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N°60 - Février 2000

Sommaire



Editorial
Mieux vaut le dire
Carte sur table avec Rached Ghannouchi
Interview avec Daniel Mermet
Idriss Nouinoui, un jeune idéaliste dans les prisons de Ben Ali
Incidents en Tunisie
Complotite contre "L'Audace"
Plume déchaînée







Editorial

Ben Ali : "J'y suis, j'y reste"

Disons-le sans ambages : le Général Ben Ali n'a aucunement l'intention de quitter le pouvoir à la fin de son troisième mandat, en 2004. Et, entre temps, laSlim.jpg (28562 octets) démocratisation de la vie publique, la libération des milliers de prisonniers d'opinion, la traduction devant la justice de son entourage corrompu, sont des idées qui ne lui ont jamais effleuré l'esprit. Tout au plus, au cours de ce mandat, continuera-t-il à agir comme à son habitude, de mensonge en diversion, en continuant à imposer sa chape de plomb sur les Tunisiens. Ceux-ci sont aujourd'hui avertis de ce dont ils se doutaient déjà, à savoir le maintien de Ben Ali au pouvoir par voie référendaire au delà de 2004.
Des sources éminemment informées en Tunisie viennent de nous faire savoir que ce projet de référendum est déjà bouclé et soigneusement rangé dans quelque tiroir du Palais de Carthage. Dans deux ans exactement, les observateurs verront défiler dans les rues des manifestations dûment organisées dont les slogans appelleront Ben Ali à la présidence à vie. Ce n'est qu'alors - devant tant d'insistance d'un peuple reconnaissant - que l'artisan du changement montera au créneau pour rappeler que la présidence à vie a été abolie en Tunisie, mais que face à une demande populaire si pressante, il ne pourrait se dérober, laissant le peuple orphelin, et accepterait un seul autre mandat en priant "Dieu le tout puissant de lui permettre de l'exercer jusqu'à son terme". Scénario bien ficelé, mais qui ne trompe désormais plus personne puisque, selon les observateurs avertis, il serait appelé à être réédité en 2008 , en 2012 et en tout cas tant que Ben Ali vivra et sera protégé par une machine militaro-policière attachée à ses privilèges. A moins bien sûr, que parmi les "O,56% d'ingrats" que compte le peuple tunisien, émergent entre temps une poignée d'hommes capables d'écourter son long séjour à Carthage et, par là même, les souffrances de 10 millions de Tunisiens. Mais, c'est là une autre affaire vu la complexité des choses, dont l'état de délabrement de l'opposition n'est pas des moindres...
Les Tunisiens sont à présent avertis du véritable scénario qui se jouera en 2002, disions-nous. Mais les opinions publiques internationales sont elles aussi à nouveau interpellées, et principalement en leur sein les responsables politiques démocrates qui continuent de traiter avec un régime corrompu et un homme peu fréquentable.
A ce sujet, on peut dire qu'indubitablement la prise de position de 14 pays de l'Union européenne à l'égard de ce qui vient de se passer dans un pays membre de l'Union (en l'occurrence l'Autriche) constitue dans son essence même l'acte de naissance de l'Europe politique. Leur refus d'accepter qu'un Etat membre soit gouverné par une coalition comprenant l'extrême droite autrichienne est un geste de bravoure hautement salutaire. Comment donc, ces mêmes pays de l'Union continuent-ils de se taire, de ne protester que de manière timide et "diplomatique" devant tant de dépassements, d'atteintes aux droits de l'homme et assez souvent de massacres commis par un régime ordurier à l'encontre de ses opposants et de ses contestataires? Le principe d'ingérence au nom des valeurs et principes universels européens invoqué dans le cas de l'Autriche serait-il non approprié à la dramatique situation tunisienne, un pays dans lequel une oligarchie sans envergure écrase sous sa botte un peuple et ses élites voués au désespoir? Autant de questions qui restent sans réponse, mais à propos desquelles ces démocraties concernées (dont la France en particulier) ne se font pas beaucoup d'illusions, puisqu'en effet tout le monde sait et est convaincu aujourd'hui que Ben Ali a largement franchi la ligne rouge à l'égard de la population qu'il gouverne mais aussi à l'égard de ses propres partenaires qui l'ont longuement soutenu au nom de la Réal politik ou encore la suprématie des marchés.
D'ailleurs, après les nombreux satisfécits accordés au Général Ben Ali par de nombreux responsables européens et français, il en est au moins un qui se serait récemment cru obligé de lui adresser une lettre dans laquelle il l'appelait à oeuvrer au cours de son troisième et dernier mandat pour une Tunisie unie, apaisée et à l'abri des tempêtes intérieures. Malgré le caractère confidentiel de cette missive, la réaction instantanée de Ben Ali devant ses propres conseillers ne s'est pas fait attendre. "Mais qui a dit que c'était mon dernier mandat?", s'est-il insurgé. En effet, la simple évocation de cette disposition constitutionnelle équivaut à elle seule à un crime de lèse-majesté.
Pris dans le piège de sa propre dictature, le maître de Carthage continue, par son intolérance et son refus de la moindre critique, de se laisser prendre dans le tourbillon de l'Histoire. Pourtant en Afrique, dans ce continent des damnés de la terre, ses semblables dictateurs commencent à faire l'objet de poursuites devant la Cour internationale de justice à l'image du Tchadien Hissène Habré. Un autre Etat africain où ce sanguinaire est réfugié, le Sénégal, vient pour sa part d'accepter la requête des victimes tchadiennes et des Organisations humanitaires. Et, devant l'amoncellement des plaintes émanant des opprimés de toutes les tortiocraties sanglantes pour faire traduire devant la justice leurs ex-bourreaux, Ben Ali est l'un des seuls à demeurer de marbre et de réclamer avec effronterie plus de respect et plus de considération de la part de la presse internationale et des ONG qui lui résistent.
"Il est vrai que le Général tunisien est un cas à part : de la démocratie, il n'entend que la farouche répression qu'il exerce. Et pour ce qui est de la dictature, il ferait rougir ou retourner dans leurs tombes ses maîtres Staline et Ceaucescu.


