (l'espionnage) que les imbéciles prennent pour de la trahison. Ces crédules ignorent manifestement les grands services que "nous" rendons, certes pas à nos peuples mais tout de même aux grandes puissances qui nous protègent. Depuis quand stigmatise-t-on une profession si vitale à la survie de certains régimes y compris le vôtre? Depuis quand dénonce-t-on les collègues ? Un agent découvert est par définition un homme fini et vous le savez mieux que moi. Alors, est-ce par négligence et précipitation que vous avez décidé de lâcher vos chiens contre nous ou tout simplement par conformisme au diction tunisien qui dit : "Celui qui fait le même métier que toi est ton ennemi" ?
Je pense, "cher collègue", qu'après le coup monté contre M. Lamari Daly -haut fonctionnaire aux Affaires étrangères- injustement accusé et jugé pour espionnage parce qu'il a eu le courage de vous exprimer dans une lettre son inquiétude, face à "la militarisation du corps diplomatique", après le lynchage de Mohamed Ali Mahjoubi (connu sous le pseudonyme de Chedli Hammi) désigné comme "agent du Mossad", après la cabale et l'ignoble croisade menée contre Ahmed Bennour, autre "agent du Mossad" et la classification de Taïeb Zaher parmi les "Sabbaba", "Agent à l'ambassade de France"... Je pense que ça en fait trop. Les "agents" sont peut-être nombreux à sillonner dans la capitale depuis que vous avez empoché la République mais les dénoncer, c'est faillir à notre déontologie et manquer aux règles très strictes de "notre" métier. Arrêtez donc l'hémorragie et, de grâce, soyez un peu plus indulgent à l'égard de vos collègues ne serait-ce que par corporatisme.
Maintenant que le mal est fait -je suis découvert-, j'espère que la carrière que j'envisage de mener (enseignant à la faculté) n'en souffrira pas trop. L'espoir fait vivre dit-on. Après tout, on a vu dans l'Histoire certains agents -Noriega pour ne prendre que cet exemple- devenir présidents. "Trahison jamais ne prospère" a écrit un poète anglais. Pourquoi? Parce que si elle prospérait, on ne la nommerait jamais Trahison !
Je vous prie de croire, cher "collège", à l'expression de mes sentiments très déférents.
"L'agent Z.B.H. n°421.79"
"L'Audace", n°12, mars 1995
A Dieu
Mezri Haddad
La lettre-confession
de Mezri Haddad
La prose de "Merzi" Haddad se passe de commentaires. Ses attaques indignes ne méritent pas d'autre réponse que le mépris mais peut-être n'est-il pas inutile de prendre connaissance de la lettre-confession qu'il m'a adressée le 29 janvier 1999. C'est consternant et édifiant.
Khémaïs Chammari
Mezri Haddad
Correspondances entre l'homme le plus recherché
de Tunisie et Taoufik Ben Brik
Quelque part en Tunisie, été 2000
De Hamma Hammami à Taoufik Ben Brik
Cher Taoufik,
Je suis ravi de t'écrire. J'espère que ton état de santé s'améliore, après ta grande "épopée" qui a fait bouger beaucoup de choses. Profite bien de ton séjour à Paris. Reprends ton souffle et reviens-nous car tous les amis t'attendent pour continuer ce qui a déjà été entamé. Je t'envoie ce que tu m'as demandé. J'espère que cela répondra à ton attente.
Je ne pourrais jamais oublier le geste de plusieurs amis (hommes et femmes) qui, dès que je suis entré en clandestinité, ont exprimé leur prédisposition à m'accueillir chez eux, faisant fi des représailles qui les attendaient au cas où je serais arrêté (torture, emprisonnement, licenciement, etc). Ces amis ne sont pas tous des militants ou des opposants à la dictature policière de Ben Ali. Parfois, ce sont de simples gens, de milieu populaire, mais honnêtes et opposés à l'injustice et à la répression. Leur geste m'a fait découvrir, une fois de plus, à quel point cette dictature est haïe par le peuple, à quel point elle est faible et fragile.
Ma grande joie, c'est lorsque je débarque dans une maison et que j'y découvre des enfants. Très vite, nous devenons amis. Intuitivement, ils comprennent qu'un danger me guette. Du coup, ils deviennent mes protecteurs et complices. Ils sont contents de garder le secret, même à leurs grands-mères et grands-pères.
Je dois te dire que tous les amis chez qui j'ai séjourné ont tout fait pour moi et ont consenti beaucoup de sacrifices pour que je me sente à l'aise chez eux, pour que je ne manque de rien. Quant à moi, j'ai essayé, et j'essaie toujours d'être le moins encombrant possible. Je fais de mon mieux pour au moins aider les personnes qui m'accueillent à résoudre certains problèmes de leur vie quotidienne. Ce qui fait mon bonheur, c'est lorsque mes amis rentrent et trouvent le ménage fait, la maison bien rangée et bien propre et les enfants en pleine forme.
