L'AUDACE

Corruption - Jeu de 7 Familles

VASTE TRAFIC DE CIGARETTES :
LES ARRIÈRES - FONDS
DES CONTAINERS DE RADÈS
LE MINISTÈRE FRANÇAIS DES FINANCES RÉAGIT

CARTES SUR TABLE
AVEC FRANÇOIS BURGAT


AFFAIRE DE LA LTDH,
JOURNÉE DU 26 JANVIER,
AFFAIRE DE JALEL ZOGHLAMI :
BEN ALI PERD SES NERFS

RIPOSTES À UN ALLIÉ DE BEN ALI : MENSONGE, VOICI TA VÉRITÉ...

N° 72 février 2001

Sommaire

Editorial : Ben Ali sauve son ombre Kallel
Mieux vaut le dire
Corruption : L'affaire du trafic des cigarettes
Avis de la Commission consultative des droits de l'homme du premier ministère français
Lettre de prison
Cartes sur table avec François Burgat
Opinion : Lettre ouverte au Général Ben Ali
Jugeons-les !
26 janvier 78 - 26 janvier 2001
Journée de solidarité avec les prisonniers tunisiens

L'affaire Jalel Zoghlami
La CNLT élit sa nouvelle équipe dirigeante
ATFD : lettre ouverte au ministre de l'Intérieur
La lettre de Fouad Mebazaa au Parlement européen
Droits de l'homme
Riposte aux articles de Mezri Haddad
Mensonge, voici ta vérité
La Plume déchaînée


EDITORIAL


Ben Ali sauve son ombre Kallel

L'insignifiant remaniement ministériel du 22 janvier dernier n'aura été qu'un ènième déplacement de pions sur l'échiquier Ben Ali-Leïla Trabelsi, s'il n'avait sacrifié deux fidèles du Général, en l'occurrence le ministre de l'Intérieur Abdallah Kallel et le ministre de la Défense Mohamed Jegham. Il conforte l'idée que le couple présidentiel et les familles mafieuses qui leur sont proches et sévissent dans le pays à travers une guerre des clans digne de Cosa Nostra, n'ont que faire des ministres du gouvernement. Au contraire, des sous-ministres ou secrétaires d'Etat (il y en a aujourd'hui 29), ont pour mission d'exécuter les décisions et d'assurer la marche quotidienne de l'Etat en technocrates et hommes de dossiers. Comme nous l'a récemment révélé un homme bien introduit dans les rouages de Carthage: "Les ministres ne sont là que pour le décor, la figuration lors du tradionnel Conseil des ministres du mercredi. Mais ce sont les secrétaires d'Etat qui, dès le samedi qui précède, se réunissent avec les conseillers au Palais et reçoivent les instructions quant aux décisions à éxécuter, aux marchés à attribuer, au gâteau à partager...".
Concernant ce remaniement, précisément, il semblerait qu'il soit encore tôt de tirer les conclusions quant au limogeage de Kallel et de Jegham. Indéniablement, nous pourrions déceler ici la griffe de Leila Trabelsi, d'autant que nul n'ignore que l'épouse du Général-Président en veut à mort et au premier, allié au clan Chiboub et ennemi-juré de son protégé Mohamed Ali Ganzoui, et au second qui a souvent alerté Ben Ali sur le comportement ostentatoire et mafieux de ses gendres Trabelsi ainsi que sur le mécontentement général que cela a produit au sein de la population. Mais il n'y aurait pas que cela puisque l'on parle dans certaines sphères d'une mutinerie déclenchée dans une caserne par des officiers protestant sur leurs condiitions de vie précaires. Même si cette information n'a pas, pour l'heure, été vérifiée, elle pourrait avoir provoqué le courroux d'un Ben Ali qui n'en aurait pas été informé.
Quoiqu'il en soit, ce dernier remaniement a manqué de peu de faire des dégâts chez Ben Ali. En effet, apprenant son limogeage par le biais du Premier ministre à quelques minutes de son annonce, Abdallah Kallel a attrapé une crise et fut transféré d'urgence à l'hôpital militaire dans un coma diabétique. Quelques jours plus tard, sa situation ne s'améliorant guère, il fut transféré à l'hôpital cantonal de Genève où l'attendaient alors de pied ferme certaines de ses victimes de la torture. Au mois un dossier de plainte a été jugé recevable par le procureur de la République genevois M. Bertossa. Ce n'est qu'alors, que flairant la gravité de l'affaire, que Ben Ali ordonna à son ambassadrice à Berne de s'atteler à régler les frais d'hospitalisation de Kallel et de le rapatrier sur Tunis, avant de protester officiellement auprès des Autorités helvétiques pour la recevabilité de la plainte. Comme si Zinochet, Kallel et les tortionnaires qui les entourent pouvaient demeurer indéfiniment à l'abri de la Justice internationale...
Même si dans la précipitation le Général lui a attribué un poste de convalescence (conseiller au Palais de Carthage), comme nous l'a annoncé le quodien "Essabah" dès le 16 février, la machine enclenchée par les victimes de la torture est loin de s'arrêter. Désormais, il ne sera plus aisé d'être ministre de Ben Ali ou fonctionnaire au service de son gouvernement criminel et voyager dans la quiétude et bénéficier de l'impunité.
L'affaire Pinochet avait révélé qu'on ne saurait torturer, briser des vies, assassiner sans répondre de la Justice. Cette première affaire Kallel devrait davantage le faire réfléchir, ainsi que Ganzoui et Bououn, à titre d'exemple, qui viennent de commettre une tentative d'assassinat sur Jalel Zoghlami, que l'ère de l'impunité des tortionnaires est bel et bien révolue...

Slim Bagga





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MIEUX VAUT LE DIRE : JEU DE 7 FAMILLES

Commençons par la blague
On en rit dans les cafés tunisois : Ben Ali qui se fait entretenir tous les jours par son coiffeur, est interpellé une première fois par celui-ci au sujet du dossier des droits de l'homme en Tunisie et de toutes les critiques sur sa gestion de ce dossier. "Ca avance, répond le Général, on va régler le problème".
Deux jours plus tard, le coiffeur de "son" Palais, lui repose la même question alors qu'il lui administrait une teinture noire (il y a pénurie de teinture noire à Tunis). "C'est presque fini, répond Ben Ali ; en 2004, le problème sera totalement résolu" (comme dirait Mezri Haddad).
48 heures plus tard, rebelotte. Exaspéré, Ben Ali demande alors à son technicien des poils : : "Pourquoi me posez-vous toujours la même question?" Et le coiffeur présidentiel de répondre : "Parce que, Monsieur le Président, chaque fois que je vous pose la même question, vos cheveux se hérissent".

Leila à Paris
A la fin du Ramadan, Leila Ben Ali Trabelsi a séjourné pendant plus de 48h à Paris. Elle est arrivée à bord du Falcon 2000 présidentiel, dont nous vous avions parlé dans nos précédentes éditions, équipé d'un kit de 4 milliards de millimes (20 millions de FF).
Au départ, selon l'équipage, la rotation était de 12 heures. Il se trouve que cet équipage dût l'attendre plus de 48 heures. Pendant ce temps, c'est l'Etat tunisien (ou le compte 26/26) qui a dû s'acquitter envers les Aéroports de Paris (ADP) du côut du stationnement de Madame sur les taxiways. Ce n'est qu'à 23h, une heure tardive, que Madame décolla pour Tunis. Il faut savoir que la France n'autorise que rarement les décollages après minuit à cause des 7000 avions qui survolent sonciel tous les jours (problèmes d'aiguillage).
Après enquête menée par nos soins, nous savons que le prix du stationnement de cet avion est fonction du tonnage (un Falcon 2000 pèse entre 9,7 tonnes à vide et 16,4 tonnes plein) et de l'emplacement sur les taxiways. Une tonne coûte 10,97F par 24h plus 1F par tonne et par heure supplémentaire. Faites le calcul. Le prix du ticket de stationnement ? Environ 100 000 FF... Nous savons aussi que le prix cette facture a été payée en... dollars... par le contribuable via le 26/26.

Le zoo de Skanès-Monastir
Le zoo de Monastir a une superficie de 1 hectare et comportait toutes sortes d'animaux. Après celui du Belvédère à Tunis, il fut pendant de nombreuses années la fierté de Bourguiba qui le considérait comme le week-end des enfants.
Ce parc a été récemment fermé, les animaux transférés à Tunis et Kaïs Ben Ali, le neveu de son oncle, vient de l'acquérir pour 1 dinard (5 FF) le m2. Il prétend y construire un Musée...
Allez savoir un Musée de quoi!

A propos de Musées
Comme nous l'avions révélé il y a quelques mois sur ces colonnes, le Palais présidentiel de Skanès-Monastir a finalement été acquis par la famille Trabelsi. Il s'agit d'un domaine de 40 hectares que Belhassen Trabelsi est en train de viabiliser et dont la gestion a été confiée à un certain Hamadi Belhaj, ex-Pdg d'une entreprise publique, aujourd'hui chargé d'y édifier une Marina et un Musée.

Les bonbonnes de Leila
Agil est une entreprise pétrolière de prospection affiliée à l'Agip. Elle est, en outre, spécialisée dans la commercialisation de bonbonnes de gaz. Sur les 500 000 importées en Tunisie pour couvrir les besoins des habitants dans des zones où le gaz de ville n'a pas été installé (eh oui, il y en a encore beaucoup...), 200 000 bonbonnes n'ont pas été vendues.
Leila Ben Ali, qui gère ce secteur depuis qu'elle a réussi à mettre sur la touche Mohamed Jeri, l'ancien directeur de Cabinet et confident du Général, à travers la société El Bahia (du nom de sa mère) a mis tout son poids pour que les bonbonnes de gaz continuent à être importées (et payées en dollars), quitte à ce que les finances publiques en souffrent.

L'affaire de l'Espérance
La Confédération africaine de football vient de décider de cinq mesures disciplinaires :
1- la suspension pour un an de Chokri El Ouaer, gardien de but de l'Espérance sportive de Tunisie et de l'équipe nationale ;
2- la suspension pour 4 matches de l'arrière latéral de l'Espérance Azzaïez ;
3- la condamation de l'Espérance à verser US$5000 d'amende ;
4- le blâme de la Fédération tunisienne de football
5- la suspension de Mourad Daami, arbitre international qui est exclu, par là même, de la participation à la Coupe du monde de 2002.
Toute cette affaire est le résultat, en effet, de la volonté maladive de Slim Chiboub, président de l'Espérance, de faire gagner son club à tout prix au Ghana. Un photographe amateur avait immortalisé la séquence au cours de laquelle Chroki El Ouaer s'était frappé le front avec une bouteille de Coca Cola, espérant faire arrêter le match au cours duquel l'Espérance était perdante.
Quand on est le gendre de Ben Ali, on se croit tout permis. Heureusement que la CAF ne dépend pas des lois tunisiennes.




MIEUX VAUT LE DIRE : POLITIQUE

Les ambassades de Suède et du Chili à Tunis ferment.
Selon "Réalités" n¡789, les ambassades de Suède et du Chili à Tunis ferment leurs portes. D'après l'hebdomadaire benaliste, les raisons sont motivées par des considérations budgétaires. Si, en effet, le pays de l'ex-dictateur Pinochet semble à cours de moyens, ce n'est pas le cas de Stockholm. Il se trouve malheureusement que les représentants diplomatiques de ce pays démocratique sont exaspérés par le comportement du gouvernement tunisien au sujet des droits de l'homme. Déjà, l'ancienne ambassadrice avait vécu un calvaire en 1998 à l'occasion des procès de la Gauche tunisienne. Ce que ne dit pas le docile et tendre "Réalités", c'est que même la direction générale de l'UNESCO vient de décider de transférer son siège... "ailleurs"...

Les confidences de Habib Ben Yahia
L'actuel ministre des Affaires étrangères rend souvent visite à certains hommes politiques qui l'avaient précédé à son poste. Il leur tient en substance ce discours : "Je suis vraiment désenchanté par la politique gouvernemantale actuelle. Je suis déçu par la politique européenne de la Tunisie. Je n'y peux rien..."

Rafaa Ben Achour
De nombreux observateurs ont été choqués par la nomination récente du juriste Rafaa Ben Achour au sein du gouvernement. Le fils du cheikh Tahar Ben Achour, selon ces derniers, se compromet, contrairement à sa soeur Sana qui milite au sein du CNLT. Mais la condifence vient surtout du ministre de l'Industrie, Moncef Ben Abdallah : " Si Rafaa Ben Achour a été nommé au gouvernement, c'est parce que Ben Ali veut faire un appel du pied aux Tunisois (les beldia)."

Cours hébreu au lycée de Khaznadar
A l'occasion d'un reportage passé il y a deux années sur France 3, la soeur de Gabriel Kabla (médecin à Montreuil et responsable du compte 26-26 à Paris), demandait instamment à ce que les cours d'hébreu soient rétablis dans les écoles tunisiennes. En tout cas, dans son esprit, elle pensait à Djerba. Aujourd'hui, c'est pratiquement chose faite puisqu'au lycée réputé de Khaznadar dans la capitale, un certain Habib Kazdoughli, enseigne déjà l'histoire des juifs de Tunisie.

Frioui, le retour d'un ripoux
C'est à bord d'un vol 724 de Tunis Air que Hassine Frioui, ancien secrétaire général adjoint du RCD à Paris, ancien consul de Tunisie à Toulouse, limogé il y a six mois de la ville rose, revient à Paris. Il a été nommé directeur du Centre culturel tunisien à Aubervilliers, avenue de la République, en remplacement d'Abdeljellil Messaoudi. Tout le monde rigole à Tunis sur la nomination à un poste culturel d'un homme inculte. Hassine Frioui n'est pas seulement inculte, il est aussi ripoux. N'oubliez pas que lui et son fils en noeud papillon ont commis les pires trafics en utilisant les voitures consulaires tunisiennes pour traverser les frontières de la Principauté d'Andorre et acheminer cigares, cigarettes, rouges à lèvres et parfums revendus à moindre prix par le fils à la faculté de Droit à Toulouse.

PSL : triste sort d'une direction légitime
Le 19 février prochain à Taïwan, le Comité exécutif de l'Internationale libérale procédera à la radiation de la direction légitime du Parti social libéral tunisien, membre depuis 1998 de cette Organisation présidée par Me Mounir Béji. La raison invoquée : la direction légitime élue le 21 mars 1998 et non reconnue par BenAli ne s'est pas acquittée de ses cotisations d'adhésion depuis cette date... faute de financement public.

Les confidences de Madame Tlili
Le mari de Madame Tlili fait de l'opposition, raconte cette bourgeoise qui "voyage gratuitement en 2e classe sur Tunis Air". Son mari, homme d'affaires et directeur de l'office des ports aériens de Tunisie connait la réalité de la vie politique, bien différente de la télé ou de la vie des banlieues huppées de Tunis. "Je rêve de visiter les pyramides, la Grande Muraille de Chine et Versailles où personne ne m'a jamais accompagnée".
Ces révélations nous sont parvenues grace aux oreilles dressées du ministère de l'Intérieur tunisien dont les flics voyagent, eux aussi gratuitement, à bord de Tunis Air.





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A LA UNE




Jeu des 7 familles :
Trafic de cigarettes

Les derrières des containers de Radès
Le ministère français des Finances réagit


De Radès à Marseille :
le voyage incroyable de 30 tonnes de cigarettes


Les services douaniers du port de Marseille ont récemment intercepté 30 tonnes de cigarettes de contrebande en provenance de Tunisie, selon un communiqué diffusé mardi par le ministère de l'Economie et des Finances.
Cette saisie s'est déroulée en deux temps. Le 5 janvier, 15 tonnes de cigarettes ont été decouvertes dans deux conteneurs qui avaient été repérés sur le port après un patient travail de ciblage. Puis le 12 janvier, ce sont 15 tonnes supplémentaires qui ont été trouvées dans deux autres conteneurs. Selon l'enquête des Douanes, il s'agissait de la même filière: les cigarettes, déclarées à la douane comme ''fer forgé '', provenaient de Tunisie et étaient vraisemblablement destinées au marché britannique. Le 8 décembre, deux conteneurs renfermant plus de 15 tonnes de cigarettes avaient déjà été arrêtés à Marseille. (AP)
C'est à dire à quelques kilométres du Palais de Carthage... Mais que fait Ben Ali? Il est occupé par d'autres "affaires".... Les saisies de cigarettes de contrebande atteignent des taux records à Marseille: 30 tonnes ont été saisies début janvier. Depuis plusieurs mois, les saisies de cigarettes de contrebande atteignent des taux records à Marseille. Les saisies représentent 1,6 million de paquets, principalement de marque Royal Eagle et étaient destinées au marché britannique. Lors des semaines précédentes, d'autres saisies importantes avaient été réalisées. Faut-il pour autant en déduire que le port marseillais est devenu la plaque tournante du trafic en Europe ? Non, répondent les douaniers qui préfèrent évoquer "un itinéraire parmi d'autres".
Les douaniers marseillais seraient-ils devenus les rois du jackpot? Toujours est-il qu'ils battent record sur record en matière de saisies de cigarettes de contrebande. La dernière en date s'est faite en deux fois, le 5 puis le 12-janvier. Les fonctionnaires s'intéressent alors à quatre conteneurs fraîchement débarqués du Maltese Falcon et du Stena Sheaper, deux navires en provenance de Radès, l'avant-port de Tunis. Ils sont censés transporter de l'artisanat en fer forgé. C'est d'ailleurs bien ce qu'ils contiennent. Pour les deux premiers rideaux de cartons au moins, puisque ensuite, les douaniers du port-conteneurs de Mourepiane mirent la main sur des murs de cigarettes. En tout, la cargaison représente une trentaine de tonnes -soit environ 1,6 million de paquets-, le record absolu en matière de saisie de tabac sur Marseille.
Principalement de marque Royal Eagle, elles étaient probablement destinées au marché britannique. Ce qui était déjà le cas des 15,8 tonnes de cigarettes de contrebande en provenance de Turquie découvertes en décembre dernier, toujours sur le port de commerce marseillais et qui faisaient déjà suite à une saisie de 7,5 tonnes, à Fos-sur-Mer en avril.
Pourquoi un tel marché de la contrebande en Grande-Bretagne?
A cause du prix très élevé des cigarettes Outre-Manche. A 40 francs le paquet dans le circuit légal, la vente de cigarettes de contrebande, même à moitié prix, y reste très juteuse. D'autant que, autre atout pour les contrebandiers, le réseau des points de vente y est plus diffus. Aux traditionnels et monopolistiques bureaux de tabacs de l'Hexagone, nos voisins anglais préfèrent une diffusion multiple -pubs, stations-service, distributeurs automatiques,... -- et donc plus difficilement contrôlable.

50 millions de perte
Reste que les douaniers espèrent bien que les deux grosses saisies de décembre et janvier donnent un coup de frein à la contrebande via Marseille.
"Plus de 45 tonnes saisies en un mois, c'est un très gros manque à gagner pour les trafiquants, se réjouit Georges Claustres, directeur régional des Douanes. Ça représente près de 50 millions de francs de perte pour eux et on espère que ça les découragera un peu de passer par chez nous."