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MIEUX VAUT LE DIRE

Jeu des 7 familles


La griffe de Abdallah Kallel
Le ministre de l'Intérieur, qui porte dans son coeur l'ancien ministre directeur du cabinet présidentiel, Mohamed Jéri, ne rate pas une occasion d'enfoncer ce dernier. Ainsi récemment, s'est-il plu à raconter à son sujet: "Ce "Colombo" de la de la ville de Ben Guerdane (extrême Sud de la Tunisie) a le monopole du transport des bouteilles de gaz, la société El Bahia (du nom de sa mère) et une infinité de camions Scannia qu'il a acquis dans des conditions suspectes. Et cela ne lui suffit pas puisque bon nombre de produits transitant à travers le marché parallèle entre la Tunisie et la Libye (via le Sud Tunisien) sont de son ressort. Et, dernière confidence, Mohamed Jéri a acquis 3000 hectares de terrain où il dispose de 50.000 oliviers. Si un seul olivier lui rapporte 50 dinars par an (3OO FF), faites vous-mêmes les comptes, et vous ne tarderez pas à vous apercevoir que cette pourriture a largement profité de sa décennie auprès de Ben Ali à Carthage".
C'est bien que Abdallah Kallel balance ainsi son ex-collègue Jéri. Mais il ne dit mot sur le petit Palais qu'il a lui-même construit à Carthage ni sur le luxueux appartement du quartier du Lac de Tunis.

Des chiffres ahurissants
La situation politique en Tunisie étant ce qu'elle est et ce que chacun sait, le pouvoir n'a quand même eu de cesse de se cacher derrière la bonne santé économique du pays. Ce qui lui a valu jusque-là une certaine tolérance de la part de ses partenaires économiques, du FMI et de la Banque mondiale.
Or, cette bonne santé économique n'est rien d'autre qu'une imposture comme le démontrent ces chiffres non encore publics et que de bonnes sources de "L'Audace" nous ont fait transmettre: 7 milliards de dinars (autant en dollars) comme dettes de l'Etat et près de 17 autres milliards de déficit public représentant à eux seuls environ 60% du PNB. Selon des milieux informés, le pays ne donne l'apparence de tenir que grâce au blanchiment de l'argent sale. Or, des organismes de contrôle spécialisés et certaines puissances étrangères viennent de signifier au gouvernement que la limite a été plus qu'atteinte en ce qui concerne les pratiques mafieuses et de corruption en Tunisie. Voilà un avertissement que devrait prendre au sérieux Ben Ali et son entourage corrompu. D'ailleurs, comme vient de le révéler "Minute" du 26/01/2000, sous le titre: Héroïne nationale
Le tribunal correctionnel de Marseille a condamné mardi à des peines de 6 mois à 15 ans de prison 15 des 92 membres de la "filière tunisienne" responsable d'un vaste trafic d'héroïne entre les Pay-Bas, la Belgique et la France. Les prévenus opéraient au sein d'un réseau extrêmement hiérarchisé qui avait alimenté en drogue les plus grandes villes de France entre 1992 et 1996. Originaires d'un même quartier de Tunis, les voyous étaient aussi des patriotes : tous leurs profits retournaient au pays.

L'affaire des pistaches
Lors du limogeage de Mohamed Jéri, ex-directeur du Cabinet présidentiel et ex-ministre des Finances, "L'Audace" avait rapporté que cette disgrâce était motivée par l'acquisition de l'ancien ministre du marché des pistaches alors qu'une guéguerre opposait le clan des Trabelsi aux Chiboub pour l'accaparer. Les pistaches étaient même importées en Tunisie sous couvert d'aliments pour le bétail. Nos sources viennent de nous confirmer cette information à un grave détail près que nous n'avions alors pas mentionné. Les pistaches en question étaient d'origine iranienne. La transaction devait se faire avec des importateurs des Pays-Bas. Mais ceux-ci ne tardèrent pas à s'apercevoir que le produit était périmé, donc non susceptible d'être proposé à la consommation. C'est alors que par un tour de passe passe, Mohamed Jéri le fit acheminer vers Tunis en tant qu'aliment pour le bétail et en arrosa le marché tunisien. Pourtant, même le bétail ne mérite pas les pistaches de Mohamed Jéri, surtout qu'avec le circuit de la chaîne alimentaire - l'histoire de la vache folle et des poulets aux hormones l'ont bien confirmé - les produits qu'on donne au bétail reviennent toujours dans nos assiettes.

Trabelsi guette la mort de Bourguiba
Autre information révélée par "L'Audace" et qui ne fait plus aujourd'hui l'ombre d'un doute: celle concernant l'acquisition (à l’oeil bien sûr) du Palais présidentiel de Skanès, résidence d'été de Bourguiba. Ce Palais, de 120 hectares, mal entretenu, était dans le collimateur de Belhassen Trabelsi. La seule raison à la temporisation de ce dernier était que cet acte pouvait provoquer la population de Monastir qui voue une haine farouche aux Trabelsi et qui reste très attachée au président Bourguiba.
Nous savons aujourd'hui que des entrepreneurs américains sont à pied d'oeuvre à Monastir, que l'opération de sa restauration est très avancée. Et que Belhassen Trabelsi n'attend plus que la mort de Bourguiba pour s'y installer.
Les Trabelsi sont un clan aux mains sales et qui donnent aussi la nausée...

Politique


Les hommes des Trabelsi
A part Ben Ali lui-même, premier responsable de l'état de déliquescence de la Tunisie, des observateurs avertis mentionnent que 5 à 6 noms tiennent le pays d'une main de fer. Il s'agit des Abderrahim Zouari, secrétaire général du RCD et de son complice Mohamed Ali Ganzoui, secrétaire d'Etat à l'intérieur, tous deux originaires du Nord-Ouest; il s'agit aussi d'Abdelaziz Ben Dhia, ministre conseiller spécial du président de la République, ce cacique du parti devenu second personnage au Palais où il fait la pluie et le beau temps; enfin le ministre des Affaires sociales, issu du clan des "Aoubech's", Chedli Neffati. Tout ce panier de crabes a quelque chose de commun: ils sont proches du clan des Trabelsi.
Reste Abdelwahab Abdallah, tout autant affidé aux Trabelsi. Le porte-parole de la présidence, soutient-on dans certains milieux informés, est un homme seul. D'autant plus que la dernière décennie au cours de laquelle il a laminé le secteur de la presse l'a politiquement usé.
Nous demeurons persuadés, quant à nous, que loin d'être complètement devenu l'otage de ces clans mafieux, le Général Ben Ali est toujours le seul responsable de la dérive autoritaire et de la corruption en Tunisie.