J'ai toujours aimé apprendre à préparer les plats spécifiques de chaque région de la Tunisie. Ainsi, chaque fois que je suis de passage dans une famille, je suis attentif à ce qu'elle prépare. Je suis fier maintenant de pouvoir préparer le couscous de douze ou quinze manières différentes, selon les régions, les traditions et les milieux sociaux. Tu sais, je ne vis pas vraiment isolé de la réalité tunisienne. La vie est devenue très chère. Il n'est plus donné à n'importe qui, même pour ce qu'on appelle la classe moyenne, d'assurer une ration de viande chaque jour ou de manger un fruit à chaque repas.
Le temps ne pèse pas beaucoup sur moi. Parfois, je souhaite que la journée s'allonge pourque je puisse terminer ce que j'avais à faire. Vivre dans la clandestinité, ce n'est pas se cacher pour ne pas être arrêté, mais c'est se donner les moyens pour continuer la lutte dans un pays gouverné par une dictature policière. Ainsi, mon temps est organisé de la façon suivante : je consacre entre neuf à dix heures par jour à mes occupations politiques et intellectuelles. Je dors six à sept heures et le reste, je le consacre à faire la cuisine, ranger et nettoyer la maison, m'occuper des enfants, quand je suis dans une famille, et lire. Je ne regarde pas souvent la télé parce qu'il n'y a rien à voir. Même pas des matchs de football, car le foot et le sport en général, sont malheureusement atteints par la gangrène mafieuse. Certains dirigeants proches du Palais ont tout pourri : racket d'argent auprès des privés et des sociétés d'Etat, main basse sur les meilleurs joueurs des petits clubs, manipulation du calendrier, corruption des arbitres, etc. Bref, cela ne donne plus envie de suivre les actualités sportives.
Outre mes lectures politiques (journaux, revues, livres), je suis un grand amateur de littérature et d'histoire. Car il ne faut pas oublier que j'étais professeur de littérature et de civilisation arabo-musulmane. Mes amis me procurent tout. D'ailleurs, je viens de terminer la lecture d'"Alkobs-al-Hafi", un roman autobiographique du Marocain Muhammad Choukri et du roman "Dhakirat al-jasad" (mémoire du corps) de l'Algérienne Leila Mostaganmi. Mais je dois t'avouer qu'il y a un roman que je relis souvent. Il s'agit du "Vieil homme et la mer" d'Ernest Hemingway. Je suis fasciné par le héros (the old man) et cette épopée américaine. Je me rappelle toujours de cette réflexion qu'il a faîte à un moment crucial de cette épopée : "Man is not made for defeat. A man can be destroed, but not defeated" (L'être n'est pas fait pour être vaincu. Il peut être détruit mais pas vaincu"). Abou Nawâs, al-Maâri, al-Mûtanabbi, al-Sayyab, al-Bayati, Nazim Hikmet, Pablo Neruda, Paul Eluard, Federico Garcia-Lorca et beaucoup d'autres poètes sont mes compagnons de tous les instants. A n'importe quel moment du jour ou de la nuit, j'ouvre un recueil de poési e t je plonge, errant dans le monde particulier de tel ou tel poète. Franchement, à l'heure actuelle, il n'y a pas grand-chose à lire en Tunisie. La littérature et l'art tunisiens n'ont jamais été aussi coupés des réalités tunisienes, des réalités du pays et du peuple, qu'au cours des dix derières années. Dans les années 60,70,80, les écrivains, les poètes, les gens de théâtre, les cinéastes, les troupes musicales et les peintres étaient plus ou moins impliqués dans les luttes populaires et exprimaient à leur façon et avec les moyens dont ils disposaient, les aspirations des différentes classes et couches sociales. A l'heure actuelle, c'est la désertification culturelle totale. La dictature sévit comme dans tous les autres domaines de la vie, utilisant soit l'arme de la répression, soit celle de la corruption. Rares sont ceux qui ont pu préserver leur dignité et sauver l'honneur de leurs âmes. Le profil de l'intellectuel, de l'écrivain, de l'acteur, du cinéaste et du chanteur de "l'ère nouvelle" est semblable à celui du journaliste, c'est le propagandiste-indicateur. Il doit courtiser l'autocrate et surveiller ses pairs. C'est "la chute dans le royaume de la contre-façon et du factice" comme l'a bien exprimé le romancier algérien Tahar Wattar, dans une intervention sur la littérature tunisienne d'aujourd'hui. Les quelques voix discordantes dans tous les domaines culturels sont totalement boycottées par les médias.