Guénaël Lemouée
La Provence, 16/01/2001



La preuve par 4: Kaïs Ben Ali, la main dans le container

En complément de l'information ci-après de l'AP, postée par un certain Foued Nejm sur la Liste Maghreb DH, sachez que le bâteau incriminé serait parti du Port de Radès, tenu par le neveu de son oncle : Kaïs. En France, il s'agit du record absolu en matière de contrebande de cigarettes. Un responsable douanier a déclaré sur France 3 Marseille qu'une telle quantité ne pouvait être acheminée sans une contribution logistique d'Etat. Suivez son regard...
Dernière précision de poids : la Douane a été alertée par des coups de fil anonymes !!

Forum du CNLT 01/16/01



Communiqué du ministère français des Finances

Laurent Fabius, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, et Florence Parly secrétaire d'Etat au Budget, félicitent les services douaniers du port de Marseille qui viennent d'intercepter 30 tonnes de cigarettes de contrebande.
Cette saisie importante s'est déroulée en deux temps : le 5 janvier, 15 tonnes de cigarettes ont été découvertes dans deux conteneurs qui avaient été repérés sur le port après un patient travail de ciblage ; puis le 12 janvier, ce sont 15 tonnes supplémentaires qui ont été trouvées dans deux autres conteneurs.
Selon l'enquête des Douanes, il s'agissait de la même filière ; les cigarettes, déclarées à la Douane comme " fer forgé ", provenaient de Tunisie et étaient vraisemblablement destinées au marché britannique.
Le 8 décembre dernier, deux conteneurs renfermant plus de 15 tonnes de cigarettes avaient déjà été arrêtés à Marseille.

Ministère de l'Économie,
des Finances et de l'Industrie, 16/01/2001





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ACTUEL




REPUBLIQUE FRANÇAISE
COMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE L'HOMME

Avis portant sur la dégradation
de la situation des droits de l'homme en Tunisie




  • Déplorant la dégradation de l'état des libertés publiques et des droits de l'homme en Tunisie attestée par de nombreux témoignages et rapports concordants, et la contradiction entre le discours du gouvernement tunisien et ses pratiques ;
  • Rappelant son avis du 14 novembre 1996 sur la situation des droits de l'homme en Tunisie, ainsi que l'échange de correspondance entre le président de la CNCDH (19 octobre 1999) et le Premier ministre (30 décembre 1999) ;
  • Se référant :
    - aux instruments internationaux de protection des droits de l'homme que la Tunisie a ratifiés ;
    - aux recommandations du Comité contre la torture des Nations Unies (9 novembre 1998) ;
    - aux conclusions du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies sur "la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression" (1999) ;
    - à la déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l'homme (9 décembre 1998) ;
    - à la démarche entreprise auprès du gouvernement tunisien en faveur de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH) par la représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour les défenseurs des droits de l'homme (29 novembre 2000) ;
  • Soulignant que l'accord d'association en vigueur depuis 1998 entre l'Union européenne et la Tunisie fait "des droits de l'homme et des principes démocratiques un élément essentiel" de ce partenariat (art. 2);
  • Ayant pris connaissance des Résolutions adoptées par le Parlement européen (15 juin et 14 décembre 2000) ;
  • Préoccupée par les procédures judiciaires récemment engagées contre la LTDH et par les procès politiques dont ont été victimes, notamment Me Néjib El-Hosni et le Dr Moncef Marzouki, porte-parole du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) ;
    La Commission nationale consultative des droits de l'homme demande, de manière urgente, au gouvernement français :
    1- De tout mettre en oeuvre pour obtenir des Autorités tunisiennes que leurs engagements, en matière de protection et de promotion des droits de l'homme ne soient plus systématiquement violés ;
    2- D'appeler les Autorités tunisiennes à libérer tous les prisonniers d'opinion, à mettre fin à des pratiques de torture et à des traitements inhumains et dégradants, à respecter la liberté d'expression et d'association, à permettre aux défenseurs des droits de l'homme et des libertés -notamment aux représentants de la LTDH et du CNLT- d'exercer sans entraves leurs activités ;
    ainsi qu'à permettre la visite dans les prisons tunisiennes d'Observateurs internationaux et d'Organisations non gouvernementales afin d'évaluer l'état de santé des prisonniers, les conditions sanitaires et l'accès aux soins ;
    3- D'inciter les Autorités tunisiennes à briser le cycle de l'impunité qui favorise l'extension des violations des droits de l'homme ;
    4- De veiller à ce que les Rapporteurs spéciaux des Nations Unies sur la torture, sur l'indépendance du pouvoir judiciaire, ainsi que le groupe de travail sur la détention arbitraire, puissent se rendre en Tunisie dans les plus brefs délais, et cela dans la perspective d'une inscription à l'ordre du jour de la situation des droits de l'homme en Tunisie lors de la prochaine Session de la Commission des droits de l'homme de l'ONU ;
    5- De mobiliser nos partenaires de l'Union européenne afin que celle-ci veille au respect des droits de l'homme en Tunisie, dans le cadre de l'accord d'association (art. 2) de ce pays avec l'Union européenne, notamment à l'occasion de la prochaine réunion du Conseil d'association ;
    et de sensibiliser la Commission européenne à ses responsabilités en ce domaine, dans le contexte du partenariat euro-méditerranéen ;
    6- De rappeler aux Autorités tunisiennes la nécessité de mettre les statuts du Comité supérieur des droits de l'homme et des libertés fondamentales en conformité avec les principes directeurs des Nations Unies relatifs aux Institutions nationales de promotion et de protection des droits de l'homme, afin de permettre à ce Comité de jouer effectivement son rôle ;
    7- De faire prendre en compte la question des droits de l'homme et la liberté d'action de la société civile indépendante de Tunisie dans les relations entre les collectivités locales tunisiennes et françaises, dans le cadre de la politique de coopération décentralisée qui est prévue au titre du partenariat euro-méditerranéen.

    (Adoptée le 25 janvier 2001)





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    LETTRE DE PRISON


    Le tortionnaire

    J'ai eu la chance d'être informé de l'existence de la "Liste de la honte". Mais à ma surprise, le nom du colonel Sadok Atig, directeur de la prison civile de Tunis depuis décembre 1997, n'y figure pas malgré ses dépassements et ses méthodes barbares. Pour cela, j'ai décidé de vous envoyer un bref aperçu de notre souffrance à huis clos.

  • Surpeuplement
    : je considère que le directeur colonel est responsable de cette situation. Il pourrait refuser d'accepter un nombre supérieur à la capacité d'accueil de l'unité. Il pourrait soulever le problème aux plus hautes autorités. Il pourrait construire de nouvelles chambres. Le pavillon B, conçu pour abriter au maximum 180 détenus, héberge 752 prisonniers. Dans la seule chambre BI, nous sommes 276 détenus. Imaginez comment peuvent dormir, manger, respirer et aller aux deux toilettes tous ces détenus! Qui est le coupable? Qui est le responsable?
  • Soins médicaux
    : Dans une prison qui compte cinq mille détenus, la nuit et les weekends, un seul infirmier est de garde. En cas d'urgence, nous appelons les gardes depuis nos chambres. En cas normal (pas de match ou de bons films à la télé), la durée moyenne pour que les gardes nous ouvrent la porte est de 15 minutes. Arrivés à l'infirmerie, l'infirmier estime généralement la gravité de l'état de santé du détenu et ne prend pas les choses au sérieux. Résultat : le nombre de morts n'a cessé d'augmenter ces dernières années. Le dernier en date est un jeune désespéré qui essayait de s'enfuir et a été électrocuté par le siège électrique de la prison. L'administration a fait circuler une information selon laquelle un détenu s'était suicidé à l'infirmerie. Le maquillage des conditions de la mort des prisonniers est une pratique courante. Qui est le coupable? Qui est le responsable?
  • L'alimentation
    : La nourriture est immangeable, insuffisante et servie froide. Pas de petit déjeuner, pas de dessert et une fois par semaine un petit morceau de viande. Le budget prévu pour l'alimentation pourrait certainement être géré mieux que ça. Une question : où passe l'argent?
  • Les mauvais traitements
    : un directeur qui insulte haut et fort ses adjoints et ses subordonnés devant tout le monde peut-il être clément avec les détenus? Comment peut-on concevoir qu'il n'est pas responsable dans l'affaire de l'amputation des jambes d'un détenu (seuls Omar Habibi et Jinaoui ont été arrêtés et sont actuellement à la prison de Mornag (ndlr: deux tortionnaires sur la liste de la honte). Qui permet actuellement aux gardiens d'attacher des prisonniers avec des menottes aux tuyaux de canalisation dans les couloirs de la honte? Qui ordonne d'attacher des détenus à des arbres toute la nuit et sans vêtements?
    Durant l'Aïd, il a directement participé aux matraquage des détenus qui se sont rassemblés pour échanger les voeux. Les détenus se sont dispersés en l'insultant. Le lendemain, le directeur a organisé une véritable expédition punitive. Une brigade de tigres noirs encagoulés est entrée dans la prison pour terroriser les prisonniers. Ils ont attaqué le pavillon E, dévêtu, frappé et humilié les détenus. Juste après, des dizaines de prisonniers se sont coupés les veines et la peau pour protester. C'est la seule manière possible pour les détenus de droit commun de dire non. C'était un véritable bain de sang. Qui a permis à cette brigade d'entrer dans la prison? Le directeur a osé dire qu'il ne savait rien et qu'il n'en était pas responsable.
  • La drogue
    : Il est directement ou indirectement responsable de la diffusion de la drogue en prison. C'est un véritable fléau. Les deux couloirs de la honte sont devenus de véritables marchés de vente et d'achat de la drogue. Tout le monde le sait. Les gardiens eux-mêmes ramènent les marchandises. Un certain Lotfi Jendoubi a apporté avec lui la preuve de l'existence de ce trafic lors de son transfert à la prison de Mahdia. Il a présenté au directeur de cette prison de l'argent liquide, de la drogue et des livres ramenés de la prison de Tunis. Qui est responsable de cette situation?
    Ce que je viens de décrire n'est qu'un bref aperçu des dépassements du bureaucrate directeur colonel Sadok Atig. Je remercie de tout coeur les associations de défenses des droits de l'homme et tous les hommes libres de notre chère Tunisie qui défendent un idéal de vivre digne et respecté, même en prison. Nous souhaitons plus d'actions pour desserrer l'étau qui risque de nous écraser.

    Mehdi Tounsi
    Prison civile de Tunis,
    le 02/02/2001









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    A LA UNE


    CARTES SUR TABLE
    AVEC FRANÇOIS BURGAT

    "Les actes de Ben Ali contredisent ses déclarations :
    ils démontrent très régulièrement la crainte absolue
    du régime d'avoir à affronter un scrutin libre"

    Le directeur du Centre français de recherche au Yémen, chercheur au CNRS, François Burgat répond ci-dessous aux questions de "L'Audace". Avec son franc-parler et sa vivacité habituelle, il n'élude pas les questions, il tente d'y donner des réponses.

    Interview réalisée par Slim Bagga

  • "L'Audace" : Partagez vous l'affirmation du Général Ben Ali que l'islamisme a été éradiqué en Tunisie ?
    François Burgat : Les gens qui sont au pouvoir ne sont pas les plus mal placés pour évaluer avec précision le rapport des forces politiques en présence en Tunisie. Dans ce domaine, les déclarations du Général Ben Ali ont toutefois bien moins d'importance à mes yeux que ses actes. Or, ses actes contredisent ses déclarations : ils démontrent très régulièrement la crainte absolue du régime d'avoir à affronter un scrutin libre de toute entrave juridique et/ou policière. C'est, me semble t-il, la meilleure preuve que le Général ne croit pas en ses 99 % d'électeurs et que l'opposition, quelle qu'elle soit, occupe plus de place aujourd'hui en Tunisie que ne lui en accordent les scrutins unanimistes qui le réélisent régulièrement.

  • La répression frappe aujourd'hui toutes les franges de la société tunisienne, mais ce sont les islamistes qui demeurent toujours par centaines en prison. Quelles réflexions vous inspire cette réalité ?
    F.B. : C'est sans doute là une preuve que ce sont les islamistes qui constituent à ce jour la partie de l'opposition que le régime redoute le plus, sans doute par ce qu'il la considère comme la plus à même de mobiliser une opposition populaire d'importance significative.

  • A un autre niveau, nous avons l'impression qu'il n'y a pas de discours islamiste, qu'Ennahdha n'a pas su renouveler son discours pour s'adapter à la nouvelle donne du pays. Ses responsables ont embrassé, au début des années 90, le discours et les revendications " droits de l'hommistes ", et depuis, le néant ou presque. Cela vous semble-t-il vrai ? Et par quoi l'expliquez-vous ?
    F.B. : Il est évidemment " coûteux " pour un mouvement d'opposition de n'exister que le biais des communiqués de son leadership en exil. Mais cette situation n'est pas propre à Ennahdha et à la Tunisie. Le FIS algérien est lui-même dans une situation assez comparable. Je ne suis pas tout à fait d'accord toutefois avec votre accusation d'immobilisme intellectuel. Rached Ghannouchi a contribué à faire évoluer de manière significative le cadre d'action des islamistes. Il a par exemple été l'un des premiers à oser se prononcer contre le principe de jurisprudence islamique qui entendait pendant longtemps condamner à mort les " renégats" (ceux qui entendent quitter l'islam), étape symbolique essentielle que de nombreux penseurs orthodoxes n'ont pas encore osé franchir.

  • En tant que politologue et observateur étranger, comment voyez-vous l'avenir en Tunisie ?
    F.B. : Je me refuse à inscrire mes analyses dans le registre de la prospective. Disons seulement que je suis tout à fait convaincu que la société tunisienne parviendra un jour à s'émanciper de l'autoritarisme extrême du présent régime et à sortir de ce terrible blocage qu'elle ne " mérite " aucunement. Mais je ne me hasarderais pas à tracer un calendrier plus précis de cette " délivrance ".

  • Et l'avenir de l'islamisme en Tunisie ? F.B. : Rien ne devrait a priori empêcher les islamistes de faire partie de la prochaine génération des élites au pouvoir. Mais la notion d' " islamisme " évoluera inévitablement.

  • Plus largement l'avenir de l'islamisme dans la région et dans le monde musulman ?
    F.B. : Si on s'accorde à voir avant toute chose dans l'islamisme un mouvement de nature réactionnel, lié au fait que dans l'histoire tunisienne et arabe contemporaine, " modernisation " a parfois rimé avec " dé-islamisation ", les ressources politiques de la protestation islamiste ne sont pas inépuisables. Une fois opérée la réintroduction de la culture musulmane dans la production de la modernité, la seule référence à la terminologie et aux valeurs de l'islam, ne constituera pas éternellement une source de légitimité politique. Je pense que la compétition politique se redéploiera au sein même de la mouvance islamiste, un peu comme cela a été le cas en Iran. Mais nous n'en sommes pas encore tout à fait là.

  • Une expérience telle qu'elle a été vécue au Yémen ou en Turquie avec un parti islamiste au pouvoir, est-elle viable en Tunisie ? Est-elle envisageable ?
    F.B. : Rien, en théorie, ne l'empêche, à tout le moins d'un point de vue intérieur. La Tunisie étant très proche de l'Europe, l'hostilité agissante de l'environnement occidental se manifesterait toutefois beaucoup plus activement que dans le cas du Yémen. Elle serait sans doute comparable à celle qui s'est exercée avec l'efficacité que l'on sait sur la Turquie ou l'Algérie pour faire échouer l'expérience. On peut toutefois imaginer que la lente banalisation de l'image des islamistes dans l'opinion publique occidentale aboutira inexorablement à un affaiblissement de cette hostilité européenne que les régimes autoritaires, un peu partout dans le monde arabe, ont si longtemps su utiliser à leur profit.

  • L'idée de Salah Karker selon laquelle pour que la Tunisie sorte de l'impasse politique, il faille un grand parti ou front politique dans lequel les islamistes seraient englobés mais qui n'aurait pas une vocation religieuse dans l'exercice de la politique, est-elle selon vous réalisable? Ou serait-elle une utopie? En d'autres termes, Salah Karker pense qu'après plusieurs échecs de tentatives de gouverner en brandissant le drapeau de l'islam, de l'identité arabo-musulmane, il faudrait peut-être maintenant que les oulemas et les hommes du savoir islamique, se consacrent plutôt à ce qui a un caractère culturel et éducatif et non à la politique, celle-ci devant être l'art de gouverner.
    F.B. : Cette voie pragmatique et réaliste de l'union entre les oppositions islamistes et " laïques " est celle que les signataires algériens du Pacte de San Egidio avaient adoptée en 1995 et que les militaires algériens ont combattu avec l'extrême virulence que l'on sait. Elle paraît en effet être la direction la plus crédible à l'heure actuelle, aussi bien pour les opposants maghrébins que pour les opposants aux autres régimes arabes qui, tous, sont confrontés à un cocktail assez comparable de verrouillage politique, de manipulation de la violence et de répression.

  • Que vous inspire le cas de Salah Karker, assigné sans être jugé depuis 7 ans par les Autorités françaises ?
    F.B. : Je me suis déjà exprimé à de nombreuses reprises à ce sujet, notamment dans les colonnes du journal Libération (" Le prisonnier des deux rives "). Je ne puis que redire ma honte de voir une mesure parfaitement injustifiable reconduite depuis si longtemps.

  • Le penseur Mohamed Charfi, que vous devez fort bien connaître, vient d'affirmer sur les colonnes de "Jeune Afrique" que sur 6000 versets islamisques, moins de 5% ont une allure juridique. Or, Maxime Rodinson, Bruno Etienne ou vous-même, spécialistes d'islamologie, considérez que l'islam est "din" et "dawla" (religion et Etat), c'est à dire que le prophète Mohamed ne fut pas seulement l'annonciateur de la révélation divine mais aussi un chef guerrier et un chef d'Etat. Que pensez-vous de cette affirmation ?
    F.B. : Je doute fort avoir jamais porté une affirmation sur telle ou telle dimension du statut de la religion musulmane. Je ne me considère nullement en effet comme un expert en matière d'islamologie et encore moins comme un émetteur de norme en matière religieuse. Je me contenterai donc de dire ici qu'à ma connaissance, une large majorité des musulmans que ma profession m'a donné l'occasion de fréquenter ne se reconnaîtraient pas dans l'affirmation de Monsieur Charfi. J'ajouterai en revanche très franchement que l'intellectuel Mohamed Charfi, dès lors qu'il est entré en politique, s'est à mes yeux trop directement impliqué dans la légitimation idéologique de la répression qui sévit en Tunisie pour que ses déclarations à un journal, au demeurant proche du pouvoir, méritent d'être prises très au sérieux.