Chantage par ci ... humiliation par là
Après le chantage et la surenchère politique vis-à-vis de l’Hexagone, consistant à arabiser en catastrophe pour punir la France dont les médias n'ont pas été tendres avec le Général Ben Ali au cours de la période électorale, vient le temps de l'humiliation. Ainsi, le nouvel ambassadeur de France en Tunisie, Daniel Contenay, a-t-il dû patienter plus de 15 jours avant de pouvoir présenter sa lettre de créance. Plus encore, il est passé en 8ème position.
Malgré cela Habib Ben Yahia, l'actuel ministre des Affaires étrangères, annonça à Ben Ali en se bombant le torse que son homologue français Hubert Vedrine, lui a donné l'assurance qu'il se rendrait en Tunisie courant février...
Visite qui a finalement eu lieu et au cours de laquelle les responsables tunisiens ont démontré qu’ils tenaient mordicus à ce que la presse française “respecte” un homme du rang de Ben Ali.
Parce qu’en effet, cet homme-là mérite tout le respect du monde.
Encore des intimidations
A l'occasion d'un déplacement à Bizerte pour assister à un enterrement, le militant Mohamed Hedi Sassi, libéré récemment de prison, a rendu visite à Me Néjib Hosni chez lequel il a passé la nuit. Résultat de cette visite : son estafette a été saccagée et le matériel audio-visuel qu'elle contenait détruit.
Ganzoui et ses barbouzes n'aiment pas que les opposants ou que les militants des droits de l'homme se rencontrent...

C'est à n'y rien comprendre
Pourtant, c'est Hamed Karoui lui-même, ancien Premier ministre et actuel vice-président du RCD (parti au pouvoir) qui sollicita Taïeb Baccouche (ancien secrétaire général de l'UGTT et président de l'Association arabe des droits de l'homme) durant le mois de Ramadan afin d'établir des contacts avec les milieux de l'opposition en vue de décrisper la situation politique particulièrement tendue en Tunisie.
Ces contacts devaient s'exercer à trois niveaux:
- des cas individuels (notamment les passeports confisqués ou non renouvelés et certains procès en cours);
- proposition de mesures concernant la presse et le milieu associatif afin de créer des conditions favorables à un débat de fond sur les réformes structurelles à entreprendre;
- enfin, proposition d'éventuelles réformes structurelles à entreprendre.
Taïeb Baccouche accepta de négocier avec l'opposition les deux premiers niveaux. Mais après consultation de certaines personnalités de la dissidence tels Mohamed Mouadda, Néjib Hosni, Sihem Ben Sédrine, Radhia Nasraoui, il dut déchanter puisque c'est au cours de ces mêmes consultations que la maison d'édition de Sihem Ben Sédrine a été visitée et saccagée, que l'estafette de Mohamed Hédi Sassi a connu le même sort, que les intimidations et les harcèlements des opposants ont persisté...

Les confidences de l'amer Tlili
Humilié lors de la dernière présidentielle où il n'a obtenu que 0,25%, Abderrahmane Tlili a raconté amèrement à Paris que même sa propre mère ne s'en est pas remise.
Ainsi pour lui apporter du baume sur son coeur blessé, Ben Ali a-t-il invité Mme Tlili-mère au Palais, l'a fait asseoir sur un fauteuil et s'est mis à la consoler en se plaçant face à elle sur une table basse.
C'est très émouvant...

Mongi Safra quitte Bruxelles
L'ambassadeur de Tunisie en Belgique, Mongi Safra, a été limogé quelques jours après le vol des documents et de ses clés de Khémaïes Chammari. On lui reproche de n'avoir pas su gérer cette affaire ni pu contre-carrer les activités de Khémaïes Chammari dans cette ville européenne.
Rappelons que le frère de ce dernier, Abderraouf, qui a été emprisonné arbitrairement au cours de l'été dernier et relâché ensuite, a été limogé de son emploi.
Un autre frère, Taoufik Chammari, est actuellement dans le collimateur du pouvoir.

Pan sur le bec
Dans sa dernière édition, p39, "L'Audace" a publié une information concernant l'attitude adoptée par Salah Zeghidi au sujet des docteurs Mustapha Ben Jafaar et Moncef Marzouki, à son retour à Tunis au lendemain de son séjour à Paris. Cette information a suscité certaines réactions hostiles à l'égard de "L'Audace", réactions émanant pour l'essentiel de personnes qui ne nous ont jamais porté dans leurs coeurs.
Pour couper court à leurs intrigues, et compte tenu de certains aspects effectivement contestables de notre information, nous apportons les précisions suivantes:
1) Salah Zeghidi est connu pour son sectarisme et pas seulement à notre égard. Nous maintenons notre appréciation à son sujet et concernant son attitude à l'égard du régime;
2) Notre référence à sa présence à l'occasion de l'anniversaire de l'UTIT-FTCR ne visait bien sûr pas cette dernière dont nous saluons la constance des activités démocratiques d'animation au sein de l'émigration;
3) Il est bien évident que la référence à "La ligue de Ben Ali" constituait une fâcheuse coquille. Nous voulions dire une ligue telle que la conçoit Zeghidi: au service de Ben Ali. Pan sur le bec! D'autant que nos lecteurs auront remarqué que nous avons consacré dans le même numéro une page en arabe et une autre en français aux communiqués de la Ligue tunisienne des droits de l'homme commémorant le 51ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Cela confirme que, malgré les légitimes critiques que nous avons eu à faire à la LTDH au fil de son parcours, nous saisissons toutes les occasions pour mettre en exergue les prises de position positives émanant d'elle.
Six points...
Mardi 1er février, entrait en vigueur en Tunisie, une législation concernant les automobilistes qui seront désormais verbalisés aux points sur leur permis, jusqu'au retrait de celui-ci. Selon les Autorités, cette nouvelle loi aurait pour but de mettre fin à la corruption des fonctionnaires, des agents de la circulation, devenue intolérable par les temps qui courent. Faux, protestent particulièrement les taxieurs à travers leur grève du 1er février , immobilisant les grandes villes du pays : "Cela nous poserait plus de problèmes avec les services corrompus de l'ordre et de la circulation, puisque nous devrons négocier "les points du permis" à coup de "Khémaïs" (cinq dinars), de "Achour"(dix dinars) et de "Belgacem" (20 dinars)... Et on ne sait plus quoi après".
Rappelons que les routiers, les taxi- louagistes et les automobilistes sont constamment "sollicités" par les motards et les agents de la circulation pour pouvoir travailler normalement. Sans les 6 points...


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A LA UNE

CARTES SUR TABLE AVEC RACHED GHANNOUCHI


"En Tunisie, l’obstacle
de la peur a été brisé"

Interview réalisée à Genève par Slim Bagga


Dans cette interview annuelle qu'il livre à "L’Audace", Cheikh Rached Ghannouchi, président d'Ennadha exilé à Londres, considère qu'il y a des raisons qui portent à l'optimisme pour l'avenir de la Tunisie. Non point que le régime actuel ait fini par adopter la démocratie comme méthode de gouvernement, mais son aveuglement, sa fuite en avant et sa persistance dans la répression de l'opposition toutes tendances confondues, ont fait que ses alliés d'hier sont de plus en plus nombreux à rallier les rangs de l'opposition ou tout au moins ceux de la contestation. L'opposition, du fait de cette réalité nouvelle, n'en est alors que renforcée et son alliance contre la dictature ne serait qu'une affaire de quelque temps. Aux plans social et économique, le président d'Ennahda affirme que la situation n'a cessé d'empirer, puisque la corruption a atteint des degrés insupportables et la cherté de la vie ainsi que le chômage incitent de plus en plus de jeunes à quitter clandestinement le paradis tant vanté par Ben Ali et ses thuriféraires.
Ecoutons-le ...