Sans aucun doute, mes filles souffrent beaucoup. Tout d'abord parce que nous n'avons pas pu vivre beaucoup de temps ensemble. Prends Ousseima, elle a maintenant douze ans. Nous n'avons vécu ensemble que pendant cinq ans. Quant à la petite Sarah qui éteindra, le 18 juin, sa première bougie, je ne l'ai jamais vue. Elles souffrent aussi parce que, filles d'opposant politique et de militante des droits de l'homme, elles sont surveillées et harceées continuellement par la police politique. Ce qui me console, cependant, c'est que, d'une part, elles ont une mère exceptionnelle et que, d'autre part, leur souffrance les a rendues très tôt conscientes des problèmes de leur pays et de leur société (je parle ici de Nadia, 17 ans, et d'Ousseima). Lorsque Ben Ali ou l'un de ses courtisans parle de "l'enfance heureuse de l'ère nouvelle", mes filles les couvrent d'injures. Evidemment, elles ne sont pas les seules à souffrir. Des milliers d'enfants de prisonniers politiques, d'exilés, d'opposants et de militants des droits de l'homme vivent dans la même situation. La dictature benaliste est un enfer pour tous, tant pour les adultes que pour les enfants.
Des années que j'ai passées en prison, un fait qui peut paraître anecdotique est resté gravé dans ma mémoire. C'était en janvier 1992. Je venais d'être arrêté et incarcéré à la prison civile de Tunis. Etant un habitué de la maison, j'ai demandé à d'anciens détenus ce qui avait changé depuis ma dernière libération. On m'a appris, entre autre, qu'un gardien au grade de sergent-chef a été nommé officiellement comme le nouveau bourreau de toute la Tunisie. Il faut savoir qu'un bourreau reçoit entre 20 et 50 kg de farine à chaque pendaison. On m'a appris également qu'il s'occupe quotidiennent de la fouille des détenus qui reçoivent la visite de leurs avocats. Le lendemain, j'ai reçu la visite de l'un de mes avocats et je me suis trouvé face à ce nouveau bourreau. On s'est tout de suite reconnu. Instantanément, ses yeux se sont fixés sur mon cou. Il l'a prospecté avec beaucoup d'intérêt. Il a certainement imaginé la corde autour. Un frisson a parcouru mon corps, et je n'ai pas pu me retenir d'éclater d'un rire nerveux. A sa question sur les raisons de ma réaction, je lui ai répondu qu'il m'avait chatouillé en passant ses mains sous mes aisselles.
Combien de temsp je pense tenir dans cette situation? Une éternité s'il le faut. Tu dois savoir qu'il s'agit pour moi d'une conviction. La vie d'un être humain n'est-elle pas quelque chose de précieux? Alors, à quoi bon la gâcher dans des futilités ? Ne vaut-il pas mieux la consacrer à quelque chose de noble, tel que la cause de la liberté, de la justice sociale et du progrès? Cela importe peu, pour moi, que ce but soit atteint de mon vivant. L'essentiel, c'est de participer autant que possible à lui frayer un chemin. Certes, tu dois te rappeler des vers du célèbre proéte turc, Nazim Hikmet :
Avec mes amitiés
Hamma Hammami
Une irrésistible démangeaison d'irrévérence s'empare de quiconque se dispose à discourir de hamma Hmmami, leader du parti communiste ourier tunisien (PCOT), en cavale depuis le 27 février 1998.
En raison de la démesure de sa situation de fugitif et du soupçon qu'ils ont qu'il ne fût fait "héros" qu'à partir de cette stature, Hamma suscite la hargne du microscome. Cet homme qui n'a pour lui,disent-ils, que d'être si l'onveut hors la loi, les transforme tous en poules mouillées.
Quand apparaît une interview de lui, ou qu'un de ses brûlots circule sous le manteau, les contestataires éprouvent de la gêne de voir leur sexe nu. Car si les autres leaders du microcosme avaient un sexe, Hamma en serait l'obscène échantillon agrandi.
Nos fines bouches font mine de trouver à Mustapha Ben Jaâffar, leader fu forum démocratique (parti non reconnu), l'autre balance du microcosme, plus de poids, plus de charisme et des mases d'adhérents (sic) ; afin que leur bonne foi ne soit pas mise en dote et que, tout décompte d'apothicaire à part, elles aient l'air, en la matière, de n'avoir d'autre souci que le redresement des volontés collectives.
Ainsi Mustapha Ben Jaâffar bénéficie de ce genre de suffrages qui s'abattent, dans un système cohérent, sur un élément voisin qu'ondénigre. Par exemple, il est de mise que tel quidéclare ne pas être d'accord avec Hamma Hammai, ajoute aussitôt : "Mais quel téméraire !"
Dans une lettre qu'il m'a adressée, Hamma me parle du "temps qui ne pèse pas?", du "pain nu" du romancier marocain Mohamed Chokri et de "couscous aux fêves sèches" pour gaver les affamés.
"Moi, j'irai au manège, toi tu restes enfermé".
Taoufik Ben Brik
Lisez
"El Jour'a "
"L'Audace " dans son arabe
16 pages
n°1 - Février 2001
15 F en kiosque