    Interview réalisée
    par Slim Bagga





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    OPINION


    Lettre ouverte au Général Ben Ali

    Cela fait très longtemps que je voulais vous écrire, mais le temps et l'espoir ne l'ont pas permis. Cette fois-ci, le verre a débordé et l'espoir est mort. J'écris cette lettre parce que j'ai constaté (et je ne suis pas le seul) que le fossé qui vous sépare du peuple tunisien est devenu tellement large et qu'il n'est plus possible de rapprocher ses deux rives. Il me semble (et c'est le sentiment de tous les Tunisiens que vous avez tellement muselés) que dans votre tour d'ivoire à Carthage, entouré de gens mal-intentionnés, profiteurs et corrompus, vous n'avez aucun sens de la réalité du pays et du peuple, surtout en ce moment où toutes vos préoccupations se résument à trouver le moyen de briguer un et pourquoi pas deux mandats supplémentaires, sans trop choquer les opinions nationale et internationale.
    En réalité, ce qui m'a incité à vous écrire, ce sont trois évènements arrivés la même semaine : le départ du président Clinton, l'assassinat du président Kabila et la démission forcée du président Estrada.
    Votre départ du pouvoir se fera selon l'un de ces scénarios et il ne tient qu'à vous de choisir lequel, parce qu'il n'y en pas d'autres :
    1/ Vous cédez démocratiquement (en réelle démocratie et non pas en démocratie-mascarade dans laquelle nous vivons) votre place et laissez se dérouler des élections totalement libres. C'est là une dernière et unique chance pour vous de remédier à toutes ces années de dictature, d'injustice et d'oppression. Personnellement, je vous conseille cette honorable sortie, mais je ne me fais pas d'illusions. Je suis persuadé que vous ne sauterez pas sur l'occasion pour redorer votre blason et quitter la scène par la grande porte. Les dictateurs pensent toujours que ça n'arrive qu'aux autres, mais finalement ils partent soit assassinés, soit acculés à l'exil, soit jugés et emprisonnés. De toutes les manières, un jour ou l'autre, ils meurent (vous semblez oublier que cela peut vous arriver à tout moment) en laissant à leurs familles et à leur entourage, un lourd héritage de honte, de mépris et de sang parfois.
    Les exemples du Shah d'Iran, de Marcos, de Ceaucescu, de Duvalier, de Mobutu, de Suharto, de Guei, de Kabila et de Pinochet ne manquent pas.
    2/ La deuxième possibilité est que vous soyez assassiné comme votre confrère Kabila. Mais n'ayez pas peur, vous ne serez pas assassiné par des opposants tunisiens. Ce n'est pas dans nos moeurs et aucun opposant n'osera souiller ses mains de votre sang, malgré votre pseudo-menace terroriste que vous et vos médias ne cessent de nous faire avaler.
    Vous ne serez pas non plus assassiné par des mercenaires "dirigés" contre vous par une puissance étrangère : elles n'en ont rien à faire, vous jouez tellement bien leur jeu. Mais vous seriez assassiné par votre propre entourage. En effet, vous seriez tué par ceux que vous avez montés contre ce peuple innocent qui ne mérite pas ce nombre astronomique de flics, d'indicateurs, de délateurs, et que vous vous faites, ainsi que votre armada de flics assassins et de juges corrompus, un malin plaisir de matraquer, de terroriser, de museler et d'opprimer. Il est très probable aussi que vous soyez assassiné par ceux qui sont entrain de piller les richesses du pays sous votre protection et avec votre bénédiction contre une participation au renflouement de vos comptes en Europe, aux USA et en Argentine. Ces gens qui s'entretuent déjà pour avoir chacun une plus grosse part du gâteau, qui s'amenuise petit à petit, et qui ne reculeront devant rien pour sauvegarder leurs intérêts. N'oubliez pas ce qui est arrivé à votre frère Moncef...
    3/ Enfin, le troisième scénario pour vous, c'est d'être chassé du pouvoir, comme Estrada ou Suharto par le peuple qui, en dépit de toutes ces années de chape de plomb, se relèvera et demandera des comptes. Ne vous trompez pas. Ce peuple qui a attendu 31 ans pour voir le premier Président autoritaire, il est vrai, mais non moins aimé, partir, n'attendra pas autant pour voir le second, tant detesté, déguerpir à son tour. Le jour où il se relèvera, toutes vos mesures bouche-trous ne le contenteront pas. Et votre règne ne sera qu'une mauvaise parenthèse dans l'histoire de la Tunisie.
    L'Histoire (avec un grand H), en effet, n'oubliera pas ce lourd héritage que vous laissez derrière vous : une société bâtarde où vous avez tout fait pour effacer ses origines arabo-musulmanes, en obéissant dés 1989 à une campagne mondiale sioniste d'éradication de l'islam dans les pays musulmans modérés ; une société sans foi ni loi où la corruption, le pillage des citoyens et des biens publics (le dernier en date, la Société Laitière du Nord Ouest LAINO)*, l'escroquerie, la malversation, etc... s'érigent en règles de conduite. Une société où l'insécurité la plus totale règne, et où votre police est occupée à matraquer les opposants politiques et défenseurs des droits de l'homme ; une jeunesse désemparée, analphabète, vidée de tous les principes et les valeurs arabo-musulmans et universels, tournée vers un Occident qui la rejette vers la drogue, la débauche, l'alcool et la délinquance ; une population de centaines de milliers de chômeurs, notamment les diplômés, dont le seul rêve est de quitter (même au péril de leurs vies ) ce pays où ils n'ont connu que le besoin, la misère, l'injustice, l'inégalité, la violence policière, etc... ; une administration répressive et corrompue à tous les niveaux (du chaouch au ministre) dont la seule raison d'être est d'opprimer les citoyens considérés comme une vache à traîre.
    Mais le plus grave à mes yeux, c'est bien la dégradation choquante et irréversible des moeurs, particulièrement chez les jeunes, (il faudra plusieurs générations pour la cironscrire) ainsi qu'une éclosion sans précédent du banditisme, de la criminalité et de la délinquance.
    Détrompez-vous, Général Ben Ali, vous qui croyez avoir sauvé la Tunisie de Bourguiba : vous n'avez fait qu'enfoncer beaucoup plus notre Tunisie dans le sous-développement et la misère,. Ce que vous avez fait n'a rien de glorieux, vos prédécesseurs Nouira, Mzali et Sfar auraient pu le faire, mais ils eurent des scrupules envers le Père de la Nation.
    Ils ne furent pas des traîtres.
    A bon entendeur, salut.

    Cheval de Troie
    31/01/2001



    *La société Laitière du Nord Ouest (LAINO) semi -étatique, florissante, qui rayonne sur la région de Bousalem à Jendouba (l'une des plus déshéritées du pays) a été cédée à un prix dérisoire sans aucune procédure connue (OPA ou OPV ) et dans le plus grand black-out médiatique au Groupe en faillite INES-FOOD (escroquerie de Nescafé) dirigé par Arbi Aissa (homme de paille de Ben Ali) et son fils Jalell . Ce groupe est endetté pour plus de 50 millions de dinars auprès des banques tunisiennes qui ne sont pas prêtes de revoir leur argent un jour...



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    MIEUX VAUT LE DIRE




    JUGEONS-LES !





    LE CONSEIL DES LIBERTES DEVOILE
    LA LISTE DE TORTIONNAIRES
    Personnes impliquées dans la torture en Tunisie
    selon les critères définis par l'article 1 de la Convention
    internationale contre la torture




    Fonctionnaires de la sûreté nationale
    (Première liste)


  • Ezzedine Jenayeh
  • Hassen Abid
  • Ali Mansour
  • Moncef Ben Guebila
  • Hamadi Hless
  • Ridha Chabbi
  • Abdelhafidh Tounsi
  • Mahmoud Ben Amor
  • Amor Sellini
  • Mahmoud Jaouadi
  • Bechir Saïdi
  • Zied Gargouri
  • Abderrahman Gasmi
  • Mohamed Tahar Oueslati
  • Jamal Ayari
  • Abdelfattah El Adib
  • Abdelkarim Zammali
  • Mohamed Gabous
  • Mohamed Moumni
  • Adel Tlili
  • Hamouda Farah
  • Imed Daghar
  • Rachid Ridha Trabelsi
  • Mourad Labidi
  • Officiers et agents de l'administration pénitentiare
    (Deuxième liste)


  • Ahmed Hajji
  • Toumi Sghaïer Mezghani
  • Jedidi Aloui
  • Nabil Aïdani
  • Ahmed Riahi
  • Karim Bel Haj Yahia
  • Habib Alioua
  • Ali Ben Aïssa
  • Slaheddine
  • Bechir Najjar
  • Hedi Zitouni
  • Mourad Hannachi
  • Hedi Ayari
  • Ridha Belhaj
  • Amor Yahiaoui
  • Sadok Belhaj
  • Abdelrahmane Aïdoudi
  • Salah Rabhi
  • Ali Chouchane
  • Hichem El Ouni
  • Jamel Jerbi
  • Sami Kallel
  • Henda Ayadi




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    A LA UNE


    Journée de solidarité avec les prisonniers politiques en Tunisie

    Vendredi 26 janvier à 19H, s'est tenu à l'Ageca, une réunion de 4H regroupant toutes les franges et toutes les sensibilités politiques de la société tunisienne en exil. A la tribune, nous avons eu des hommes aussi divers - de notre ami l'Algérien Mohamed Harbi au ministre Léon Schwarzenberg, de l'intellectuel Jean-François Poirier à l'émouvante Radihia Aouididi, de Souad Charbti à Tarek Ben Hiba saluant la mémoire des 450 personnes mortes un certain 26 janvier 1978 sous la répression du directeur de la sûreté nationale Ben Ali - qui ont réchauffé le coeur d'une imposante assitance et laissé apercevoir que le rêve est toujours permis pour se débarrasser de cette insolente dictature.
    Nous publions ci après le message de Moncef Marzouki, l'intervention de Radihia , le message de Khémaïs Chammari et la lettre des organisateurs. Que ceux qui sont intervenus, et dont nous ne publions pas les communications, nous en excusent. L'essentiel étant, comme le disait Léon Schwarzenberg de serrer les rangs pour que ce régime cesse. L'essentiel étant, comme l'affirmait aussi Jean-François Poirier, que " la France, mon pays, prenne ses dispositions parce que le comportement de nos ambassdeurs est honteux. Je ne parle pas seulement de l'Amiral Lanxade, je parle aussi de l'actuel ambassadeur Daniel Contenay qui n'a pas eu le courage d'assister au procès du Dr Marzouki" (voir l'intégralité des interventions sur www.multimania.com/solidarite26)


    S.B.

    L'AUTRE EDITO


    Le message de Moncef Marzouki

    Chers amis tunisiens
    Chers amis de la Tunisie


    J'ai deux nouvelles à vous annoncer et je vais commencer par la bonne. La campagne d'intimidations et de reprise en main de la dictature en cours depuis le début de décembre 2000 a totalement échoué. Ce qui devait être un coup de balai s'est avéré être un coup d'épée dans l'eau. Les objectifs essentiels du Pouvoir à savoir, le retour de la peur et la paralysie du mouvement démocratique, n'ont pas été atteints. Loin de là.
    La résistance à la campagne a été magnifique. Aucune personne ni aucune structure n'a cédé. La population n'a jamais été aussi outrée. Les langues n'ont jamais été aussi déliées et unanimes dans la condamnation de ce régime. Me croirez-vous si je vous disais que des juges m'ont envoyé leurs encouragements et que d'autres ont émis le souhait de me rencontrer pour me parler de ce qu'on a fait de la Justice de ce pays. Les effets pervers de la campagne ont été énormes. Si la devise de ceux qui font de la vraie politique est : diviser pour régner, celle de notre dictature policière semble être unir tout le monde contre moi. Merci de me faciliter la tâche de la construction du Front démocratique. Ne parlons pas du tort considérable porté à l'image de ce régime dans les médias du monde entier puisqu'il est inutile de tirer sur un cadavre. Menée tambour battant, par un grotesque déploiement policier et des procès bâclés, la répression tous azimuts a surtout révélé l'extrême nervosité du régime.
    Maintenant la mauvaise nouvelle : l'échec pitoyable de la campagne ne mènera pas aux révisions difficiles qui s'imposent mais à la tentation de mettre le paquet, de frapper encore plus fort. Nous savons que les résultats seront encore plus catastrophiques. Mais le propre de toute dictature n'est-il pas l'aveuglement...? Ne dit-on pas à juste titre qu'en dictature tout va bien jusqu'au dernier quart d'heure ? Il faut se rappeler aussi que la campagne n'est que le barrage d'artillerie pour préparer le terrain à la vraie offensive, qui est le putsch constitutionnel en cours de préparation pour installer la présidence à vie à partir de 2004, terme de la fin des mandats légaux de M.Ben Ali.
    Ainsi, notre peuple dépossédé de son droit à la liberté d'expression, à la liberté d'association, se verra imposer l'humiliation d'un référendum bidon scellant sa non-souveraineté au profit d'une poignée d'hommes qui n'ont pour eux que la force de la police. De cette parodie de consultation populaire, naîtra un Etat encore plus illégitime fondé sur le faux et l'extorsion d'une légalité illégale. Or, seules les trois libertés fondent la vraie souveraineté du peuple et la légitimité de l'Etat. Aussi, notre combat doit-il se focaliser sur le droit de tous à l'expression, le droit de tous à l'association pacifique, le droit du peuple en 2004, à des élections libres et honnêtes, monitorées par les Nations Unies où un Président, élu même par 51%, devra reconstruire l'Etat légitimé par le suffrage universel authentique sur des bases saines et consensuelles. Le mot d'ordre pour tous les Tunisiens doit donc être : rien de plus, rien de moins en Tunisie dorénavant qu'un peuple souverain et un Etat légitime. Mais ne nous faisons aucune illusion : ils ne lâcheront pas le morceau. La Tunisie est un gâteau si succulent. C'est pour cela que le pire est à venir surtout de la part d'un régime où le réflexe tient lieu de réflexion. Le prix de notre passage, en tant que peuple, de l'aliénation à la souveraineté, celui de notre Etat, de la légitimité par la force à la force par la légitimité, risque d'être très lourd.
    En ce jour anniversaire de la révolte des ouvriers du 26 janvier 78, ma pensée va à tous les Tunisiens qui ont si chèrement payé leur refus de la dictature partisane de Bourguiba, de la dictature policière de Ben Ali et de l'insupportable règne de cette coquille vide qui mérite si bien ses initiales de RCD ou Rassemblement Contre la Démocratie.
    En ces jours graves où le destin de notre pays hésite entre un irrémédiable malheur et la liberté si longtemps espérée, ma pensée va à ceux qui ont payé, à ceux qui vont encore payer de leur liberté et peut être de leur vie, pour que vive enfin, en Tunisie, un peuple souverain servi par un Etat légitime.
    Ma pensée va à tous ceux qui croupissent en prison depuis tant d'années.
    Ma pensée va à ces femmes modestes et pourtant indestructibles, ces épouses, mères et sÏurs-courage, condamnées à vivre une souffrance silencieuse à l'ombre de la prison omniprésente.
    Ma pensée va à ces emmurés vivants que sont Hammadi Jébali, Ali larayedh, Sadok Chourou, Habib Ellouze, Abdelkrim Harouni, Abdellatif Mekki, Ali Zaroui et leurs compagnons d'infortune, isolés depuis plus de dix ans dans des geôles infâmes.
    Ma pensée va à Bechir Abid, aux grévistes de la faim, à Hamma Hammami, obligé de vivre derrière les barreaux invisibles de la clandestinité depuis bientôt trois années.
    Ma pensée va à Najib Hosni, cet homme agaçant à force d'éternelle bonne humeur, fier comme Artaban, droit comme un "I", mon avocat des années de traversée du désert, mon ami des jours sans pain, mon compagnon de toutes les luttes, mon frère de tranchées, traîné de tribunal en tribunal pour délit de dignité.
    Ma pensée va à tous les prisonniers d'opinion, mais aussi à tous les prisonniers de droit commun entassés dans des conditions bestiales, vivant dans ces abysses de l'enfer que sont les prisons tunisiennes.
    Ma pensée, en cet instant, va à ces hommes qui vivent depuis des années dans le couloir de la mort, isolés, enchaînés, tressautant la nuit à chaque bruit, guettant un soleil incertain.
    Quelle épaisse insensibilité, quelle absolue indifférence à la souffrance humaine ne faut-il pas pour faire perdurer une torture dont on ose à peine imaginer les ravages sur le corps et l'esprit de ces malheureux ?
    Ma pensée va à Nizar Nayouf, mourant dans une geôle syrienne pour avoir défendu les valeurs de la nouvelle table des lois : la Déclaration universelle des droits de l'homme.
    Ma pensée va au prisonnier inconnu, mourant dans l'anonymat dans les geôles de toutes ces dictatures qui souillent l'humanité.
    Mais ma pensée va surtout aux enfants. Il y a quelques mois, j'ai rencontré dans la rue une jolie petite fille qui est venue me saluer avec la timidité et la gaucherie des adolescents. C'était la fille de Hammadi Jébali. Elle ne doit pas avoir plus de douze ans. Je calcule rapidement que son père ne l'a pas prise dans ses bras depuis qu'elle avait deux ou trois ans. C'est elle qui sourit, c'est moi qui ai les larmes aux yeux. Oui, ma pensée va à elle, à Ghifar, Rabia et Jihad, les enfants de Nejib Hosni. Elle va à la petite Sarah que mon frère Hamma Hammami n'a jamais embrassée.
    Elle va à ses autres filles Oussaima et à Nadia qui a fait une longue grève de la faim pour avoir le droit à un père.
    Ma pensée s'accroche au visage de ces enfants et aux dizaines de milliers d'autres dont l'enfance a été saccagée par les perquisitions des aubes blafardes, la brutalité de l'arrestation d'un père frappé, entraîné vers le cauchemar, les hurlements et les injures à vous glacer le sang, la vision indélébile d'une mère en pleurs, et la soudaine perception d'une maison devenue aussi vide que l'avenir.
    Pour un écrivain, il y a des phrases si belles qu'on jalouse secrètement ceux qui les ont dites, qu'on s'en veut de ne pas en être l'inventeur. Parmi celles qui me font ce drôle d'effet , il y a celle qui dit : "Tout nouveau-né est la preuve irréfutable de l'entêtement de Dieu".
    Lao tseu dit que l'ultime sagesse dans ce bas monde est de toujours mettre ses pas sur les traces du Tao. Or, si Dieu montre à travers Sarah, Oussaima, Ghifar et les autres, son entêtement à vouloir avancer dans la création du monde, nous n'avons d'autre choix que de mettre nos pieds sur ses traces, à faire preuve du même entêtement pour un monde sans torture, sans brutalité, sans mépris, sans cachot, sans enfants en quête d'un père entr'aperçu à travers les barreaux.
    Ma pensée va enfin à vous tous, les entêtés de la liberté. Ne lâchez pas prise, car c'est votre entêtement qui permettra à la petite Jébali, à la petite Hammami et aux jumelles Hosni de s'asseoir un jour prochain sur les genoux de leurs pères et de mettre enfin leurs têtes sur des épaules devenues soudain légères.
    Ma pensée va enfin à cette liberté que nous devons à tous ces enfants, et que nous allons leur léguer comme le plus précieux des héritages pour qu'ils vivent dans leur pays comme des citoyens, non comme des sujets. Bonsoir et bonne chance.

    Moncef Marzouki
    Sousse le 25-01-2001


    L'intervention de Radhia Aouididi

    Mesdames, Messieurs,
    défenseurs des droits de l'homme,


    Pour commencer, je ne sais pas comment vous remercier tous pour le formidable travail, pour le soutien dont j'ai entendu parler par le biais de ma famille et de mes avocats pendant mon emprisonnement et tous les courriers que j'ai reçus après ma libération.
    C'est grâce à vous que j'ai pu m'en sortir et c'est grâce à vous que je suis parmi vous ce soir.
    En montant dans l'avion un dernier regard, les larmes dans les yeux, m'a fait revivre la tragédie qui a duré de longues années.