"L'Audace" : La publication "Maghreb Confidentiel" vient d'écrire dans son édition du 13 Janvier 2000 que "M.Rached Ghannouchi reste très actif en exil. Au lendemain des élections présidentielles tunisiennes, il était l'invité de la chaîne de télévision El Jazira. Les rues de Tunis étaient presque vides au moment de la diffusion de l'émission le 26 octobre...
Après la liquéfaction de l'opposition républicaine, il reste le seul adversaire politique de Ben Ali. Mais plus personne ne sait ce que représente aujourd'hui l'islamisme de l'intérieur, totalement passé dans la clandestinité...".
Je vous poserais deux questions au sujet de cette affirmation: Pensez-vous être aujourd'hui le seul adversaire politique de Ben Ali? Et que représente actuellement Ennahdha à l'intérieur du pays?
Rached Ghannouchi : D'abord, je ne crois pas être le seul adversaire politique de Ben Ali. Les adversaires ou plutôt les opposants de son régime sont beaucoup plus nombreux. Les prisonniers d'opinion, l'opposition active et sérieuse de l'intérieur, les représentants du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT), le Forum démocratique de Mustapha Ben Jaafar, le Mouvement des démocrates socialistes légitime (MDS), le groupe d'"El Mawqif", les forces estudiantines qui ont fait dernièrement une grève de la faim, les forces syndicalistes, le Groupe de Hamma Hammami, l'opposition de l'extérieur dont le pouvoir n'a même pas supporté l'apparition de l'un de ses symboles lors d'une émission télévisée, à savoir Mohamed Mzali, le Comité pour le respect des libertés et des droits de l'homme en Tunisie (CRLDHT) et d'autres encore constituent indéniablement, tous, des opposants de Ben Ali.
Par conséquent, cette idée de bipolarisation, ou si vous préférez bicéphalisation du jeu politique est saugrenue. Elle sert, pour le régime, à légitimer sa répression et marginaliser des forces réelles de l'opposition qui ont fait beaucoup de sacrifices et ne cessent d'en faire. Regardez aussi l'action de quelques femmes comme Sihem Bensedrine, Radhia Nasraoui ou Alya Chammari. Elles n'ont pas moins de courage ni moins d'audace que les adversaires hommes de ce régime. Voyez-vous, les choses ne sont pas aussi simples...

• Et le poids réel d'Ennahdha à l'intérieur?
Rached Ghannouchi:
J'allais y venir. Je pense qu'en l'absence d'opérations électorales saines et transparentes, nous ne pouvons scientifiquement définir la popularité ni le poids de chaque Mouvement. Et l'on ne peut, par ailleurs, être d'accord avec le pouvoir qui prétend avoir réussi dans l'opération de marginalisation d'Ennahdha ni de quelque autre Mouvement politique parce que nous croyons, déjà à la base, que la répression est loin d'être un indicateur de popularité d'un régime. Cependant, l'on peut affirmer que le veto opposé au régime par les prisonniers politiques et d'opinion, la résistance des prisonniers élargis (qui demeurent toujours harcelés et sans travail), la résistance des exilés (environ 2000 pour ce qui concerne les islamistes), ceux qui ont répondu présent lors de la diffusion de l'émission d'El Jazira, sont des indices, des preuves irréfutables que le poids d'Ennahdha est toujours réel.

• Vous êtes pourchassé par le régime à la moindre de vos sorties publiques. Etes-vous si dangereux?
Rached Ghannouchi:
C'est le pouvoir qui est faible. Il ne supporte aucun visage d'opposant. N'ayant pas confiance en lui, en sa légitimité, il cherche à imposer le silence au peuple. Il cherche même à imposer sa démarche politique d'un autre âge à l'étranger. Les journalistes étrangers de l'audiovisuel souffrent, ceux de la presse écrite souffrent, les enquêteurs des ONG souffrent. Ils ont, tous, de gros problèmes avec ce régime dans l'accomplissement de leurs missions. Des problèmes qu'ils ne rencontrent pas en Egypte, en Algérie ou au Maroc dont les ambassadeurs se limitent à formuler des précisions si telle ou telle information n'est pas de leur goût. Mais dans la République du silence qu'est devenue la Tunisie, on n'affronte pas l'adversaire avec des arguments, en apportant la preuve contraire à ses allégations, mais en lui imposant le silence.
Voyez, par exemple, lorsque j'ai visité l'Afrique du Sud : le pouvoir tunisien s'est dérobé du débat et a sollicité tous les ambassadeurs arabes pour protester contre ma présence au Cap et ma participation aux Journées du Parlement mondial des religions. Auparavant, il ne s'était jamais intéressé à ce Parlement. ÐÏࡱá


• Vous voyagez fréquemment, et lors de vos déplacements vous rencontrez de nombreux responsables étrangers. Quelle image ont-ils de la Tunisie?
Rached Ghannouchi:
La Tunisie est au centre de la Méditerranée. Par conséquent, tous les responsables étrangers et tous les observateurs politiques ne sont pas sans savoir la réalité de la situation en Tunisie. D'ailleurs, ils n'ont pas besoin de dépenser de gros efforts pour connaître ce qui s'y passe. Les 99% en faveur de Ben Ali, qui se répètent à chaque élection, sont le plus grand révélateur, le meilleur indicateur de la nature de ce régime qui ne semble pas appartenir à cette époque mais à des temps anciens et révolus. En outre, les rapports des ONG des droits de l'homme suffisent à tout un chacun pour se forger une image du régime.