    Avant l'arrestation
    La triste histoire a commencé après le départ de mon frère, Noureddine, et de mon fiancé Ahmed Amri en 1992. Renvoyée de l'école étatique, j'ai poursuivi mes études en école libre. 15 jours avant l'examen du baccalauréat, les policiers me retirent ma carte d'identité nationale, m'empêchant ainsi de passer le bac.
    J'ai été sujet d'harcèlements, d'intimidations puis d'arrestations. Les visites policières se sont multipliées rapidement ainsi que des arrestations de courte durée.
    Ce climat d'insécurité, de peur, d'angoisse, le refus de me délivrer un passeport pour pouvoir rejoindre mon fiancé, l'humiliation devant ma famille, les jours que j'ai passés au commissariat de Sfax, questionnée sans arrêt sur les activités de mon frère et de mon fiancé... En répondant par la négation, j'ai droit à tout : giflements, coups de pieds, cheveux tirés. Tout cela m'a poussé à essayer de quitter le pays par n'importe quel moyen, mais je fus arrêtée à l'aéroport de Tunis le 9 novembre 1996 et transfée dans les geôles du ministère de l'Intérieur.

    Les interrogatoires
    Je fus choquée par les visages des tortionnaires qui ont perdu tout lien avec l'humanité. Après la première séance d'interrogatoires avec plusieurs personnes, ils m'ont mis avec Mademoiselle Samya Benkermi, ressortissante algérienne, arrêtée en même temps que moi pour m'avoir aidée à sortir de ce calvaire. Malheuresement, ça lui a coûté 3 ans de prison.
    Il faisait noir, j'arrivais à peine à voir, il faisait froid, très froid, j'ai trouvé un vieux matelas et une couverture. Il y avait des traces de sang partout, sur les murs, sur le matelas et sur la couverture qui sentait très mauvais. Je cite tout cela parce que cela m'a fait penser à tous ceux qui étaient passés par-là, à ce sang qui avait coulé, et à ces braves gens (hommes et femmes) qui résistaient à la machine de la dictature du régime du tortionnaire Ben Ali. Durant toute la nuit, la porte s'ouvrait de temps à autre pour montrer les visages des tortionnaires qui surveillaient leurs victimes.
    A peine je fermais les yeux et voilà que la porte s'ouvrait, une voix venant de l'enfer m'appelait, puis une grosse main m'attrapait et me mettait debout d'un coup.
    Quelques gifles pour me dire bonjour, des coups de pieds pour commencer la journée.
    On me faisait rentrer dans grande salle, plusieurs personnes étaient dedans : "on sait qui vous êtes" me dit celui assis devant moi. "Il vaut mieux parler, tout direct", poursuivait-il. Tout simplement, ils voulaient me faire dire des choses, il y avait des moments où ils n'étaient plus d'accord sur ce qu'ils allaient bien pouvoir écrire ; alors ils sortaient pour revenir un moment après et ils recommencaient à remplir leurs rapports.
    L'interrogatoire a duré de longues heures, j'étais debout, je recevais des coups de tous les côtés, des gifles, des coups de pieds par derrière, mes vêtements étaient déchirés, j'étais tirée par terre par les cheveux le long de la grande salle, les menaces de viol se répétaient sans cesse, je n'arrivais plus à me lever et ils m'obligeaient à rester debout. Toutes ces scènes ont duré plus d'une semaine et après cela, ils m'ont donné un rapport à signer. Lorsque j'ai essayé de lire ce qu'il contenait, j'ai eu droit à tout, coups et insultes, et ils m'ont arraché la signature.
    Ma famille était sans nouvelles de moi, et mon fiancé ainsi que mon frère ont essayé d'avoir des nouvelles. Ce n'est qu'après quatre semaines d'arrestation que les Autorités furent poussées par une brave journaliste du journal "Le Monde", Catherine Simon qui a écrit un article obligeant ainsi les Autorités à donner de mes nouvelles à ma famille. A l'occasion, je salue tous les journalistes qui ont écrit sur les prisonniers politiques en Tunisie. Le fait d'apprendre qu'un article est sorti ou qu'une manifestation s'est déroulée, ça nous remplissait de joie malgré l'emprisonnement et les murs qui nous entourent.

    En prison
    Transférée à la prison de La Manouba, je me suis aperçue que l'accueil était très spécial. Cela me rappela les premiers jours de mon arrestation.
    Par la suite, j'ai été "adoptée" comme prisonnière d'opinion par Amnesty International. Etant classée comme "cas spéciaux", je n'avais droit à rien : on ne peut ni écrire, ni recevoir du courrier, et on ne peut pas participer aux autres activités. Les visites sont différées par rapport aux prisonniers du droit commun.
    Tout cela était difficile mais ce qui était plus difficile encore à supporter, c'était qu'on était considérées comme un danger. Donc, tout était permis: les gardiennes ont le feu vert pour tout, les insultes à toutes occasions, les mauvais traitements. Elles font même appel à des prisonnières de droit commun pour nous faire du mal, et parfois elles font appel à des criminelles ou des femmes folles comme Najet Felta (ndlr: la débile) qui se jette sur les prisonnières d'opinion en les tapant, sans que les gardiennes interviennent pour autant.
    En récompense, les prisonnières de droit commun, sont graciées...

    Le transfert
    Le transfert est systématique et continu pour tous les prisonniers politiques et d'opinion, d'une prison à une autre, pour les éloigner le plus possible de leur région d'origine, ce qui rend les visites des familles de plus en plus difficiles, fatigantes et courtes sous la surveillance des gardiennes.
    J'habitais Bir Salah, dans la région de Sfax, j'ai été transférée de la prison de La Manouba à la prison de Béja, puis à Sfax puis à La Manouba.
    Mais les procès se renouvellaient sans cesse. On m'a transférée à la prison de Sfax, non pas pour me rapprocher de ma famille, mais un deuxième procès se préparait après avoir arrêté mon frère, mon beau-frère, ma mère (âgée de 67 ans) et mon beau-père. Ma mère et mon beau-père ont été libérés 2 jours plus tard, mais ma mère faisait toujours partie du nouveau procès.
    On nous soupçonnaient de recevoir de l'argent de l'étranger qu'on donne aux familles des prisonniers et d'appartenance à un mouvement intégriste. Ceci pour le simple fait d'avoir reçu de l'argent de mon frère et de mon fiancé pour aider ma famille à continuer de me visiter! Ces procès sont devenus une attitude très courante contre les prisonniers politiques et d'opinion; je cite le cas de Hadda Ebdelli, âgée de 50 ans, qui a été condamnée 2 fois pour les mêmes inculpations à 7 ans puis 8 ans de prison.

    A ma sortie de la prison
    En quittant la prison, je suis sortie vers une autre forme de prison où les policiers, les barbouzes et les Autorités sèment la terreur partout et continuent sans cesse le harcèlement de toute personne libre.
    Cela a été plus difficile pour moi que d'être en prison : Les gens avaient peur de me contacter, de me parler parce qu'ils avaient peur des policiers et de tous ceux qui surveillent les gens libres.
    La police a continué à m'intimider, à me harceler ; les descentes policières étaient nombreuses pour me convoquer ou me transporter au commissariat de Sfax pour être interrogée de nouveau.

    Le suivi administratif quotidien
    J'étais obligée de me rendre tous les jours à 8H du matin au poste de police le plus proche de chez moi, à 15 km dont 3km de marche à pied. Pendant plusieurs mois, la voiture de la police me suivait pas à pas, et parfois les policiers descendaient de voiture, les mains sur les armes et commençaient à tourner autour de moi. Je m'arrêtais en attendant que cette séance d'hystérie s'arrête! Treize mois après ma libération, le contrôle administratif a été suspendu. Et un mois plus tard, j'ai obtenu mon passeport.
    Je voudrais bien insister sur le fait que les Autorités ont cédé à deu x reprises : la première lors de ma libération avec Rachida Ben Salem, Saida Chartbi (ndlr: ici présente) et Nizar Chaari. La deuxième en me permettant de voyager et d'être parmi vous ce soir : une chose presque impossible il y a quelques moi. Mais ceci est devenu possible grâce à ce travail continu que vous aviez tous fait : Organisations et défenseurs des droits de l'homme.
    Pour finir, je voudrais vous dire que les prisonniers politiques comptent beaucoup sur nous tous et qu'une pression incessante sur le régime de Ben Ali finira par aboutir à la libération de tous les prisonniers politiques et d'opinion en Tunisie.
    Je vous remercie.

    Radhia Aouididi


    Le message de Khémaïs Chammari

    Cher(e)s ami(e)s,

    Des contraintes d'ordre professionnel m'empêchent d'être parmi vous à l'occasion de cette manifestation de solidarité avec les détenus politiques en Tunisie. J'en suis absolument désolé mais je voudrais, par ce bref message, vous faire part de mon fraternel et chaleureux soutien.
    Le combat, auquel vous apportez par votre initiative et votre contribution militante, est au cÏur des préoccupations et des priorités de tous les défenseurs des droits humains et des libertés dans notre pays. Par delà la revendication focale de la libération de tous les détenus politiques dont près d'un millier continuent de croupir dans les geôles du régime, ce combat concerne aussi la lutte contre les conditions inhumaines de détention, la dénonciation du recours, devenu systématique, à la torture et la question de l'impunité des tortionnaires et de tous ceux aux ordres desquels ils obéissent. Lutter contre l'impunité répond, en effet, à un devoir de mémoire, à une exigence de vérité, à un impératif de justice et à une obligation de réparation.
    La libération de tous les détenus politiques est, par ailleurs, indissociable de deux autres revendications essentielles :

  • La première a trait au classement des procédures judiciaires en cours (Dr. Moncef Marzouki, Me Nejib Hosni, Omar Mestiri, Slaheddine Jourchi, Mohamed Mouadda, Mehdi Zougah, Kaddour Naghmouchi, Ahmed Lamari, Fethi Karaoud, Lotfi Farhat, les étudiants de l'UGET, etc ...).
  • La deuxième concerne les mesures de harcèlement policier, d'interdits professionnels et de limitations au droit de déplacement à l'égard des anciens détenus politiques et de leurs proches dont le calvaire de Lamjed Sebeï de Jerissa nous donne une nouvelle et terrible illustration.
    De même que cette revendication est indissociable de celle concernant la restauration dans leurs droits civils et politiques des militants, tels Hamma Hammami et ses camarades, contraints à la clandestinité.
    En ce jour commémoratif du 26 janvier, et à quelques jours de la prochaine audience le 29 janvier du procès intenté contre la Ligue (LTDH) dans le cadre de l'épreuve de force engagée contre elle par le Pouvoir, j'espère que votre initiative contribuera à renforcer la mobilisation autour des thèmes des revendications évoquées et qu'elle resserrera les liens entre toutes celles et tous ceux qui luttent pour :
    - La libération de tous les détenus politiques ;
    - La dénonciation des conditions carcérales et de la torture ;
    - La solidarité avec les mouvements de protestation et de résistance de détenus (grèves de la faim etc ...) ;
    - Le classement des procédures à caractère politique en cours ;
    - Le refus de l'impunité ;
    - Le recouvrement de l'ensemble de leurs droits par les militants contraints à l'exil ;
    - Le retour à la légalité de la LTDH dans le cadre de sa direction légitime issue de son 5ème Congrès ;
    - La reconnaissance légale du CNLT et la levée des entraves aux activités des associations démocratiques autonomes ;
    - La dénonciation de l'instrumentalisation de la Justice à des fins partisanes et mafieuses ;
    - La promulgation en faveur des militants politiques et associatifs d'une loi d'amnistie générale sans exclusive.
    Avec l'expression de mes sincères et fraternelles salutations.

    Khemaïs Chammari.


    Intervention de la Coordination

    Lorsqu'il est question de parler d'une société privée d'expression, privée de parole, et lorsqu'on est, en plus, citoyen de cette société, il est difficile de contenir sa frustration. Que la présence nous accorde des circonstances atténuantes...
    Je voudrais tout d'abord au nom de la Coordination pour la défense des prisonniers politiques en Tunisie, rendre hommage à ceux de mes compatriotes, ici et là-bas, qui continuent à défier l'arbitraire en dépit du lourd tribut payé, jusqu'à ce que la Tunisie recouvre sa liberté et sa dignité.
    Je voudrais également exprimer toute ma considération à nos amis, français et autres, qui continuent à s'intéresser à ce " petit pays " malgré la baisse de la fièvre médiatique suscitée par l'affaire Ben Brik. Votre dévouement désintéressé pour notre pays nous oblige...
    Mesdames, messieurs, clouer au pilori sa Patrie n'a jamais été une chose facile. On aurait souhaité défendre le cas de notre si cher pays dans le concert des Nations et avoir le sentiment du devoir accompli et la fierté de promouvoir les intérêts de ceux qui étaient avec nous sur les bancs de l'école, dans le quartier, à l'université... tout simplement ceux qui sont nos concitoyens. Si nous devons rendre compte aujourd'hui, non pas d'une image idyllique de notre pays, mais des atrocités qui se pratiquent en son sein, c'est que nous avons réussi comme beaucoup de braves citoyens, à soulager nos consciences et à convaincre notre sens du devoir national que c'est aussi une manière de rendre service à notre pays... La promotion de l'image de notre chère Tunisie à l'étranger ne doit pas se faire au détriment de la souffrance d'un Ali Laarayedh croupissant en isolement depuis 10 ans, ni la douleur de femmes et d'enfants brisés par des années d'acharnement policier impitoyable. Loin d'être des traîtres, ceux qui font ce travail ingrat, mais ô combien noble, sont les vrais patriotes. Car entre autres, ils empêchent de dire que " tout le monde se complaît dans ce jeu de massacre en Tunisie ".
    Il est ensuite une réalité que vous avez réussi, mesdames, messieurs, grâce à votre abnégation à rendre évidente auprès de l'opinion publique nationale et internationale.
    Désormais, quand on évoque la Tunisie, le bâton précède le jasmin, les prisons la plage, la torture l'hospitalité... Bref : la dictature avant la République.
    C'est la vérité cruelle d'un régime qui a transformé notre pays en un complexe hospitalier, d'un régime qui érige la souffrance en système.
    La Tunisie du 21ème siècle, c'est désormais, le pays de ceux qui souffrent. Ses symboles sont Tawfiq Echaïeb, Ahmed Essghaïer (mettant sa progéniture à la vente), Sadok Chourou, Moncef Marzouki, Sihem Ben Sedrine, Imen Darwiche, Hamma Hammami, Mohamed Mouada, Khaled Barka, Khemaïs Ksila, Abdellatif El Mekki, Bouraoui Makhlouf, Nejib Hosni, tous ces braves citoyens, ici dans la salle, et tous leurs compagnons d'infortune, exilés partout dans le monde et privés de la "karma wa zeitouna" (le figuier et l'olivier), pour avoir dit Non.
    C'est un régime qui dépolitise la société et politise les prisons. Comble du paradoxe dans la Tunisie de Ben Ali : les prisons sont plus représentatives de la société que le Parlement.
    Ce régime qui hante la vie des Tunisiens doit être jugé, combattu et banni pour crime contre la dignité, pour crime contre la liberté.
    Cette vérité pour capitale soit-elle, réussira-t-elle à débarrasser la Tunisie du spectre de l'intégrisme... politique ? J'en doute fort !
    A vouloir trop focaliser sur les seuls agissements du Pouvoir, on risque de compromettre nos chances quant à un authentique changement en Tunisie. C'est pourquoi, nous aimerions dire quelques mots au sujet des trois protagonistes incontournables de cette entreprise de changement salutaire.
    Tout d'abord, l'Europe ( et plus particulièrement la France), pays ami et principal partenaire économique de la Tunisie.
    Dans cette France, où le Président se considère comme le premier courtier de la Nation, et qui se plait à répéter : "Moi, lorsque je vais à l'étranger, je vais vendre la France, c'est aussi cela le rôle du politique", et où le ministre des Affaires étrangères, désinvolte, répondait dans l'hémicycle de l'Assemblée : "Vous parlez de cynisme commercial. Je ne vois pas bien ce que cela veut dire dans un pays où un tiers des salariés travaillent pour l'exportation, et je ne vois pas en quoi la démocratie progressera plus vite dans des pays qui achèteront des Boeing plutôt que des Airbus ", et où enfin, un responsable de la compagnie pollueuse Total expliquait cyniquement la complaisance de son groupe avec la junte militaire en Birmanie : "Ce n'est pas de notre faute si le bon dieu a placé les gisements de pétrole dans des pays qui ne sont pas des modèles en démocratie ". Dans cette France, la nouvelle "diplomatie économique "sait cohabiter avec la "dictature gestionnaire", celle qui méprise les libertés et bafoue les droits, mais qui se comporte économiquement en bon élève. La Chine et la Tunisie en sont les parfaites illustrations (...)
    Quand le président français exhorte le "miracle tunisien", quand Philippe Séguin veut exporter en France le modèle militant du RCD, et quand la très sympathique Hélène Flautre met à nu la complicité des Services de renseignements des deux pays au sujet des opposants, on ne fait que prostituer notre pays.
    Nous devons, vous devez dire et rappeler aux dirigeants français que cette complicité dangereuse nuit à l'image de la France et ne sert pas les intérêts de la Tunisie.
    A cette occasion, nous nous félicitons de la très louable initiative d'un certain nombre d'intellectuels français s'élevant contre le silence de leur gouvernement sur la situation en Tunisie, et lançant un appel solennel au soutien des " Tunisiens à bout de patience ", paru dans les colonnes du "Monde" du 19 janvier 2001.
    Espérons que l'écho de leur initiative sera à la hauteur des attentes des opprimés tunisiens.
    Le deuxième acteur, souvent oublié et relégué au statut de mineur... consumériste selon les uns, clientéliste selon les autres : c'est le peuple tunisien. Il faut le reconnaître, notre société porte en son sein les germes de la dictature. C'est elle qui a enfanté Bourguiba, Ben Ali, Kallel, Ganzoui, et tous les autres tortionnaires. C'est elle qui a produit et laissé proliférer la dictature, la délation, la corruption, le fatalisme... C'est elle qui doit les chasser.
    Il faut faire bouger la société. Il faut l'impliquer dans notre combat pour les libertés, qui est aussi le sien. En ce jour mémorable du 26 janvier, le souvenir de la rue tunisienne, en ébullition, réclamant ses droits, nous interpelle et nous trace le chemin.
    Aujourd'hui, la société civile se réveille, et l'homme de la rue semble sortir de sa léthargie et retrouver le goût de la contestation. Enfouie, épousant la forme de blagues et de rumeurs, corporatiste, compatissante avec les vrais opposants, transférée et reportée sur les paraboles étrangères... Rien n'y change... Cette contestation est là, à nous de l'accompagner et de rattraper le temps perdu.
    Le troisième acteur, enfin, c'est vous, c'est moi, c'est nous tous. Ce sont tous ces citoyens tunisiens qui résistent à l'arbitraire. Le fait qu'on soit ici, n'efface en rien notre culpabilité.
    Pendant longtemps, l'opposition crédible s'est perdue dans des luttes marginales et mesquines, opposant stérilement démocrates, islamistes, extrême gauche, nationalistes et autres laïques au grand bonheur des Autorités, heureuses de voir l'opposition se diviser pour qu'elle règne. La seule opposition qui vaille en ces jours graves, c'est celle qui oppose des femmes et des hommes assoiffés de liberté à un régime qui les en dépossède.
    L'espoir suscité par les retombées de l'affaire Ben Brik s'est vite volatilisé aussitôt qu'une partie de l'opposition, emportée par des signes d'essoufflement du régime, a vite substitué à une démarche de résistance (rassembleuse), une de pouvoir (utilitariste te excluante).
    La souffrance qui sévit en Tunisie et ailleurs, faut-il toujours le rappeler, n'a pas de couleur, n'a pas de race, n'a pas d'idéologie ; elle est tout simplement humaine. Les défenseurs des droits de l'homme ne sont ni de gauche, ni de droite ; ils sont tout simplement humanistes.
    Ceux qui veulent coller une idéologie ou une ethnie à la défense des droits de l'homme se trompent. Ce raccourci affaisse les droits et dégraisse l'homme.
    Il fallait que le régime retrouve ses réflexes répressifs, aille jusqu'à ses derniers retranchements et intente une foultitude de procès iniques à l'opposition, toutes tendances confondues, pour que celle-ci comprenne que la partie n'est pas encore jouée, et que dans ce bras de fer, mieux vaut être solidaire que solitaire.
    La coordination n'a fait qu'entériner cette reprise de conscience. Nous sommes ici, avec nos différences, déterminés et unis pour qu'il soit mis fin à la tragédie des prisonniers politiques en Tunisie.
    Je voudrais clore cette journée par un vÏu et une note d'espoir.
    J'ai beaucoup apprécié la réaction du Professeur Mohamed Harbi qui, répondant à notre invitation, avait émis une condition : qu'il n'y ait pas d'exclusion et que toutes les parties y soient associées. Cette position réfléchie et productive devrait inspirer tous les amis de la Tunisie : aidez-nous à nous construire, ne nous-aidez pas à nous détruire !
    La note d'espoir maintenant : c'est la présence parmi nous de ces anciens prisonniers politiques que sont Aïcha Dhaouadi, Imen Darwiche, Radhia Aouididi et tous les autres.
    Ceux qui les ont soutenus ici, et notamment leurs proches, en savent quelque chose.
    Mohamed Kéffi, Ahmed Amri, Fadhel Bedda, ont vécu des jours et des mois de crainte, de déception et de solitude. Ils n'ont pas renoncé pour autant.
    Leur détermination (leur entêtement selon Dr Marzouki ) a payé, leurs épouses sont très loin de l'enfer carcéral. Faisons autant pour tous les autres prisonniers politiques.

    Paris le 26 janvier 2001
    La Coordination





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    DROITS DE L'HOMME


    Jusqu'à la mort, j'aime mon pays

    Aujourd'hui, à 16h45 je marchais sur l'avenue Hedi Chakeur, mon cartable à la main et des pâtisseries pour mon fils dans l'autre main.
    Je fais quelque pas en attendant un taxi, quand je reçois un coup sur la tempe droite. Je me retourne et vois cinq hommes armés dont trois avec des barres métalliques et 2 avec de longs poignards.
    Je ne sais comment j'ai eu l'idée de me précipiter à l'intérieur d'une agence de location de voitures et comment j'ai escaladé l'étroit escalier, poursuivi par cet "escadron de la mort". L'instinct de conservation me poussa à bloquer l'entrée du local avec un canapé et à me saisir de tables basses que je trouvais pour repousser les agresseurs, au milieu de la frayeur des passants et du personnel de l'agence.
    Je ne sais par quel enchantement le chef du poste de police de la rue de Cologne est apparu, accompagné d'un grand nombre d'agents. Il me demanda de sortir sous sa "protection" ; je pris alors une bouteille de détergent et brandis un morceau de verre, déclarant que je ne sortirai qu'en compagnie de ma femme, de mes amis et du dirigeant du mouvement de défense des droits de l'homme.
    Le téléphone sonna, au bout du fil se trouvait Tawfik Bououn, chef du district de police de Tunis. J'exigeais de son collègue de sortir et écoutais Bououn déclarer son "étonnement" et sa "dénonciation" de ce qui était arrivé : "Serions-nous donc à Chicago? C'est inadmissible et je ne le permettrai jamais ! J'arrive tout de suite et vous sortirez avec moi en toute sûreté". Ainsi parla-t-il proclamant la paix alors que quelques minutes auparavant, ils tentaient de me tuer.
    A 17h30, arriva mon ami Tarek Mahdhaoui, membre du comité de rédaction de "Kaws el Karama", suivi de ma femme Ahlem Belhaj puis de mon ami Omaya et enfin de Mokhtar Trifi, président de la LTDH. J'accepte alors de sortir.
    Il s'agit bel et bien d'une tentative d'assassinat. Ce n'est pas la première perpétrée par ces "escadrons de la mort" qui, jadis, cherchèrent à liquider physiquement mon frère Taoufik Ben Brik, Riadh Ben Fadhel, Dr Moncef Marzouki, etc...
    Ce corps de criminels n'est pas indépendant de l'autorité politique : il en est même une partie. C'est la police de Ben Ali, des Trabelsi, des Chiboub, des Ganzouï...
    Ils cherchent à liquider, à travers ceux qu'ils craignent, les femmes et les hommes libres, une parole dénonciatrice de leur corruption, de leur rapine, de leurs bassesse, de la torture qu'ils ne cessent de pratiquer et leur politique répressive.
    Ils ont tenté de m'assassiner quelques jours seulement après l'apparition du premier numéro de "Kaws el Karama", le 26 janvier 2001.
    Qu'ils continuent donc d'essayer de nous assassiner; nous ne vous céderons pas le pays jusqu'au dernier souffle.
    Notre Tunisie appartient à ses femmes, à ses hommes, à ses jeunes et à ses enfants. Nous balayerons Ben Ali, même au prix de nos vies et nous serons soutenus par les femmes et les hommes libres du Maghreb, de la région arabe et du monde.
    Certes, je n'ai pas aujourd'hui les moyens de combattre ces "escadrons de la mort", mais face à leur tentative de m'assassiner, je déclare entrer dès aujourd'hui dans une grève de la faim jusqu'à ce que :
    1- mes agresseurs soient poursuivis et punis ;
    2- ma plainte contre Tawfik Bououn et Mohamed Ali Ganzouï soit enregistrée ;
    3- "Kaws El Karama" soit légalisé
    4- soit délivré un passeport à mon fils Youssef (4 ans) ainsi qu'à moi-même ;
    5- soit mis fin à toutes les formes de harcèlement contre ma famille et tous mes amis.


    Et que vive la liberté,
    Jalel Zoghlami
    3 février 2001

    DROITS DE L'HOMME


    Témoignage de Radhia Nasraoui, membre du Conseil de l'Ordre des avocats,
    Après l'agression de Jalel Zoghlami et de ses proches

    Le mardi 6 février à 21h30, je me dirigeais vers le domicile de Jalel Zoghlami, en grève de la faim, en compagnie de Abdelmoumen Belanes, ancien prisonnier politique et militant du POCT, pour lui exprimer notre solidarité. Avant même d'arriver à la hauteur de la rue où se trouve son immeuble, ma voiture a été encerclée par plus d'une trentaine d'agents de police. Un véritable bataillon composé d'agents en civil et d'agents de la brigade d'intervention spéciale, munis de matraques, dirigés par le préfet de police d'El Menzah et Manar. Ils m'ont intimé l'ordre de faire demi-tour ; alors que j'exécutais la maneuvre, ils se sont excités, criant et tentant de forcer ma portière que j'ai vite bloquée. L'un d'entre eux a réussi à introduire son bras par la vitre que je remontais, dans un geste d'agression. Coincé, il a été obligé de la retirer. Au même moment, d'autres policiers parviennent à ouvrir la portière droite et réussisent à dégager violemment Belanes, ils lui assènent un violent coup de matraque sur la tête qui lui fait perdre connaissance. Alors que le sang gicle sur son visage, les policiers le trainent à terre et l'éloignent. Un groupe plus important se masse autour de la voiture et sentant leurs menaces, je bloque la seconde portière. Au bout d'un moment, voyant le sang couler abondamment sur le visage et la tête de Belanes, ils décident de nous laisser partir. Après l'agression contre Jalel Zoghlami et toutes les agressions qui ont suivi, il apparaît clairement que le régime franchit une nouvelle étape dans la persécution des défenseurs des droits humains et des opposants.
    Désormais nos vies sont en danger ! Je lance un appel aux Organisations humanitaires, à tous les démocrates et à tous les défenseurs des droits humains afin qu'ils s'élèvent fermement contre ces pratiques sauvages.

    Radhia Nasraoui


    De la Voyoucratie

    Les deux agressions consécutives perpétrées le 3 février puis le 6, contre Jalel Zoghlami, directeur du journal Kaws el Karama (L'Arc de la dignité), suscitent le désarroi à Tunis. Jalel Zoghlami a entamé une grève de la faim, samedi 3 février, pour que soient engagées des poursuites à l'encontre des "escadrons de la mort ".
    Etre agressé par la police politique lors d'une confrontation habituelle (émeute, manifestation, rassemblement) est une exaction que tous les contestataires de Ben Ali ont été préparés à subir. Mais être pris en chasse comme un gibier, en plein centre-ville, et en plein jour, par un escadron de l'ombre, armé de barres de fer et de poignards, ça te fout une peur animale, qui ne te quittera plus, même si tu t'en sors.
    Pourquoi Jalel Zoghlami a-t-il eu droit à ce régime de punition sans visage ?
    C'est bien simple : il s'est cru apte à proférer une attaque en règle à l'encontre de Ben Ali, au pouvoir depuis 1987. " Ben Ali, 13 ans, basta ", titrait-il en " Une " de son samizdat Kaws el Karama, qu'il a lancé le 26 janvier dernier.
    Sommer Ben Ali de partir est la ligne rouge à ne pas franchir. Faut pas rêver ! On se rappelle le sort qui a été réservé à l'ancien rédacteur en chef du Monde Diplomatique version arabe, Riadh Ben Fadhel, lorsque dans une tribune du Monde de mai dernier, il a conseillé à Ben Ali de préparer l'alternance : deux balles en plein thorax ! " L'assassinat manqué, vendredi 2 février, à Tunis, contre Jalel Zoghlami, sonne comme une dernière sommation à agir efficacement", dénoncent vingt-cinq députés européens.
    Pour perpétuer sa " voyoucratie ", Ben Ali sera amené, dans les jours qui viennent, à utiliser " l'assassinat politique " comme soupape de sécurité de l'Etat qu'il a criminalisé.
    Radhia Nasraoui, l'avocate des têtes brûlées et des enfoirés est catégorique : " Après l'agression contre Jalel Zoghlami (...) il apparaît clairement que le régime franchit une nouvelle étape dans la persécution des défenseurs des droits humains. Désormais nos vies sont en danger. " Un cadavre exquis, peut-être, pour crier à l'ignominie?

    Taoufik Ben Brik



    Paris hausse le ton

    La France souhaite que la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH) puisse continuer à "fonctionner librement", a affirmé mardi le ministère des Affaires étrangères, au lendemain de l'annulation par la justice tunisienne des délibérations du dernier Congrès de cette Organisation.
    "Je vous rappelle notre position que nous avons exprimée à plusieurs reprises : nous souhaitons que la LTDH puisse continuer à fonctionner librement, sans entrave, et qu'elle puisse continuer à apporter, dans des conditions normales, sa contribution à la défense des droits de l'homme et des libertés", a déclaré une porte-parole du ministère français.
    Le ministère des Affaires étrangères a précisé qu'il ne commentait pas la décision de la justice tunisienne en particulier, mais se limitait à rappeler sa position générale sur la LTDH.
    La justice tunisienne à décidé lundi d'annuler les résultats du 5e Congrès de la Ligue tunisienne de défense des droits de l'homme (LTDH) d'octobre 2000, à l'issue d'un procès ouvert le 25 décembre. Cette décision revient à mettre hors la loi la direction de la LTDH.
    La France a haussé le ton, ces derniers jours, à propos de la situation des défenseurs des libertés en Tunisie. En fin de semaine dernière, le ministère des Affaires étrangères s'était dit "préoccupé par l'usage croissant de la violence par les forces de sécurité tunisiennes à l'égard des défenseurs des droits de l'homme".
    Paris avait été interpellé à la suite de deux agressions dont avait été victime Jalel Zoghlami, frère du journaliste Taoufik Ben Brik et directeur d'un mensuel nouvellement créée.

    Naro Presse Services
    13/02/2001





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    ACTUEL


    Le CNLT donne l'exemple et renouvelle à travers des élections son équipe dirigeante!

    Le CNLT donne l'exemple et renouvelle à travers des élections son équipe dirigeante! Mme Sihem Ben Sedrine prend la place du Dr. Moncef Marzouki et devient le nouveau porte-parole du Conseil.

    (Communiqué traduit de l'arabe)
    Le Conseil national des libertés en Tunisie s'est constitué comme une Organisation démocratique dans ses principes fondateurs et son fonctionnement. C'est ainsi qu'il s'est doté de statuts qui consacrent le principe de l'action collégiale et de l'alternance, et qui stipulent que la composition du Comité de liaison (organe dirigeant) doit être renouvelée tous les deux ans.
    En dépit d'un contexte de répression qui a pris pour cible l'ensemble du mouvement démocratique en général et le CNLT en particulier qui a vécu ces derniers temps un encerclement policier quasi permanent visant à handicaper son activité, le CNLT a tenu à respecter son règlement et a ainsi procédé à l'élection de son nouveau Comité de liaison. Les urnes ont dégagé un nouveau bureau composé de : Mohamed Talbi; Sihem Bensedrine; Ahmed Smii; Hédi Manai; Raouf Ayadi; Abdelkader Ben Khémis; Tahar Mestiri.
    Par ailleurs, Me Néjib Hosni a été nommé à l'unanimité membre d'honneur du CL.
    Le Comité de liaison sortant saisit cette occasion pour remercier les membres du Conseil pour la confiance qu'il lui ont accordée ainsi que l'ensemble du mouvement démocratique pour son soutien.
    Il présente ses félicitations au nouveau Bureau et s'engage à le soutenir dans l'accomplissement de ses fonctions. Il appelle l'ensemble des membres du Conseil à serrer les rangs autour de la nouvelle équipe afin que notre Organisation poursuive son combat pour les libertés et contre l'autocratie.

    Tunis le 16 fevrier 2001
    Pour le Conseil
    Le Porte Parole
    Dr Moncef Marzouki



    CNLT - Communiqué
    En présence de Me Khédija Chérif, présidente du bureau de vote qui a procédé aux élections des membres du nouveau Comité de liaison (organe dirigeant) du CNLT, le nouveau Bureau s'est réuni et a effectué la répartition des tâches conformément aux statuts :
  • Sihem Bensedrine : porte-parole
  • Raouf Ayadi : Secrétaire Général
  • Tahar Mestiri : Trésorier
  • Mohamed Talbi : responsable des libertés académiques et culturelles
  • Hédi Manaï : responsable des affaires juridiques
  • Ahmed Semii : responsable des commissions
  • Abdelkader Ben Khémis : responsable des relations aux associations

    Tunis le 16 février 2001
    Pour le Conseil
    La porte-parole
    Sihem Bensedrine



    APRES MEHDI ZOUGAH, BELGACEM EL GUESMI, HAROUN HAJ M'BAREK UN TUNISIEN RENTRE DE FRANCE LE 2 AOUT 2000, APRES UNE DIZAINE D'ANNEES D'ABSENCE, A ETE TORTURE, EMPRISONNE ET CONDAMNE PAR UN TRIBUNAL MILITAIRE A 7 ANS DE PRISON FERME!

    Le procès de Lotfi Farhat
    Le tribunal militaire a rendu son verdict, mercredi 31 janvier, dans l'affaire 8503 devant lequel étaient jugés 12 Tunisiens, accusés de participation à une " association de malfaiteurs exerçant son activité à partir de l'étranger ", chef d'inculpation passible d'une peine maximale de 10 ans d'emprisonnement, aux termes de l'article 123 du Code de procédure pénale et militaire.
    Seul un accusé, Lotfi Farhat, résidant à Paris, arrêté lors d'un voyage en Tunisie, depuis le 2 août 2000 et soumis à la torture dans des conditions terribles, était présenté à l'audience. Les onze autres inculpés ont été déférés en état de fuite et n'étaient donc pas représentés par un avocat.
    L instruction a bafoué les règles les plus élémentaires de la procédure. C'est ainsi que Lotfi Farhat a été arrêté sans mandat d'arrêt (ni d'ailleurs en flagrant délit).
    Il a été détenu au secret à la DSE à Tunis, deux semaines au-delà du délai de 6 jours de garde à vue légale; il a été torturé et forcé de signer son PV d'interrogatoire.
    Ses avocats ont eu tardivement accès à son dossier et c'est par coïncidence qu'ils ont appris le 8 janvier 2001 que le procès, prévu pour le 9 février, était en fait prévu pour le 9 janvier, soit le lendemain. Ils ont réussi, in-extremis, à le faire reporter pour le 23, puis le 31 janvier.
    4 avocats étaient présents au procès ainsi que le père et le frère de l'accusé. Le juge a demandé l'évacuation d'Omar Mestiri, secrétaire général du CNLT, présent à l'audience, au motif que cette dernière n'était pas " plénière " (sic).
    Accusé sur la base d'un PV signé sous la torture, sans qu'aucune preuve matérielle de sa participation à des faits présumés remontant à 10 ans n'ait été apportée et sans jamais avoir été confronté à quiconque, Lotfi a été condamné à 7 ans d'emprisonnement et 5 ans de contrôle administratif. Salah Karker, Abdellatif Tlili, Zouhaïer Nagaoui, Fathi Bouchoucha, Zouhaïer Razgallah, Fethi Larab, Amed Laouati, Mraï Mathousi, Hassan Benlarab, Mounir El Borni et Ahmed Maalej ont été condamnés par contumace à 10 ans d'emprisonnement.
    Depuis une année, se multiplient les arrestations de Tunisiens vivant à l'étranger (affaires Karaoud, Zougah, Messaoudi, Khachlouf, Makhlouf), visant à accréditer l'idée que la Tunisie serait cernée par des " groupes voulant nuire à sa sécurité. Au centre de ces manipulations judiciaires, le pouvoir met l'accent sur Salah Karker, objet d'une nouvelle condamnation, destinée sans doute à justifier aux yeux des Autorités françaises, le maintien de son assignation à résidence.
    Le CRLDHT dénonce le recours à une juridiction militaire et les conditions de déroulement de ce procès. Il réitère à cette occasion la demande de levée de l'assignation imposée depuis de longues années à Salah Karker.