• Que pensez-vous de l'idée, soutenue par certains, que l'atmosphère politique en Tunisie ressemble à celle qui prévalait à la veille du 26 janvier 1978?
Rached Ghannouchi:
Il est possible que cette évaluation ne soit pas loin de la réalité. Le climat social est empoisonné comme nous le démontrent les derniers événements survenus dans le pays. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que le mur de Berlin est tombé en Tunisie. Quand je dis le mur de Berlin, j'entends le gigantesque obstacle de la peur. Celui-ci a été brisé. La coupe est pleine, et elle n'est pas loin de déborder. Ce qui est, par conséquent, nouveau en Tunisie c'est le nouveau cadre, le nouveau climat socio-politique. Le fait qu'un historien comme Mohamed Talbi, qu'on ne peut soupçonner d'un quelconque extrémisme, se mette à parler, à écrire et à inviter l'élite à la rupture du silence; le fait que plus d'un opposant tunisien de l'intérieur évoque Ennahdha, un mot que le pouvoir avait tout entrepris pour faire disparaître du langage quotidien, ou évoque l'un de ses cadres dirigeants, prouvent que quelque chose a changé au sein de la société.

• Quel commentaire pouvez-vous faire du scrutin du 24 octobre?
Rached Ghannouchi:
A chaque fois que l'on a imaginé et espéré que ce pouvoir allait évoluer un peu, tirer les conséquences du passé et écouter les conseils de ses amis, il nous prouva le contraire. Il y a un entêtement terrible de sa part.
On a pensé qu'il tirerait au moins une leçon de notre voisine l'Algérie où une véritable campagne électorale a été menée par des éléphants de la politique et où, quoiqu'en dise de ce scrutin, le président Bouteflika s'est suffi de 63% des suffrages. Au Maroc, un Premier ministre de grande envergure, au parcours politique historique, n'a pu gouverner qu'en coalition.
Il est malheureux de reconnaître que la vie politique en Tunisie est désolante. On comprend mieux maintenant pourquoi le pouvoir refuse tout débat, toute confrontation intellectuelle et fonctionnalise tous les appareils de l'Etat pour imposer le silence.

• Pensez-vous que Ben Ali partira à la fin de son troisième mandat en 2004? Sinon, que croyez-vous qu'il fera pour se maintenir (rétablissement de la présidence à vie, référendum etc.)?
Rached Ghannouchi:
Ben Ali avait prétendu qu'il arrivait au pouvoir pour réparer une anomalie introduite par Bourguiba dans la Constitution, à savoir la présidence à vie. Il avait dit lui-même que celle-ci n'était pas conforme au niveau de maturité atteint par notre peuple qui mérite une vie démocratique authentique. Alors, qu'il respecte ses engagements!
Je viens de rencontrer M. Mandela, et j'ai remarqué que sa popularité était plus grande que celle de l'actuel Président Mbeké. Partout dans le monde, il est reçu comme un héros. Le Sénégalais Senghor aussi.

• L'opposition de l'intérieur se réorganise. Le Conseil national des libertés est bien présent, des personnalités indépendantes dénoncent l'arbitraire, Mohamed Mouadda résiste, la LTDH et les syndicats tentent d'échapper à l'étau qui les étrangle. Où en est Ennahdha dans tout cela?
Rached Ghannouchi:
Notre Mouvement ne peut être que satisfait et réconforté. Cela ne gêne que le pouvoir qui se considère l'acteur unique du jeu politique en Tunisie et cherche à anéantir l'opposition et à l'effacer. De notre côté, nous voyons dans l'existence, la présence et la force de l'opposition non-islamiste un atout pour le pays et une force pour notre Mouvement. Je salue, donc, toutes les réalisations courageuses accomplies l'année écoulée par l'opposition tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. La grève de la faim des étudiants, celle des syndicalistes, la présence du CNLT, l'action de M. Mouadda, la résistance des prisonniers, leur grève de la faim à laquelle ont répondu des éléments d'Ennahdha à l'étranger, les manifestations de l'opposition à Paris, Genève, Stockholm et ailleurs, prouvent que l'opposition existe bel et bien et qu'effectivement l'année écoulée se distingue par rapport aux précédentes.
Il est à remarquer qu'Ennahdha combat l'idée de bipolarisation véhiculée par le pouvoir. Celui-ci, dans son double langage traditionnel, prétend, d'une part, qu'Ennahdha est éradiquée et, d'autre part, use de tous ses moyens pour agiter la carte de la peur des fondamentalistes.

• Où en sont vos rapports avec l'opposition, et celle de l'intérieur en particulier, par rapport à ce que vous me disiez l'année dernière?
Rached Ghannouchi:
Ennahdha ne veut pas provoquer les choses. Il faut que celles-ci aillent à leur rythme. Elles sont actuellement en marche et nous allons vers la rencontre. Souvenez-vous: après l'année 90, tout était en faveur du pouvoir. Seules Ennahdha et certaines personnalités résistaient à ce dernier. Mais depuis 1996, les choses se sont inversées. Tous les jours, l'opposition accueille dans ses rangs de nouveaux syndicalistes, intellectuels, chercheurs, académiciens, politiques, alors que le pouvoir perd de plus en plus ses alliés. Aujourd'hui, il y a une sorte de rencontre objective qui est en voie de devenir efficace entre Ennahdha et l'opposition non-islamiste. Nous demeurons, pour notre part, disposés à toutes sortes de concertation et de coordination, à quelque niveau que ce soit et sans condition préalable aucune, dans le but de lever cet état de siège qui règne dans le pays.

• Et l'affaire des repentis islamistes? Que pourriez-vous nous dire là-dessus?
Rached Ghannouchi:
D'abord, ils sont très peu nombreux parmi les prisonniers, donc parmi ceux qui ont été libérés et parmi les exilés. Certains l'ont fait sous la pression. Mais ce qui est sûr, c'est qu'il n'y a pas eu de mouvement de rémission au niveau des instances et des institutions d'Ennahdha ni au niveau de sa direction.
Les demandes d'amnistie dont ont parlé certains journalistes proches du pouvoir ne concernent pas Ennahdha mais d'anciens sympathisants ou d'anciens démissionnaires de notre Mouvement. Autrement, la plupart de ceux qui ont été récemment libérés de prison l'ont été sans condition.

• On a l'impression qu'à chaque annonce de Ben Ali qui peut sembler positive, mais qui n'est en fait qu'une diversion, Ennahdha tergiverse. Ce fut le cas de l'affaire Hamdi l'année dernière, cela a été le cas, selon certains observateurs, cette année avec la libération de 500 à 600 prisonniers. A quoi cela est-il dû?
Rached Ghannouchi:
Au sujet de la libération de ces prisonniers, Ennahdha a publié un communiqué équilibré mais clair et sans ambiguïté. Nous avons considéré que c'était un pas positif mais qui doit impérativement être suivi par la satisfaction des conditions de l'ouverture politique et la résolution des problèmes qui sont à l'origine de la crise.