    Crldht





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    DROITS DE L'HOMME


    ATFD : Lettre ouverte
    au ministre de l'Intérieur

    Tunis le 29 janvier 2001
    Monsieur le ministre,

    Nous membres, responsables, adérentes et militantes de l'Associaiton tunisienne des femmes démocrates, vous saisissons d'un abus de pouvoir dont nous sommes victimes de la part des forces de police en civil relevant de votre ministère et placées sour votre autorité.
    L'ATFD, qui organisait aujourd'hui 29 janvier 2001, une rencontre de soutien et de solidarité à la LTDH, s'est vue interdire cette renconre par un déploiement de force de police en civil, postée à l'entrée de l'immeuble siège de l'associaton, empêchant les invités d'y accéder, n'hésitant pas à malmener certaines adhérentes, sympathisants et amis de l'association.
    Nous nous élevons contre ces pratiques abusives contraires à la loi qui n'impose aucune formalité de préavis aux réunions non publiques tenues au siège de l'association et contraires aux principes constitutionnels et internationaux garantissant la liberté d'association et de réunion.
    Nous relevons que cet acte constitue un grave précédent portant atteinte à la libre activité d'une association légalement constituée.
    Nous dénonçons ces patiques informelles devenues aujourd'hui tradition, consistant à aviser oralement, sans trace, d'une mesure d'interdiction quelques heures seulement avant le déroulement de la rencontre. Ces pratiques sont d'autant plus consternantes que dans un pays qui se veut un Etat de droit, elles prétexent de la non conformité avec les objectifs de l'association alors même que ces objectifs sont la défense des droits de la personne dans toutes leurs dimensions ainsi que l'affirme la Déclaration universelle des droits de l'homme, car on ne peut réaliser les droits des femmes que dans le respect des libertés et de la démocratie.
    Monsieur le ministre,
    Nous constatons que cette interdiction abusive vient dans un contexte caractérisé par la multiplication des atteintes aux libertés publiques collectives et individuelles :
    l'offensive menée contre la LTDH tant par voie judiciaire qu'administrative et policière en est la principale manifestation.
    Depuis le 10 décembre, toutes tentatives de rencontres des défenseurs des droits humains dans les lieux privés (domiciles) ou publics (cafés, hôtels) ont été systématiquement empêchées par les forces de police en civil, souvent brutalement, allant des invectives verbales grossières jusqu'aux brutalités physiques.

    La présidente
    Bochra Belhadj Hmida





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    A LA UNE


    La lettre qui a trahi
    le Président de la Chambre tunisienne des "dépités"

    République Tunisienne
    Chambre des Députés

    Tunis, le 15 décembre 2000



    Il est grandement regrettable que le Parlement Européen se laisse entraîner à faire le jeu de certains courants, extrémistes, en adoptant sans qu'il y ait réelles justification ou raison, une Résolution hostile à la Tunisie.
    Les attaques, les accusations et les menaces à peine voilées, sont révélatrices de la volonté délibérée de certains courants mal-intentionnés, de nuire aux relations entre la Tunisie et l'UE. Elles sont également significatives de leur attachement à des notions révolues et à des réflexes d'une époque qu'ils semblent regretter. Comment expliquer autrement leur obstination à ignorer la liberté de décision de notre pays et à vouloir, envers et contre tous les principes inhérents à la souveraineté des Etats, dicter à la Tunisie sa politique ?
    En cela, ils invoquent, à tort, les clauses de l'Accord d'association conclu entre l'Union Européenne et la Tunisie, comme si leur interprétation de ces clauses, pouvait occulter et supplanter les droits inhérents à la souveraineté des Etats. Aussi, est-ce avec la plus grande vigueur que nous dénonçons l'attitude de certains membres du Parlement Européen à présenter à celui-ci des projets de Résolutions systématiquement hostiles à la Tunisie. La persistance de ces tentatives, ainsi que la suite qui leur est donnée à travers leur adoption par le Parlement Européen, constituent pour nous, députés tunisiens, un motif de déception, eu égard au dialogue continu entre nos deux institutions. Nous sommes surpris de constater que des parlementaires européens évoquent une Organisation illégale, ou donnent foi sans prendre la peine de vérifier leur authenticité, à des allégations que leur fournissent trois ou quatre égarés, traîtres à leur pays, qui entretiennent des accointances suspectes avec quelques éléments connus pour leur hostilité à la Tunisie ou pour leur engagement total dans l'idéologie fanatique et l'action terroriste.
    Nous en sommes d'autant plus indignés que les expressions outrancières, les insinuations malveillantes et les injonctions péremptoires qui émaillent le texte adopté par le Parlement Européen, donnent à penser que certains s'arrogent le droit de dicter leurs volontés à un pays indépendant et à un peuple qui a payé cher le prix de sa souveraineté. Ainsi en et-il de ce qui a été appelé le problème de la Ligue tunisienne des droits de l'homme, un différend strictement et exclusivement interne à la Ligue et dans lequel les Autorités ne sont en aucune manière impliquées : ce que le Parlement Européen semble ignorer, dès lors qu'il multiplie les reproches à l'adresse des Autorités tunisiennes, comme si celles-ci étaient partie prenante dans l'affaire. Faut-il, pour répondre aux voeux de certains, que ces Autorités tunisiennes, tout à fait étrangères et totalement neutres, fassent fi des principes de l'Etat de Droit et de l'indépendance de la justice, pour intervenir dans un différend interne à une association ?
    Pourtant rien ne peut justifier une telle attitude du PE.
    L'attachement de la Tunisie à l'amitié et à la coopération avec l'UE n'a d'égal que son souci constant de préserver sa souveraineté et son libre arbitre.
    Encore une fois, nous tenons à affirmer que notre pays refuse que quiconque puisse se croire habilité à le juger, encore moins à lui dicter sa conduite.
    Nous sommes convaincus que le Parlement Européen saura, en définitive, faire la part des choses et faire prévaloir la vérité sur le mensonge et les accusations gratuites, répétitives et infondées de milieux terroristes et des intégristes de tous bords, sans parler des traîtres patentés.
    Nous tenons à proclamer, avec force et conviction, que la démocratie et les droits de l'homme en Tunisie sont une réalité concrète, palpable et en évolution continue. Une réalité qui ne cesse de se conforter d'un jour à un autre, dans le droit fil d'un processus réfléchi qui bénéficie du concours actif et convaincu de tous les Tunisiens et vaut à notre pays le respect et l'admiration des instances régionales et internationales.
    Quant à ces détracteurs, ils auraient été plus crédibles s'ils n'étaient si complaisants et si peu regardants devant les violations criantes, quotidiennes et incessantes que les Autorités israéliennes d'occupation commettent avec tant d'arrogance et d'insouciance, à l'encontre des populations palestiniennes désarmées, contre les femmes et les enfants qui tombent suite aux atrocités commises. Leur mutisme honteux face à ces pratiques inhumaines est on ne peut plus révélateur de leur tendance incoercible à recourir à la politique du "deux poids et deux mesures", que rien ne peut jamais justifier.
    Vu le caractère injustifié et les termes inacceptables de cette Résolution, nous ne voyons d'autre alternative que de la rejeter et d'exprimer notre indignation.

    Fouad Mebazaa
    Président de la Chambre des Députés





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    DROITS DE L'HOMME


    LONGUE GREVE DE LA FAIM
    A EL HOUAREB

    Nous apprenons de source proche du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) que les détenus politiques de la sinistre prison d'El Houereb étaient en grève de la faim depuis au moins une vingtaine de jours.
    Figurent parmi ces détenus Abdellatif El Mekki, Abdel-karim El Harouni et Saber Hamrouni. Certains d'entre eux vont sur leurs dix ans de bagne, soit autour du tiers de leur vie. Mais à Tunis, la vengeance est insatiable et le meurtre une formalité administrative.
    Il est à noter que les grèves de la faim sont devenues l'unique arme dont se servent les détenus pour faire connaître le crime dont ils sont victimes quotidiennement de la part de l'administration pénitentiaire, elle-même exécutant une politique de torture et de mauvais traitement planifiée au plus haut de l'Etat et du RCD, parti au pouvoir, lui-même dirigé par le Général Ben Ali en personne.
    Avec Haroun M'barek, Lotfi Farhati, Mehdi Zougah, pour ne citer que ceux qui sont signalés par leur entourage à l'étranger, il apparaît que le Général Ben Ali a l'intention de poursuivre sur une politique des prisons pleines (de jeunes gens) jusqu'au-delà de 2004, date à laquelle il compte mettre à exécution son deuxième putsch (anti)constitutionnel pour instaurer la présidence à vie.
    Ces sombres perspectives risquent fort de mener le Pays proche vers un avenir incertain, voire périlleux.

    Khaled BEN M'BAREK,
    Coordinateur CIDT



    Mr.BAC MOINS TROIS CONTINUE A SEVIR. IL S'ACHARNE DEPUIS 1993 A DEMOLIR LA VIE ET LA FAMILLE D'UN PROFESSEUR MATHEMATICIEN CELE-BRE. LE DOCTEUR MONCEF BEN SALEM, CHERCHEUR MATHEMATICIEN MONDIALEMENT CONNU, EX-DIRECTEUR DU DEPARTEMENT DE MATHEMATIQUES A L'ECOLE NATIONALE D'INGENIEURS A SFAX, EX-PRISONNIER POLITIQUE (DE 1987 à 1989 ET DE 1990 à AVRIL 1993) LANCE UN APPEL AU SECOURS. IL EST COMDAMNE A VIVRE RECLUS DANS SA MAISON DEPUIS 1993! CE SAKHAROV TUNISIEN EMMURE VIVANT MERITE L'ATTENTION DE TOUS SES COLLEGUES PARTOUT DANS LE MONDE.


    SOS de Pr Moncef
    Ben Salem

    Mesdames, Messieurs,
    J'ai l'honneur de porter à votre connaissance que je suis sous surveillance policière permanente 24h/24h depuis ma libération en avril 1993. Trois brigades assurent à tour de rôle cette surveillance d'une manière systématique. En outre de leurs tâches, elles me privent de toute visite et je ne peux sortir qu'accompagné de deux policiers. Elles tiennent à me maintenir dans l'isolement absolu pour accentuer ma souffrance. Je suis entièrement coupé du monde extérieur, même ma ligne téléphonique est suspendue depuis octobre 1999. Ma famille est par ailleurs privée de toute assistance médicale en cas de besoin. Mes salaires et mes ressources sont également supprimés. L'instance policière tient à me priver de mes droits les plus élémentaires et les plus légitimes. Cette oppression constante s'est répercutée sur mes enfants. Tous les membres de ma famille sont démunis de couverture sociale; aucun ne bénéficie d'assurance maladie, de soins médicaux, de bourse d'études ; personne ne possède de passeport et ne peut avoir un métier ! En outre, environ 60 habitations voisines sont touchées par cette contrainte: elles sont par ailleurs privées des services municipaux (absence d'égouts, de revêtement des rues etc...) et ne sont pas desservies par le facteur des postes. La situation a cependant atteint son comble et est d'avance dramatique. Les Autorités ont dépassé leur pouvoir, je ne suis plus le seul visé, elles ont marginalisé mes enfants qui sont sous estimés dans leur milieu social, ceux-ci ne peuvent pas agir en tant qu'éléments sociaux. Cette persécution pourrait avoir des conséquences déplorables sur leur vie et le droit humain et divin de fonder un foyer est compromis. Cette torture morale et ce cauchemar résultent de la pratique d'un système politique assis sur des fondements contre les principes humains et divins. Le régime tunisien prétend lutter contre le terrorisme "slogan occidental" et pour se plier aux exigences de ses maîtres, il a créé une fausse réalité pour dire qu'il contribue à lutter contre le terrorisme. Alors que la Tunisie est terre de paix, de fraternité, de liberté et de tolérance, c'est le régime actuel qui crée la division nationale et le discorde sous prétexte que le pays est menacé par les intégristes (refrain occidental) pour justifier ses agressions et son oppression.
    Mesdames, Messieurs, j'espère que mon appel sera entendu par les consciences vives pour mettre fin à ces injustices.

    Avec ma reconnaissance
    Pr Moncef Ben Salem





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    RIPOSTE


    Mezri Haddad
    jette le masque

    "Repenti" et rallié aux officines du pouvoir dès le 2e semestre 1998, Mezri Haddad ou plutôt "Merzi" Haddad, ci-devant chercheur en philosophie politique et morale (sic!) a fini par jeter le masque (pour ne pas dire les masques) un an et demi plus tard après avoir tenté, mais en vain, de jouer le rôle de "taupe" et de "balance" sous couvert d'une vacation à l'Université Paris VII-Jussieu, abusivement convertie en "chargé de cours" (cf. Le Monde du 06/02/2001 : "La Tunisie ne vit pas un cauchemar").
    Contraint à un véritable harakiri, "Merzi" Haddad a ainsi commis, coup sur coup, deux articles à tous égards édifiants. Le premier intitulé "De la Tunisie en général et de l'opposition en particulier" est paru dans le très confidentiel "Le nouvel Afrique-Asie" à la demande pressante -bon de commande à l'appui- de l'ATCE (Agence tunisienne de communication extérieure).
    La bave aux lèvres, "Merzi" Haddad tente vainement, usant du mensonge, de l'injure et de la calomnie, de prendre le contre-pied du dossier publié un mois plus tôt par "Jeune Afrique-L'intelligent" et intitulé "Le combat inégal des exilés politiques.
    Une "réponse" d'autant plus surprenante que ce dossier ne le concernait ni de près, ni de loin et qu'il a valu à "Jeune Afrique-L'intelligent" une nouvelle saisie en Tunisie. Après avoir essuyé un refus de publication en réponse dans ce journal, Mezri Haddad s'est en définitive rabattu sur la lettre confidentielle de Simon Malley. Celà nous a permis d'avoir un échantillon d'un ouvrage qu'il annonce comme imminent et qui devrait s'intituler "De la Tunisie en général et de l'opposition en particulier".
    Le second article a été publié sous forme d'une "opinion" dans le quotidien "Le Monde" sur le thème galvaudé du "péril islamiste" comme alibi à la dérive dictatoriale et despotique du régime de Ben Ali.
    Ces deux articles -et en particulier le premier- ont été largement repris par tous les titres de la nébuleuse médiatique contrôlée en Tunisie, par les officines du pouvoir et que Mezri Haddad qualifiait -naguère- de "presse de caniveau".
    Dans une étonnante lettre-confession, datée du 29 janvier 1999, adressée à Khémaïs Chammari et que nous publions intégralement, Mezri assurait qu'il ne "ferait rien de quoi (sa) fille rougirait un jour".
    Deux ans plus tard, ayant tordu le cou aux principes qu'il affichait et ayant jeté le masque, Mezri Haddad n'a aujourd'hui d'autre choix que d'expliquer à sa fille que ... c'est le vent, et non les girouettes, qui tournent.


    L'Audace

    Kamel Jendoubi :

    Pour moi, Mezri Haddad appartient à cette catégorie d'êtres qui pensent être des intellectuels, alors qu'ils ne sont finalement que les chiens de garde de la dictature. Il me rappelle d'anciennes lectures. Par conséquent, à mes yeux, il appartient au passé.
    Ce à quoi je me consacre, c'est aider à construire l'avenir de mon pays et non pas m'interresser à ce passé lamentable.




    RIPOSTE


    Misère de l'intellectuel
    et intellectuel de misère

    Chers compatriotes et amis,

    Le personnage qui a pondu les lignes ci-après ne vous est peut-être pas familier. Je l'ai connu aux temps de la fondation de l'Audace, de notre ami Slim Bagga, vers 1994. Il ne tardera d'ailleurs pas à tenter un putsch journalistique contre son "ami de trente ans", en faisant paraître, avec force publicité, un numéro orphelin de ce qu'il avait appelé "La Voix de l'Audace".
    Aujourd'hui, je m'en veux affreusement d'y avoir contribué au mépris de nombre de conseils de gens qui m'avaient prévenu. J'avais à coeur de ne pas m'impliquer dans la querelle de ce que je considérais comme me deux amis, puisque j'écrivais également dans "L'Audace" historique... Par la suite, j'avais invité Mezri Haddad à la fondation CIDT-Tunisie à Besançon, toujours en ignorant les conseils. Mezri haddad se présentait comme "chercheur en philosophie politique et morale", titre assez rare pour être aussi cocasse que suspect. Avec ses manières affectées et faussement aristocratiques, il ne cessait de coller à la peau du Pr.. Marzouki à chaque fois que ce dernier était de passage à paris. Il se plaignait de ce que l'ambassade et ses officines l'attaquaient sur sa vie privée dans leurs feuilles de choux anonymes et avaient diffusé un document où il était présenté comme un agent du Mossad. C'était réellement le cauchemar pour lui. Et j'étais naturellement porté à me sentir solidaire de lui, malgré les conseils de prudence. Mais surtout, Mezri se plaignait presque d'être affamé, de manquer de l'essentiel...
    C'est certainement là l'explication première de son revirement exprimé dernièrement dans "Afrique-Asie", mensuel pratiquant la prostitution politique dans les mêmes conditions que notre apprenti philosophe (grâce aux publicités du gouvernement de Tunis et de ses semblables). Remarquez qu'il reprend sans aucune intelligence l'essentiel des thèses, des clichés et des stéréotypes de la propagande officielle depuis Bourguiba : "La Tunisie a fait le choix de ..., les trois mille ans d'histoire, l'Algérie-repoussoir, le péril islamiste, le "processus démocratique", "la sécurité contre la liberté" et son antithèse "la nécessité impérieuse du libéralisme", l'ingérence ethnocentriste... Toutes idées qu'il combattait jusqu'à ce lent revirement pendant lequel il m'avait affirmé vouloir "se faire oublier par les Tunisiens et les oublier...". Il répond ainsi à l'image du propagandiste de service tel que brossée par Alfred Sauvy. "Il s'agit d'exalter les sentiments qui dicteront l'attitude souhaitée. Dans ce cas, l'individu est méprisé; le propagandiste s'efforce de faire le moins possible appel à sa réflexion et à sa conscience, mais au contraire de créer en lui des réflexes conditionnés" (L'Opinion publique, PUF, 1956, p.97). Quant aux motifs étayés et solides d'inquiétudes des amis du peuple tunisien qu'il dénigre, notre thuriféraire néophyte ne les a même pas vus, se donnant encore une fois en exemple parfait des thèses d'Alfred Sauvy : "Lorsque les faits sont trop importants pour pouvoir être cachés et que leur présentations est trop délicate, écrit cet analyste de l'animalité politique, le le propagandiste détourne la conversation et porte le débat sur un terrain plus solide (ibid, p. 102).
    Ainsi, il apparaît aujourd'hui ce qu'on ne pouvait déceler à l'époque : une prédisposition de girouette et une propension à suivre les voies qui "mènent"... Un de ses ennemis mortels et contre lequel il me prévenait tout le temps, est devenu "chargé de missions" aux Affaires étrangères, avec les conséquences financières et de "notoriété" que l'on imagine. Alors, pourquoi pas lui ? Car, Mezri est en proie à une ambition dévorante. Il s'estime au-dessus du lot et donc avoir droit à une place au soleil bien à lui, unique, comme lui... C'est ainsi que le monde se métamorphose à ses yeux, que toute pudeur se dissipe et qu'il s'en prend à des alliés du peuple tunisien. L'un des méfaits de la tortiocratie du général Ben Ali est qu'il déleste nombre de Tunisiens de leur honneur, de leur dignité et de "l'eau de leur visage". En l'occurrence ici, il s'agit d'un exemple des plus grotesques, puisqu'il se drape des oripeaux de la science morale avec un pédantisme voyant comme preuve d'érudition. Il tente d'ériger la trahison en dogme. Là-dessus, notre ami Dr Marzouki doit être le plus blessé des Tunisiens, car il va avoir l'impression que l'insignifiant s'est joué de lui. L'honneur des intellectuels tunisiens est meurtri.
    Que tous ceux qui ont connu ce personnage viennent témoigner en vue de faire taire ce nouveau robot programmé par le pouvoir pour porter ses thèses et suppléer la carence totale de ses propagandistes usés !
    Je témoigne pour l'Histoire et pour la dignité de mon peuple. En mon âme et conscience.

    Khaled Ben M'barek





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    MENSONGE VOICI TA VERITE


    Khaled, Khémaïes, Slim ... l'opposition "m'a tuer"

    L'évolution de Mezri Haddad depuis 1995

    C'est Simone de Beauvoir qui, au café du Flore, boulevard St Germain, s'adressait, à l'automne de sa vie, aux nouveaux philosophes en leur disant : "Quand est-ce qu'ils faut vous croire? Quand vous dîtes blanc ou quand vous dîtes noir?" Cette diatribe résume le cas pathétique de Mezri Haddad. Et si je ne lui réponds qu'aujourd'hui, en survolant cette triste histoire, c'est par respect des hommes qui étaient, je le crois et ils le croyaient eux aussi, d'authentiques amis. Certains d'entre aux répondent brièvement au philosophe allié de Ben Ali (voir encadrés). D'autres ont décidé de le traiter par le mépris. En tout cas, je défie quiconque, parmi ceux qu'il présente comme étant ses amis (voir la lettre dans le pure style "lèche-cul" adressée à Khemaïs Chammari) de reconnaître une bribe d'amitié chez ce margoulin allié du tortionnaire.
    Je voudrais juste dans cette présentation, évoquer trois ou quatres vérités irréfutables.
    Un : Mezri Haddad qui se disait, jusqu'en 1995, co-fondateur de "L'Audace" ne l'a jamais été. Et pour cause. Après son alliance avec Noureddine Hafsi de la rue Botzaris (patron à l'époque du RCD et de sa barbouzerie) à travers son ami de toujours l'exécutant des basses oeuvres Sayed Haddaji, il voulut usurper "L'Audace" car il avait promis à ses nouveaux seides de le mettre "sur les rails". Ce fut un cuisant échec.
    Deux : il créa l'éphémère "Voix de l'Audace", comme si "L'Audace", qui a un nez symbole de dignité, avait besoin de voix, d'oreilles, de ... émanant de Mezri Haddad.
    Trois : l'écrivassier que je serais et auquel il s'est attaqué à travers un article commandé, pour ne pas dire commandité, sur les colonnes d'"Afrique-Asie" de février 2001, a toujours été son supérieur hiérarchique. De "Réalités" à "L'Audace", je n'ai fait pendant 12 ans que corriger ses déjections qui ne sont "délicieuses" qu'à ses yeux de Narcisse. Je mets à la disposition de tous les lecteurs les archives de Mezri Haddad, avec leurs fautes de grammaire, d'orthographe et de syntaxe... elles sont de sa main. Ainsi Mezri Haddad, m'écrivit-il par exemple, que je l'avais sorti de "ses gants" (de velours?) au lieu de "gonds". Voilà pour le philosophe qui m'aurait sorti des griffes du pouvoir avant de s'y installer...
    Autre remarque : Mezri Haddad dit avoir été exilé de 1984 à 1989. Et puis de cette date jusqu'à 2000. Faux ! La dernière fois que je l'ai rencontré à Tunis, c'était en juillet 1991à l'hôtel "Le Diplomate" à l'occasion d'une conférence organisée par "Réalités". Je ne pus rester très longtemps avec lui.
    Je reviendrai bien sûr un jour sur ses prétentions mensongères au sujet de Moncef Ben M'rad, Omar Shabou, Jallel Kesraoui à l'occasion d'autres témoignages pour rappeler à l'opinion publique la vérité plutôt que ses turpitudes.
    Reste sa fille Sophia à laquelle il fait référence dans la lettre adressée à Khemaïs Chammari, en affirmant telle une girouette qu'il espérait que sa fille n'ait pas à avoir un jour honte de son père. Il faut savoir qu'un tel espoir, très noble par ailleurs, doit se mériter. Car quand Sophia lira ce qu'écrit son père sur "Afrique-Asie" et ce qu'il narre sur la radio "Africa n¡1", elle en rougira assurément.
    Que Mezri Haddad sache enfin qu'il ne suffit pas d'annoner Montesquieu et Rousseau, Aristote, Platon et Socrate pour accéder à l'Universel. Mezri Haddad ne fut qu'un pigiste à "Réalités", qu'un subalterne à "L'Audace". Il faut cependant lui reconnaître qu'il fut co-fondateur des "Masques". Alors hue... la barbe !
    Et s'il le veut, la suite dans un prochain numéro. Car comme il le dit lui-même, ce samaritain si peu philantrope : "Il faut bien que la vérité surgisse un jour".

    Son supérieur hiérarchique
    Slim Bagga


    Quand Mezri Haddad n'était pas un nègre au service de Carthage...
    il écrivait sur les colonnes de "l'Audace" :

    Lettre ouverte
    d'un agent de renseignement
    à son supérieur hiérarchique

    "Cher Collègue",
    Stimulé par un petit paquet de billets verts que venait de lui remettre un de vos hauts responsables à Tunis en guise de Zakat sur le blanchiment de l'argent sale, motivé par une lettre de multi-accréditation signée par votre serf chargé de la propagande, M. Fethi Houidi, excité par un de vos proches collaborateurs, M. Abdelwahab Abdallah, ex-collabo de l'ancienne gérontocratie qui a su renier à temps la sacro-sainte religion bourguibienne pour se mettre au service de la nouvelle idole, aiguillonné par votre ministre d'Etat chargé de la répression des citoyens probes -celui que vous venez de limoger- et de la couverture des affaires mafieuses menées par les excréments de la société tunisienne qui constituent l'épine dorsale de votre système politique (lors d'une réunion tenue à Paris le 7 décembre dernier, M. Abdallah Kallel avait publiquement cité, pour exemple, le nom du nervi en question), briefé par une cohorte de gouapes et de coquins basés en France pour défendre votre régime car, en effet, celui-ci a besoin d'être défendu... une vermine a récemment débarqué à Paris pour nous couvrir de basses calomnies et accuser les exilés de tous les péchés d'Israël.
    Pour être tout à fait sincère avec vous, je n'ai pas beaucoup réfléchi avant de vous écrire la présente missive. J'en ai à vrai dire pas eu le temps tellement je suis submergé par les activités dont vos minables sbires viennent de m'accuser (agent du Mossad, de la DST, agent irakien, agent koweitien...). Vous savez mieux que moi, "cher collègue", que le métier ingrat que nous exerçons depuis des décennies ne nous laisse guère le temps à la réflexion. Après une journée de travail épuisante, le peu de temps qui vous reste, vous le consacrez à l'écoute d'Oum Kalthoum et au bricolage d'appareils électroniques (nous le savons grâce au film qui vous a été consacré par la RTT le 8 novembre 1988). Je consacre le mien à d'interminables dialogues avec Anaximandre, Xénophane Parménide, Zénon, Gorgias, Socrate, Platon, Aristote... On dit que le soir, une fois installé dans mon somptueux "5-pièces", je parle tout seul. En réalité, c'est avec les esprits de ces augustes et légendaires personnages que j'entame des dialogues aux enfers qui me donnent une plénitude et des satisfactions éminemment supérieures à la jouissance de la vanité triomphante et au plaisir orgastique que vous procure l'exercice du pouvoir. Ne perdez pas votre temps précieux à chercher dans vos souvenirs et ne dérangez surtout pas votre réminiscence, les noms que je viens de citer ne vous disent rien, absolument rien. Il ne s'agit point de nos illustres ancêtres en matière de renseignements mais de quelques philosophes de l'antiquité grecque qui avaient passé leur vie à méditer sur Dieu, les hommes, la Cité, la Justice, la Liberté... Ce sont les dignes protagonistes d'un monde intelligible auquel ne peuvent prétendre et accéder que des initiés... non pas aux pratiques d'une Loge quelconque, mais tout simplement à la philosophie.
    Au départ, je m'étais résolu à ne pas répondre aux persiflages de ce personnage folklorique qui est le prototype même de la politicaillerie tunisienne. Dans ce genre de situation, l'élévation, l'indifférence et le silence sont la meilleure réponse. Ce n'est que par la suite, me rendant compte de la gravité d'un phénomène nouveau charrié par votre Régence que j'ai décidé de réagir. Il s'agit d'un phénomène qui consiste à banaliser le Mal en faisant de l'un le multiple et de l'exceptionnel, le général. Dans ce processus de transfiguration et de propagation insidieuse du vice, celui-ci finit par faire tâche d'huile. Ainsi, le trafiquant de drogue -par exemple- n'est plus cet être infâme et détestable qu'abhorrent les gens honnêtes mais un homme d'affaires respectable et utile à l'économie de sa nation. Il n'est plus la honte de son peuple mais la fierté de la plèbe, voire la figure emblématique de la réussite sociale et, par conséquent, l'exemple même à suivre. Il n'est plus la mauvaise herbe à extirper, mais la bonne graine à semer. La corruption du caractère de chaque individu devient monstrueuse à partir de l'instant où l'honnêteté fait courir un péril mortel puisque l'on a jeté aux orties les règles du jeu fondamentales, puisque l'on donne à la trahison le nom de fidélité, au mensonge celui de vérité, puisque l'on a fait du déshonneur l'honneur référentiel.
    C'est le phénomène inverse qui touche "notre" métier si cruel, si ingrat (l'espionnage) que les imbéciles prennent pour de la trahison. Ces crédules ignorent manifestement les grands services que "nous" rendons, certes pas à nos peuples mais tout de même aux grandes puissances qui nous protègent. Depuis quand stigmatise-t-on une profession si vitale à la survie de certains régimes y compris le vôtre? Depuis quand dénonce-t-on les collègues ? Un agent découvert est par définition un homme fini et vous le savez mieux que moi. Alors, est-ce par négligence et précipitation que vous avez décidé de lâcher vos chiens contre nous ou tout simplement par conformisme au diction tunisien qui dit : "Celui qui fait le même métier que toi est ton ennemi" ?
    Je pense, "cher collègue", qu'après le coup monté contre M. Lamari Daly -haut fonctionnaire aux Affaires étrangères- injustement accusé et jugé pour espionnage parce qu'il a eu le courage de vous exprimer dans une lettre son inquiétude, face à "la militarisation du corps diplomatique", après le lynchage de Mohamed Ali Mahjoubi (connu sous le pseudonyme de Chedli Hammi) désigné comme "agent du Mossad", après la cabale et l'ignoble croisade menée contre Ahmed Bennour, autre "agent du Mossad" et la classification de Taïeb Zaher parmi les "Sabbaba", "Agent à l'ambassade de France"... Je pense que ça en fait trop. Les "agents" sont peut-être nombreux à sillonner dans la capitale depuis que vous avez empoché la République mais les dénoncer, c'est faillir à notre déontologie et manquer aux règles très strictes de "notre" métier. Arrêtez donc l'hémorragie et, de grâce, soyez un peu plus indulgent à l'égard de vos collègues ne serait-ce que par corporatisme.
    Maintenant que le mal est fait -je suis découvert-, j'espère que la carrière que j'envisage de mener (enseignant à la faculté) n'en souffrira pas trop. L'espoir fait vivre dit-on. Après tout, on a vu dans l'Histoire certains agents -Noriega pour ne prendre que cet exemple- devenir présidents. "Trahison jamais ne prospère" a écrit un poète anglais. Pourquoi? Parce que si elle prospérait, on ne la nommerait jamais Trahison !
    Je vous prie de croire, cher "collège", à l'expression de mes sentiments très déférents.

    "L'agent Z.B.H. n°421.79"
    "L'Audace", n°12, mars 1995



    Gif, le 5 mai 1997
    Cher Slim,
    Ce qui s'est passé samedi dernier, je le regrette profondément. Une fois de plus, tu m'as fait sortir de mes gants en m'accusant d'infamie sans aucune autre preuve que les propres mensonges d'un être infâme. C'était juste ce qu'il fallait pour faire éclater ma colère. Celle-ci germait depuis quelques jours et se nourrissait de tes allusions/accusatons/injures, répétitives au téléphone et dans les cafés, auprès de gens qui n'ont de parole coranique que : "est-il possible que l'un d'entre vous puisse manger la chair de son frère une fois décédé"? (ndlr: traduction de la rédaction)
    Que tu sois insensible à cette phrase, cela n'a rien d'étonnant: tu ne crois pas en Dieu et tu revendiques ton incroyance. Que ceux qui t'écoutent attentivement se laissent prendre dans ce jeu malsain dont tu connais parfaitement le secret, voilà qui confirme une intuition déjà vieille : ces gens là n'ont rien compris ni au Coran ni au "Prince" de Machiavel.
    Comme elle est bizarre la vie? Voilà Slim Bagga le journalist sportif, utilitairement consacré aux faits divers et dont j'ai fait un journaliste engagé, rebel à l'injustice... qui aujourd'hui m'accuse de maneouvres aussi abjectes qu'absurdes! Cette attitude est révélatrice d'un processus psychologique, je devrais dire psychanalytique très simple : s'accrocher tout en la diffusant à une suspicion vite transformée en conviction, afin de s'autolibérer d'une culpabilité qui, sans doute, pèse sporadiquement sur ta conscience. Cette culpabilité est la suivante : voilà un homme (moi) qui m'a aidé, qui est à l'origine d'une saine contagion (la passion pour la liberté et la justice) et qui pourtant, je n'ai pas cessé de porter les plus bas (et je ne dis pas mortels) coups (...) C'est probablement l' "amitié" qui explique tes agissements détestables! Je te l'ai déjà dit, à partir d'un certain moment, je n'ai vu et je ne vois aucune différence entre toi, Haddaji, Bacharoui et à un moindre degré, Rabhi... Tes coups-bas, si je devais en établir la liste exhaustive, il me faudrait plus de deux pages. Pour te rafraîchir la mémoire, je n'en recense que celles-ci : Ali Daldoul et les "Bnedek" (ndlr boulettes de viande), Mongia mon ex-amie et ta délation en public et en ma présence, (...) "Les Masques" qui porteraient mon masque, ma stérilité et ta fertilité (discussion avec tes chers amis les flics tunisiens sur l'intimité de ton "ami"), (...) etc. Tu remarqueras que je ne m'en tiens ici qu'aux cinq dernières années. Je ne parlerai pas de ce que tu racontes quotidiennement aux islamistes, ces candides que tu abuses, ni des historiettes que tu soumets aux oreilles bien fines des renseignements français. Même si cela me dégoûte, je ne parle pas non plus du crime que tu as commis contre l'honneur d'un homme floué par ta générosité, ni de l'incendie chimérique produit chez toi et par tes soins.
    Toutes ces bassesses, mon cher Slim, m'ont considérablement éloigné de toi. Je ne chercherai point à me venger, Dieu se chargera de toi. Quant à ta nuissance, je ne la redoute pas du tout. Je ne crains pas l'activité où tu excelles : la délation / désinformation auprès de la trinité flics tunisiens / flics français / Islamistes. Ces trois centres névragliques de ton existence, je ne les crains pas du tout. Je ne crains que Dieu le Tout-Puissant. Mais prend garde, n'exagère pas dans la méchanceté que tu me réserves. Si je ne crains que Dieu, cela pourrait signifier que je ne redoute pas la justice des hommes ! Tu as compris. Je te conseille donc de m'effacer définitivement de ta mémoire.
    Ainsi se séparent nos chemins. Et pourtant tout allait bien lorsque tu m'avais rendu visite la dernière fois. Je t'avais promis de réintégrer la maison ("L'Audace") à la construction de laquelle j'avais principalement participé. Toi, le manipulateur, tu t'ai laissé manipuler par Rabhi et compagnie. Tant pis. Et détrompe-toi, je ne suis pas et je ne serai jamais politiquement isolé. Je sais où je vais parce que, contrairement à toi, je sais d'où je viens. La politique, je ne la fais plus. Désormais, je la pense. A toi et à tes semblables de la pratiquer.
    Une dernière chose, ma phrase "je suis Dieu" parce que tu es un incurable vicieux, tu l'as entendu et tu as laissé entendre à ceux que tu fréquentes en attendant de les trahir, comme une phrase hérétique. A toi et à ceux auxquels tu as été servilement la répéter, il vous faut des années pour comprendre son sens profondément croyant, intrinsèquement mystique. Je te recommande la lecture bénéfique d'un Ibn Arabî.
    Je n'ai plus rien d'autre à te dire, excepté une précision: même dans sa brutale franchise, la présente lettre ne recèle aucune haine ni le moindre sentiment de vengeance. Elle n'exprime que mon ressentiment et de la compasison pour toi... malgré tout.

    A Dieu
    Mezri Haddad


    La lettre-confession de Mezri Haddad

    La prose de "Merzi" Haddad se passe de commentaires. Ses attaques indignes ne méritent pas d'autre réponse que le mépris mais peut-être n'est-il pas inutile de prendre connaissance de la lettre-confession qu'il m'a adressée le 29 janvier 1999. C'est consternant et édifiant.