• Concrètement, croyez-vous que l'on peut encore traiter avec un homme comme Ben Ali? Peut-il encore inspirer de la confiance?
Rached Ghannouchi:
Ecoutez! Nous avons des droits et des revendications à formuler pour notre peuple. Nous continuerons à réclamer la liberté, la justice sociale, notre identité arabe et musulmane, l'Etat de droit, l'égalité, la lutte contre la corruption et l'exclusion, le combat de l'idée par l'idée, les élections transparentes etc. jusqu'à leur obtention, que cela soit avec ce pouvoir ou avec un autre. Notre problème n'est pas avec un homme du nom de Ben Ali, même s'il représente aujourd'hui le symbole de ce régime répressif et oppresseur, mais avec un système. Si demain, un autre vient à exercer la même politique que lui, le problème ne sera toujours pas résolu. Nous avons déjà combattu Bourguiba parce qu'il opprimait. Ben Ali est alors arrivé et a proclamé le 7 novembre 1987 : "Plus d'injustice à partir de ce jour". Nous l'avons alors soutenu. Mais dès la première expérience du 2 avril 1989, il est apparu que la politique du parti unique n'a guère changé. Nous nous y sommes, alors, opposés, et nous avons payé un lourd tribut pour cela. Nous continuerons à nous opposer jusqu'à ce que Ben Ali ou un autre que lui permette la satisfaction des revendications du peuple.

• Si Ben Ali s'en allait demain du pouvoir, Ennahdha, un autre Mouvement politique ou un front, serait-il en mesure de l'exercer?
Rached Ghannouchi:
Oui si on le laisse faire. Pour notre part, nous optons pour un gouvernement de coalition qui n'exclue aucune famille politique et qui oeuvrera pour une réconciliation nationale et un changement démocratique. Il doit s'ouvrir à toutes les compétences pour élaborer un programme capable de mobiliser les forces vives du pays dans la satisfaction des aspirations de notre peuple. Cette démarche est nécessaire, mais il faut lutter pour la rendre possible.
Ceux qui profitent actuellement de ce régime continueront à vouloir protéger et sauvegarder leurs intérêts et privilèges. Mais le changement est inéluctable du fait de la soif de démocratie et de justice, qui à défaut d'être satisfaites dans le cadre des institutions, s'imposeront par le biais de la rue...

• Le livre de Jean Pierre-Tuquoi et Nicolas Beau, " Notre ami Ben Ali ", a fait beaucoup de bruit dans le landerneau politique tunisien, et même au-delà de nos frontières. Qu'en pensez-vous?
Rached Ghannouchi:
La publication de cet ouvrage a, en effet, constitué un événement très important, et cela à plus d'un titre dont l'image du régime tunisien au sein de l'opinion publique française, et plus largement francophone, n'est pas des moindres. Mais malgré cela, j'ai trouvé que ce livre comportait certains détails discutables et même rectifiables, ce qui n'enlève rien à son extrême importance.Ces détails concernent notamment le fait que les auteurs se sont basés sur certaines versions fantaisistes au sujet de l'opération menée le 7 novembre 1987 pour en conclure que les islamistes projetaient l'exécution d'un plan violent. Nous n'avons pourtant de cesse de répéter et de prouver à travers nos comportements quotidiens notre refus de toute forme de violence d'où qu'elle vienne pour résoudre les différends idéologiques, politiques ou religieux ou pour arriver au pouvoir et s'y maintenir.Nous n'avons cessé d'insister sur notre attachement aux principes de la concertation (la choura) et de la démocratie pour gouverner ou pour s'opposer.
Mais quoi qu'il en soit, le mérite de cet ouvrage demeure incontestable...
• Que pensez-vous de la situation économique du pays? Et un mot sur la corruption ...
Rached Ghannouchi: Je dois rappeler que les statistiques économiques tunisiennes sont contrôlées par le pouvoir. Il faut donc les utiliser avec précaution.
Il faut faire la différence entre deux niveaux: Le niveau macro économique (taux de croissance, déficit budgétaire, balance commerciale, etc..) où grâce à quelques artifices comptables et à l'annulation d'une partie des dépences sociales et de certains investissements, on peut afficher un bilan flatteur pendant quelque temps. Et le niveau micro économique qui ne peut être cerné que par des études très fines qui montrent la réalité socio-économique que vivent les Tunisiens. Or sur ce plan, de très nombreux indicateurs montrent qu'une grande partie des Tunisiens voient leurs difficultés s'accumuler et n'ont d'autres recours que de s'enfoncer dans les dettes. Ce qui est une véritable fuite en avant très risquée pour l'avenir.
La Tunisie bénificie, actuellement, d'une classe active très importante (57% de la population) et assez bien formée, ce qui lui donne une chance réelle pour assurer son développement.
Mais, malheureusement, les gouvernants actuels se contentent de discourir sur le miracle tunisien en truquant les chiffres et en se remplissant les poches.
La prospérité économique dont se vante le régime est tellement une imposture que même l'oligarchie qui profite des richesses du pays pille au maximum parce qu'elle sait qu'elle ne pourra le faire que de manière ponctuelle. Le replâtrage, le ripolinage ne servent qu'à maquiller, pour le moment, une triste et dramatique réalité que l'on ne va pas tarder à vivre.
Ce que je vous avais répondu l'année dernière reste, par conséquent, d'une brûlante actualité. Et même pire puisque la corruption s'est aggravée à travers les familles régnantes, le fossé entre ces mêmes familles et la majorité du peuple s'est davantage creusé, la cherté des prix est plus insupportable, le chômage surtout parmi les cadres augmente. Les barques qui arrivent clandestinement en Italie nous rappellent l'époque où les Coréens du Nord fuyaient vers le sud. D'ailleurs, l'on vient d'enregistrer deux nouveaux morts parmi ces clandestins, et chaque semaine apporte son lot de victimes. Alors je me demande : Pourquoi les gens tiennent-ils tant à fuir le paradis puisque on nous dit que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes?
Cependant, ma confiance est totale dans le peuple tunisien qui, dans sa grande majorité, et grâce à son travail, son sérieux, sa volonté d'améliorer ses conditions de vie, porte ce pays à bout de bras. Les médecins, les ingénieurs, les techniciens, les enseignants et la majorité des travailleuses et des travailleurs tunisiens sont des exemples de compétence et de dévouement et ce sont eux, si le pouvoir politique ne leur met pas des bâtons dans les roues, qui assureront l'avenir de la Tunisie.

• Que pensez-vous de la récente décision du pouvoir d'arabiser?
Rached Ghannouchi:
Notre Mouvement est pour l'arabisation. Mais, pour le moment, je n'ai pas d'idée très claire sur ce qui se passe. Quelles sont les raisons de cette soudaine arabisation, son volume, sa crédibilité, sa durée?