    Khémaïs Chammari



    Paris, le 29 janvier 1999

    Cher compatriote,
    "Je suis déçu" me disiez-vous il y a quelques jours. Je le suis autant que vous. Nos déceptions réciproques n'ont cependant pas les mêmes causes. Vous, vous êtes déçu parce que vous avez cru que l'homme que je suis vous a dissimulé l'identité de la personne qui a commis le crime de m'indiquer votre numéro de téléphone. Moi, je suis déçu, écoeuré même, parce que j'avais pensé qu'avec votre expérience politique, votre vivacité intellectuelle et votre sensibilité morale, vous alliez retenir -de notre rencontre- l'essentiel en faisant abstraction du subsidiaire, de l'insignifiant même : le nom de la personne qui m'a révélé votre téléphone. Tout cela, parce que Slim Bagga vous a juré, je suppose sur la tête de sa fille, sur la mémoire de sa pauvre mère, sur sa propre santé ... (je connais par coeur sa chanson) qu'il est innocent et qu'il n'a jamais donné votre numéro à personne. Il serait dégradant pour moi d'essayer ici de vous convaincre du contraire; autrement dit, de vous persuader que l'autre jour je ne vous ai dit que la stricte vérité. Dégradant, car -je viens de le dire- cette histoire est insignifiante, elle est typiquement tunisienne. En outre, je ne tiens vraiment pas à me mettre en position de contradicteur, encore moins de rival face à cet homme détestable et répugnant. Qui dit rivalité dit enjeux et intérêts à défendre. Or il se trouve que je n'ai absolument aucun intérêt hormis le souhait de voir les membres de ma famille intellectuelle et idéologique, tous les membres de cette famille qu'un destin cruel a conjoncturellement séparé, de les voir, enfin, réconciliés pour former ce que j'avais, il y a déjà quelques années, appelé la troisième voie. Je n'ai donc pas, comme Slim, à usurper votre confiance, à squatter votre amitié pour jouer un rôle aussi néfaste et pernicieux, quoiqu'encore invisible aux yeux de certains opposants (dans mon livre, je ferai quelques délicieuses révélations à ce sujet). La confiance et l'amitié se méritent avec le temps et les épreuves que celui-ci nous inflige inexorablement. Je n'ai pas à enlever ce doute que Slim a magistralement réussi à introduire dans votre esprit. Je ne peux que le déplacer. Comme je viens de le lui rappeler dans une lettre, il y a un domaine dans lequel Slim est imbattable : l'hypocrisie et le mensonge. A ses deux grandes "qualités" se greffe l'ingratitude. En 1992, Moncef Ben M'rad -et avant lui Omar S'habou et Jalel Kasraoui- (ndlr: ?) m'avaient mis en garde mais je ne les ai pas écouté. Comme il se comporte actuellement avec vous, il a eu exactement la même attitude à mon égard. C'est ainsi que je suis tombé dans le piège préalablement conçu par les Services tunisiens. C'est ainsi que je l'ai arraché à Botzaris (le RCD) où il a travaillé durant plus de neuf mois, pour le placer au coeur même de l'opposition en lui présentant M. Mokni, M. Mzali, A. Bennour, A. Ben Salah, etc... Bref, je ne viendrai pas insulter votre intelligence et votre expérience des hommes en vous conseillant la méfiance, l'extrême vigilance vis-à-vis de Slim Bagga. Vous le découvrirez vous-même et je suis persuadé que vous mettriez beaucoup moins de temps que moi pour déceler sa vraie nature et cerner sa véritable psychologie (...)
    Slim a préféré nier et mentir. En celà, il est un produit parfait de notre malheureuse et affligeante société. D'ailleurs, permettez-moi d'y insister un moment, je ne vous ai révélé le nom de la personne qui m'a donné votre téléphone qu'une fois assuré et rassuré que vous ne le lui reprocherez pas. Malgré ce qu'il dit aujourd'hui à ceux qui veulent bien l'entendre, je suis certain que vous ne lui avez fait aucun reproche. Mais, que voulez-vous, le mensonge est chez lui une technique de persuasion, voir même une "éthique".
    Avant de terminer cette lettre qu'un malheureux concours de circonstances impose, je tiens à vous avouer mes regrets : je n'aurai jamais dû passer par Slim pour rétablir le contact avec vous. Je n'avais cependant pas le choix. Après de multiples tentatives (...) j'aurai dû tirer des conclusions définitives en interprétant comme il se devait votre silence et votre indifférence. En d'autres termes, si les messages que je vous ai fait parvenir (...)- n'ont suscité chez vous aucune réaction, j'aurai dû avoir la dignité de laisser tomber. Mon insistance exprimait bien ma modestie, ma bienveillance et ma démarche constructive. Il était en outre extrêmement important pour moi de vous revoir, d'entendre votre version sur certains faits politiques en touchant à l'histoire récente de la LTDH et du MDS. C'était pour moi une façon de m'assurer que, dans ce que je suis en train d'écrire, il ne se glisse rien d'injuste, de subjectif ou de faux. Il n'y va pas seulement de l'honneur des protagonistes (vous-même, mon ami et frère des mauvais jours Moncef, mon ami Mustapha, Zmerli, Bouderballa, Khalfalah, Boulahya, etc... mais également de ma crédibilité en tant que militant de la première heure et en tant que libre penseur.
    Je termine en vous disant que je ne vous tiens pas du tout rancune après ces longs mois de mutisme et d'indifférence. Je comprends votre attitude surtout après toutes les saloperies et toutes les calomnies qu'on vous a raconté à mon sujet. Je comprends également les auteurs et les vecteurs de toutes ces infamies, je les comprends autant que je les méprise. Je ne saurai, aussi, vous tenir rancune après que vous m'ayez, implicitement soupconné de mensonge. La Vérité finira tôt ou tard par surgir... Je voudrai, enfin, saisir l'occasion pourvous rassurer sur quelque chose qui semblait vous inquiéter : mes rapports avec le régime. J'ai certes pris mes distances avec certaines fractions du microcosme parisien. Mais ce qui me sépare de ce microcosme gangréné et stérile ne me rapproche pas pour autant d'un pouvoir autocratique, infecté et assiégé par des oligarchies corrompues et sans scrupules. Ma nature frugale, mon mépris des richesses et des honneurs -mépris que je tiens de mon vieux père communiste- m'immunise de la tentation. J'ai tenu le coup durant des années nonobstant la misère et les persécutions. Avec le RMI que la France, dans toute sa générosité, me donne, je suis en mesure de résister encore plusieus années. Ma devise est désormais la suivante : ni complaisance à l'égard des islamistes, ni compromission avec le régime. Mon seul changement, je le résume ainsi : dans l'oppositon, j'étais un Kamikaze, maintenant je suis un opposant mesuré et modéré comme d'ailleurs la plupart des opposants. Avant, je refusais tout contact avec les représenants de ce pouvoir ; maintenant, je me sentirai beaucoup plus à l'aise à discuter avec mes adversaires qu'à discutailler avec des hypocrites qui se font passer pour des amis. Ceux qui glosent sur mon retour en Tunisie feraient mieux de balayer devant leur porte. Si la France me refuse encore le travail que je mérite d'exercer et pour lequel mes diplômes de philosophie et de sociologie me destinent, ça n'est pas vers la Tunisie que je compte me tourner mais vers le Canada. J'y emmenerai ma famille et j'y croiserai peut-être mon destin.
    Vous voyez donc, cher Khémaïs, que malgré les déceptions que j'ai dû essuyer dans mes relations avec certains opposants, malgré l'ingratitude des uns et l'hypocrisie des autres, malgré la précarité de ma situation financière, malgré ce qu'on a été raconter à la FIDH, à Amnesty... pour me discréditer, malgré l'ostracisme bête et méchant que je continue à subir de la part de vos amis K. Jendoubi, Cherbib et compagnie, malgré les calomnies odieuses que des esprits leucémiques, des langues vénimeuses, des gens fielleux et jaloux de ma plume, poursuivent contre moi... malgré tout cela, mes convictions n'ont pas bougé d'un iota. J'ai heureusement, encore quelques amis qui me comprennent et me soutiennent: M. Marzouki, M. Ben Jaffar, M. Masmoudi, M. Mzali, M. Sayah, T. BelKhodja, A. Bennour, H. Djait, M. Talbi... et H. Mokni malgré tout.
    Quant au régime tunisien, je n'ai pas normalisé mes relations avec lui. J'ai tout juste stabilisé des relations qui étaient extrêmement et radicalement conflictuelles. Après la naissance de Sophia, je pense -il est vrai- beaucoup plus à l'avenir de ma fille qu'à la destinée d'un peuple ataviquement prédisposé à la servitude volontaire comme disait La Boétie. Mais en mon âme et conscience, je ne ferai rien de quoi ma fille rougirai un jour. A sa génération, elle dira qu'elle a eu un père libre, fidèle à ses convictions démocratiques et peut-être mort en exil.
    En vous souhaitant, à vous et aux vôtres la bonne santé, la paix de l'esprit et la joie du coeur, je vous prie de croire à mes sentiments authentiquement fraternelles.

    Mezri Haddad



    (ndlr: Tout ce qui est souligné dans ce dossier relève de la démonstration à nos lecteurs que c'est ainsi que Mezri écrit. Nous avons laissé sciemment transparaitre ses fautes d'orthographe pour que les étudiants du philosophe-sociologue de Paris VII aient une idée sur celui qui les enseigne. Ainsi que Ben Ali d'ailleurs. Mais celui-là n'est-il pas un inculte du propre aveu de Mezri Haddad.)



    Moncef Marzouki :
    Prendre le bateau au moment
    où il prend l'eau de toutes parts :
    quel gâchis...




    Habib Mokni :
    " Mezri Haddad était plutôt un compagnon
    de route dans la résistance contre la dictature.
    Il voulait incarner le rôle du héros
    de cette résistance.
    Mais son étoffe l'a trahie.
    Alors il abdiqua et succomba au dégôut.
    Arrivera-t-il à survivre à la honte ?
    Ne serait-ce que pour sa fille...




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    LA PLUME DÉCHAINÉE


    Correspondances entre l'homme le plus recherché
    de Tunisie et Taoufik Ben Brik

    par Hamma Hammami


    Quelque part en Tunisie, été 2000
    De Hamma Hammami à Taoufik Ben Brik

    Cher Taoufik,
    Je suis ravi de t'écrire. J'espère que ton état de santé s'améliore, après ta grande "épopée" qui a fait bouger beaucoup de choses. Profite bien de ton séjour à Paris. Reprends ton souffle et reviens-nous car tous les amis t'attendent pour continuer ce qui a déjà été entamé. Je t'envoie ce que tu m'as demandé. J'espère que cela répondra à ton attente.

    Chronique d'un évadé de l'Alcatraz tunisien

    Je ne pourrais jamais oublier le geste de plusieurs amis (hommes et femmes) qui, dès que je suis entré en clandestinité, ont exprimé leur prédisposition à m'accueillir chez eux, faisant fi des représailles qui les attendaient au cas où je serais arrêté (torture, emprisonnement, licenciement, etc). Ces amis ne sont pas tous des militants ou des opposants à la dictature policière de Ben Ali. Parfois, ce sont de simples gens, de milieu populaire, mais honnêtes et opposés à l'injustice et à la répression. Leur geste m'a fait découvrir, une fois de plus, à quel point cette dictature est haïe par le peuple, à quel point elle est faible et fragile.
    Ma grande joie, c'est lorsque je débarque dans une maison et que j'y découvre des enfants. Très vite, nous devenons amis. Intuitivement, ils comprennent qu'un danger me guette. Du coup, ils deviennent mes protecteurs et complices. Ils sont contents de garder le secret, même à leurs grands-mères et grands-pères.
    Je dois te dire que tous les amis chez qui j'ai séjourné ont tout fait pour moi et ont consenti beaucoup de sacrifices pour que je me sente à l'aise chez eux, pour que je ne manque de rien. Quant à moi, j'ai essayé, et j'essaie toujours d'être le moins encombrant possible. Je fais de mon mieux pour au moins aider les personnes qui m'accueillent à résoudre certains problèmes de leur vie quotidienne. Ce qui fait mon bonheur, c'est lorsque mes amis rentrent et trouvent le ménage fait, la maison bien rangée et bien propre et les enfants en pleine forme.
    J'ai toujours aimé apprendre à préparer les plats spécifiques de chaque région de la Tunisie. Ainsi, chaque fois que je suis de passage dans une famille, je suis attentif à ce qu'elle prépare. Je suis fier maintenant de pouvoir préparer le couscous de douze ou quinze manières différentes, selon les régions, les traditions et les milieux sociaux. Tu sais, je ne vis pas vraiment isolé de la réalité tunisienne. La vie est devenue très chère. Il n'est plus donné à n'importe qui, même pour ce qu'on appelle la classe moyenne, d'assurer une ration de viande chaque jour ou de manger un fruit à chaque repas.
    Le temps ne pèse pas beaucoup sur moi. Parfois, je souhaite que la journée s'allonge pourque je puisse terminer ce que j'avais à faire. Vivre dans la clandestinité, ce n'est pas se cacher pour ne pas être arrêté, mais c'est se donner les moyens pour continuer la lutte dans un pays gouverné par une dictature policière. Ainsi, mon temps est organisé de la façon suivante : je consacre entre neuf à dix heures par jour à mes occupations politiques et intellectuelles. Je dors six à sept heures et le reste, je le consacre à faire la cuisine, ranger et nettoyer la maison, m'occuper des enfants, quand je suis dans une famille, et lire. Je ne regarde pas souvent la télé parce qu'il n'y a rien à voir. Même pas des matchs de football, car le foot et le sport en général, sont malheureusement atteints par la gangrène mafieuse. Certains dirigeants proches du Palais ont tout pourri : racket d'argent auprès des privés et des sociétés d'Etat, main basse sur les meilleurs joueurs des petits clubs, manipulation du calendrier, corruption des arbitres, etc. Bref, cela ne donne plus envie de suivre les actualités sportives.
    Outre mes lectures politiques (journaux, revues, livres), je suis un grand amateur de littérature et d'histoire. Car il ne faut pas oublier que j'étais professeur de littérature et de civilisation arabo-musulmane. Mes amis me procurent tout. D'ailleurs, je viens de terminer la lecture d'"Alkobs-al-Hafi", un roman autobiographique du Marocain Muhammad Choukri et du roman "Dhakirat al-jasad" (mémoire du corps) de l'Algérienne Leila Mostaganmi. Mais je dois t'avouer qu'il y a un roman que je relis souvent. Il s'agit du "Vieil homme et la mer" d'Ernest Hemingway. Je suis fasciné par le héros (the old man) et cette épopée américaine. Je me rappelle toujours de cette réflexion qu'il a faîte à un moment crucial de cette épopée : "Man is not made for defeat. A man can be destroed, but not defeated" (L'être n'est pas fait pour être vaincu. Il peut être détruit mais pas vaincu"). Abou Nawâs, al-Maâri, al-Mûtanabbi, al-Sayyab, al-Bayati, Nazim Hikmet, Pablo Neruda, Paul Eluard, Federico Garcia-Lorca et beaucoup d'autres poètes sont mes compagnons de tous les instants. A n'importe quel moment du jour ou de la nuit, j'ouvre un recueil de poési e t je plonge, errant dans le monde particulier de tel ou tel poète. Franchement, à l'heure actuelle, il n'y a pas grand-chose à lire en Tunisie. La littérature et l'art tunisiens n'ont jamais été aussi coupés des réalités tunisienes, des réalités du pays et du peuple, qu'au cours des dix derières années. Dans les années 60,70,80, les écrivains, les poètes, les gens de théâtre, les cinéastes, les troupes musicales et les peintres étaient plus ou moins impliqués dans les luttes populaires et exprimaient à leur façon et avec les moyens dont ils disposaient, les aspirations des différentes classes et couches sociales. A l'heure actuelle, c'est la désertification culturelle totale. La dictature sévit comme dans tous les autres domaines de la vie, utilisant soit l'arme de la répression, soit celle de la corruption. Rares sont ceux qui ont pu préserver leur dignité et sauver l'honneur de leurs âmes. Le profil de l'intellectuel, de l'écrivain, de l'acteur, du cinéaste et du chanteur de "l'ère nouvelle" est semblable à celui du journaliste, c'est le propagandiste-indicateur. Il doit courtiser l'autocrate et surveiller ses pairs. C'est "la chute dans le royaume de la contre-façon et du factice" comme l'a bien exprimé le romancier algérien Tahar Wattar, dans une intervention sur la littérature tunisienne d'aujourd'hui. Les quelques voix discordantes dans tous les domaines culturels sont totalement boycottées par les médias.
    Sans aucun doute, mes filles souffrent beaucoup. Tout d'abord parce que nous n'avons pas pu vivre beaucoup de temps ensemble. Prends Ousseima, elle a maintenant douze ans. Nous n'avons vécu ensemble que pendant cinq ans. Quant à la petite Sarah qui éteindra, le 18 juin, sa première bougie, je ne l'ai jamais vue. Elles souffrent aussi parce que, filles d'opposant politique et de militante des droits de l'homme, elles sont surveillées et harceées continuellement par la police politique. Ce qui me console, cependant, c'est que, d'une part, elles ont une mère exceptionnelle et que, d'autre part, leur souffrance les a rendues très tôt conscientes des problèmes de leur pays et de leur société (je parle ici de Nadia, 17 ans, et d'Ousseima). Lorsque Ben Ali ou l'un de ses courtisans parle de "l'enfance heureuse de l'ère nouvelle", mes filles les couvrent d'injures. Evidemment, elles ne sont pas les seules à souffrir. Des milliers d'enfants de prisonniers politiques, d'exilés, d'opposants et de militants des droits de l'homme vivent dans la même situation. La dictature benaliste est un enfer pour tous, tant pour les adultes que pour les enfants.
    Des années que j'ai passées en prison, un fait qui peut paraître anecdotique est resté gravé dans ma mémoire. C'était en janvier 1992. Je venais d'être arrêté et incarcéré à la prison civile de Tunis. Etant un habitué de la maison, j'ai demandé à d'anciens détenus ce qui avait changé depuis ma dernière libération. On m'a appris, entre autre, qu'un gardien au grade de sergent-chef a été nommé officiellement comme le nouveau bourreau de toute la Tunisie. Il faut savoir qu'un bourreau reçoit entre 20 et 50 kg de farine à chaque pendaison. On m'a appris également qu'il s'occupe quotidiennent de la fouille des détenus qui reçoivent la visite de leurs avocats. Le lendemain, j'ai reçu la visite de l'un de mes avocats et je me suis trouvé face à ce nouveau bourreau. On s'est tout de suite reconnu. Instantanément, ses yeux se sont fixés sur mon cou. Il l'a prospecté avec beaucoup d'intérêt. Il a certainement imaginé la corde autour. Un frisson a parcouru mon corps, et je n'ai pas pu me retenir d'éclater d'un rire nerveux. A sa question sur les raisons de ma réaction, je lui ai répondu qu'il m'avait chatouillé en passant ses mains sous mes aisselles.
    Combien de temsp je pense tenir dans cette situation? Une éternité s'il le faut. Tu dois savoir qu'il s'agit pour moi d'une conviction. La vie d'un être humain n'est-elle pas quelque chose de précieux? Alors, à quoi bon la gâcher dans des futilités ? Ne vaut-il pas mieux la consacrer à quelque chose de noble, tel que la cause de la liberté, de la justice sociale et du progrès? Cela importe peu, pour moi, que ce but soit atteint de mon vivant. L'essentiel, c'est de participer autant que possible à lui frayer un chemin. Certes, tu dois te rappeler des vers du célèbre proéte turc, Nazim Hikmet :

    Si je ne brûle pas
    Si tu ne brûles pas
    Si nous ne brûlons pas
    Qui illuminera la voie?

    Néanmoins, je suis convaincu que la victoire sur la dictature bénaliste n'est pas difficile car elle n'est pas aussi forte qu'on le croit.

    Avec mes amitiés
    Hamma Hammami





    On lui en veut d'être fugitif.


    Une irrésistible démangeaison d'irrévérence s'empare de quiconque se dispose à discourir de hamma Hmmami, leader du parti communiste ourier tunisien (PCOT), en cavale depuis le 27 février 1998.
    En raison de la démesure de sa situation de fugitif et du soupçon qu'ils ont qu'il ne fût fait "héros" qu'à partir de cette stature, Hamma suscite la hargne du microscome. Cet homme qui n'a pour lui,disent-ils, que d'être si l'onveut hors la loi, les transforme tous en poules mouillées.
    Quand apparaît une interview de lui, ou qu'un de ses brûlots circule sous le manteau, les contestataires éprouvent de la gêne de voir leur sexe nu. Car si les autres leaders du microcosme avaient un sexe, Hamma en serait l'obscène échantillon agrandi.
    Nos fines bouches font mine de trouver à Mustapha Ben Jaâffar, leader fu forum démocratique (parti non reconnu), l'autre balance du microcosme, plus de poids, plus de charisme et des mases d'adhérents (sic) ; afin que leur bonne foi ne soit pas mise en dote et que, tout décompte d'apothicaire à part, elles aient l'air, en la matière, de n'avoir d'autre souci que le redresement des volontés collectives. Ainsi Mustapha Ben Jaâffar bénéficie de ce genre de suffrages qui s'abattent, dans un système cohérent, sur un élément voisin qu'ondénigre. Par exemple, il est de mise que tel quidéclare ne pas être d'accord avec Hamma Hammai, ajoute aussitôt : "Mais quel téméraire !" Dans une lettre qu'il m'a adressée, Hamma me parle du "temps qui ne pèse pas?", du "pain nu" du romancier marocain Mohamed Chokri et de "couscous aux fêves sèches" pour gaver les affamés.
    "Moi, j'irai au manège, toi tu restes enfermé".

    Taoufik Ben Brik





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    Lisez
    "El Jour'a "
    "L'Audace " dans son arabe
    16 pages
    n°1 - Février 2001
    15 F en kiosque





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