• Si vous rencontriez Ben Ali dans l'au-delà, que lui diriez-vous?
Rached Ghannouchi:
Ce sera trop tard pour lui dire quelque chose. Mais, si je le rencontrais dans ce monde-là, je lui dirais : "Nul n'est éternel ".

•Et si vous rencontriez Bourguiba?
Rached Ghannouchi:
Je lui dirais seulement : Pourquoi hais-tu la Tunisie? Pourquoi lui as-tu fait cela?



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Affaire daniel mermet
“Le combat des Tunisiens me rappelle celui de Solidarnosc en Pologne”


Il y eut l'affaire du correspondant de l'AFP à Tunis qui, piégé par les services d'Abdallah Kallel en 1995, faillit être jugé pour viol alors qu'il croyait secourir "une épilectique" dans un parking. Il y eut auparavant l'affaire des journalistes suisses dont les chambres d'hôtel étaient régulièrement visitées et fouillées jusqu'à ce qu'ils décidèrent d’interrompre leur mission à la veille des élections de 1994. Ce ne sont, malheureusement, que quelques célèbres affaires dans le triste quotidien des journalistes étrangers qui visitent la Tunisie et qui vivent désormais durant leur séjour dans le pays de la révolution tranquille le calvaire de la surveillance policière... Daniel Mermet vient de rejoindre cette catégorie d’hommes indésirables en Tunisie. Journaliste à France Inter, il sillonne le monde depuis dix ans pour interroger les défenseurs des droits de l'homme, vivre leur souffrance et tenter de la faire connaître à son retour par les voix qu'il enregistre et qui tonnent dans le monde entier comme un cri de liberté dans son émission quotidienne : "Là bas si j'y suis".
Pour la première fois qu'il visite la Tunisie, accompagné d'un autre reporter, Giv Anquetil, Daniel Mermet a vécu le harcèlement quotidien de la police de Ben Ali. Ses bandes enregistrées, ses carnets et ses répertoires ont été confisqués. "48 heures, lui a-t-on dit, et nous vous les restituerons..." Depuis il attend toujours...


L'Audace" : Vous avez passé cinq jours en Tunisie dans la semaine du 17 janvier, c'était pour quoi faire et que s'est-il passé au juste?
Daniel Mermet : Nous sommes allés en Tunisie pour travailler sur la question des droits de l'homme. Nous avons rencontré un certain nombre de défenseurs des droits de l'homme, témoins de l'action de ces droits, ou victimes à différents titres.
Nous avons été ostensiblement suivis par des flics en civil, de même que les personnes que nous avons rencontrées et interrogées, et qui font l'objet d'une surveillance permanente. Je peux toutefois affirmer que nous n'avons connu aucun ostacle particulier alors que s'exerçait cette présence policière silencieuse et permanente, parce que les personnes que nous interrogions étaient toutes internationalement connues et, évidemment, elles ont pris leurs responsabilités en répondant à nos questions. Je dirais même plus : ne craignant rien, ces personnalités souhaitaient s'exprimer par notre truchement.
Il n'y eut donc pas d'anonymes. Toutes ces personnes avaient, en effet, l'habitude de s'exprimer à travers la presse écrite, les radios et les T.V. étrangères etc.
J'insiste sur le fait qu'il s'agissait bien pour nous d'une émission concernant les droits de l'homme et qu'il existe bien une résolution des Nations-Unies dont l'article 6 garantit l'exercice. (voir ci-dessous) C'est lors de notre retour que nous avons été interpellés à l'aéroport de Tunis par la douane et un policier qui ne s'est même pas cru obligé de décliner son identité. On a eu droit à une fouille complète et l'on nous a confisqué les bandes magnétiques comportant les interviews et reportages que l'on avait effectués; des carnets de notes, un répertoire personnel sur lequel figurent plusieurs coordonnées de personnes que l'on avait contactées et même des affaires personnelles puisque ma montre qui a surtout pour moi une valeur affective a disparu de nos bagages.

• Quelles ont été les réactions à cette triste mésaventure?
D.M.:
Cette affaire a soulevé une vive émotion dans la presse (AFP, "Libération", "Le Monde") et une longue liste de personnalités et d'associations saisies nous ont écrit pour signifier leurs vives réprobations de pareilles pratiques.
Seulement, les Autorités tunisiennes refusent toujours de nous restituer notre matériel malgré leur promesse de le faire sous les 48 heures. Les agents qui nous ont pris ce matériel prétendaient que nous n'avions pas l'autorisation de travailler en Tunisie, ce qui est faux bien sûr. Par conséquent, il y eut une totale indignation, à la suite de cette affaire, de la part de nombreux milieux tunisiens en France ainsi que de la part d'auditeurs qui ont été nombreux à s'exprimer sur le répondeur de l'émission "Là bas si j'y suis".

• Avez-vous préalablement à votre voyage averti les Autorités tunisiennes?
D.M. :
Nous n'avons pas contacté les Autorités, mais l'ATCE (Agence tunisienne de communication extérieure) au téléphone qui nous a assuré que l'accréditation n'était pas indispensable pour opérer sur le territoire tunisien.

• Etait-ce votre premier voyage en Tunisie?
D.M. :
Oui, c'était notre premier voyage. On ne connaissait pas très bien le terrain. Mais je peux vous dire qu'en dix ans de reportages dans le monde entier, j'ai eu à visiter l'Iran, le Soudan, la Chine et d'autre pays réputés difficiles ou dont les régimes sont des dictatures, mais je n'ai jamais eu à connaître ce qui vient de m'arriver en Tunisie.

• Maintenant, on peut dire que vous connaissez la nature du régime tunisien.
D.M. :
Absolument. Il faut dire que l'on avait déjà été alertés par l'ouvrage de Nicolas Beau et Jean Pierre Tuquoi, "Notre ami Ben Ali". On a un peu suivi la situation, mais concrètement, nous ne pouvions prévoir que sur le terrain, il y ait une telle ambiance policière...

• Y a-t-il eut des réactions officielles de la France?
D.M. :
Notre président, Jean-Marie Cavada, a écrit une lettre au président Ben Ali. Le Quai d'Orsay a été aussi saisi de l'affaire...

• Et maintenant qu'allez-vous faire?
D.M. :
On s'interroge. On est très préoccupés, inquiets pour des personnes qui ont parlé avec nous, même si elles avaient pris leurs responsabilités au préalable, et qu'elles allaient de toute façon être diffusées à l'antenne. Les services secrets tunisiens se sont accaparés nos bandes magnétiques, mais ce qui est sûr, c'est qu'aujourd'hui on ne se cache plus en Tunisie. Cela me rappelle un peu Solidarnosc en Pologne. Ces personnes ont une vie difficile, elles sont harcelées, bâillonnées, mais elles parlent. Lorsqu'a été constitué le comité de soutien à Hamma Hammami, j'étais présent. Les signataires ne s'en cachaient pas, cela ne se passait pas comme dans une cave secrète. J'ai trouvé cela très courageux par rapport à la nature du régime tunisien. Donc, qu'allons-nous faire? Ce n'est pas cela qui va nous arrêter. D'une façon ou d'une autre, nous considérons que c'était une atteinte lourde, caractérisée à la liberté d'informer, mis à part le fait que les Autorités n'aient pas tenu leurs promesses. Par conséquent, nous continuerons à parler de la Tunisie et évoquer la question des droits de l'homme dans ce pays.

Interview réalisée
par Slim Bagga.


Article 6 de la Déclaration des Nations Unies du 9 décembre 1998 relative au droit de promouvoir et de pratiquer les droits de l'homme et les libertés fondamentales universellement reconnues:


Chacun a le droit, individuellement ou en association avec d 'autres:
a/ De détenir, rechercher, obtenir, recevoir et conserver des informations sur tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales en ayant notamment accès à l 'information quant à la manière dont il est donné effet à ces droits et libertés dans le système législatif, judiciaire ou administratif national;
b/ Conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales;
c/ D'étudier, discuter, apprécier et évaluer le respect, tant en droit qu'en pratique, de tous les droits de l 'homme et de toutes les libertés fondamentales et, par ces moyens et autres moyens appropriés, d'appeler l'attention du public sur la question.




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Idriss Nouinoui,
un jeune idéaliste
dans les prisons de Ben Ali


Abdeljelil Saïdi, réfugié tunisien en France, nous présente un autre de ses amis qui croupit depuis 1994 dans une prison tunisienne :
"Mon ami, Idriss Nouinoui, membre actif de l'UGTE (Union générale tunisienne des étudiants), né en 1965 à Aïn Drahem, a connu bien des ennuis, au début de la vague d'arrestations menées par le gouvernement de Ben Ali, au moment où une terrible répression s'abattait les facultés tunisiennes.
Il était étudiant en sciences physique à la faculté de Sfax et, sachant qu'il était recherché par la police de la sûreté du territoire (DST), il s'est réfugié en Algérie pour échapper à la torture et à la prison, comme la majorité des membres du syndicat.
J'ai connu Idriss à Alger en 1993, après qu'il ait obtenu sa licence de physique à la faculté de Constantine, où il s'était inscrit pour terminer ses études. Etudiant très brillant, il était doué pour les études. Il voulait se diriger vers la recherche scientifique et l'enseignement. C'était un islamiste très modéré, s'intéressant avant tout à ses études, croyant à la démocratie et à l'Etat de droit et donc, comme la majorité d'entre nous, les exilés, il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Il était fiancé avec une étudiante tunisienne qui était restée au pays. Elle n'a pas pu le rejoindre car le pouvoir lui avait confisqué son passeport et elle avait aussi très peur des pressions exercées sur sa famille.
A la fin de l’année 1994, au moment où la police algérienne, selon la demande officielle d'expulsion, recherchait les opposants tunisiens pour les renvoyer dans le pays de la répression, nous avons décidé de fuir.
Idriss a refusé de partir, attendant toujours sa fiancée qui était en train de chercher un moyen pour fuir la Tunisie afin de le rejoindre. Malheureusement, il a été arrêté avec onze autres jeunes Tunisiens. Ils ont été déclarés clandestins et renvoyés sans autre forme de procès vers leurs bourreaux. Il ont atterri deux jours plus tard dans les locaux du ministère de l'Intérieur. Ils ont tous été violemment torturés comme tous ceux qui finissent dans les célèbres locaux de la rue Abderrazek Chraïbi.
Idriss a été condamné plusieurs fois, accumulant 38 ans de prison. Il en a déjà purgé six. Il lui en reste 32 ans pour avoir cru à la démocratie et avoir participé à quelques manifestations à l'appel de son syndicat. Il faisait partie de ces intellectuels tunisiens qui faisaient honneur à leur pays. Il voulait être chercheur physicien et enseignant.
Je ne comprends pas comment ce régime laisse soit partir ses jeunes élites, soit les enferme pendant des dizaines d'années alors que la Tunisie manque tant d'intellectuels et de chercheurs indépendants.
Pourquoi cette jeunesse devrait-elle payer, soit par la prison, soit par la fuite et l'exil, la folie du pouvoir?
Nous devons toujours continuer à exiger la libération des prisonniers d'opinion et politiques, ainsi que l'ouverture du régime à toutes les différentes tendances politiques pour construire enfin cette démocratie à laquelle nous aspirons tous.

Propos recueillis par Ginette Skandrani



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Incidents et émeutes dans plusieurs villes tunisiennes

par Ginette Skandrani


Le mois de février ne réussit décidément plus au gouvernement de Ben Ali.
L'année dernière, déjà, des émeutes s'y sont déroulées et des scènes de violence ont opposé les forces de l'ordre à de jeunes lycéens qui ont saccagé leurs établissements, par mécontentement de certaines décisions gouvernementales relatives à leur avenir.
Dans sa brutalité coutumière, la police avait alors chargé contre les jeunes. Cette année, ce sont encore les lycéens, et principalement des villes du Sud, qui sont descendus dans la rue pour protester contre les augmentations vertigineuses des prix du pain (de 200 à 260 millimes), du carburant (de 620 à 930 millimes), de la bouteille de Gaz (de 4,600 dinars à 5 dinars) etc.
C'est donc dans les villes du Sud que les mouvements de jeunes ont commencé à avoir lieu : Djerba, Mednine, El Hamma, Gabès, Gafsa, Kasserine (centre-ouest) et Béja (nord-ouest) ont ainsi été le théâtre d'affrontements entre de jeunes manifestants surtout en mal de vivre et les forces de l'ordre. De nombreuses voitures de police ont été incendiées, des établissements scolaires saccagés. La répression fut alors à la mesure de la colère, puisque, selon nos sources, les jeunes de Djerba, par exemple, qui ont été arrêtés ont été sauvagement torturés puis conduits vers Mednine pour y être jugés. L'on compte déjà 4 morts et des dizaines de blessés.
Par peur de voir le mouvement se généraliser davantage, gagner d'autres grandes villes et atteindre la capitale, Ben Ali dut faire marche-arrière dès lundi 7 février en annonçant le retour sur sa décision d'augmenter le prix du pain. Mais jusqu'à quand pourra-t-il agir par replâtrage pour faire taire le mécontentement populaire généralisé? Personne n'est plus sans ignorer que ces augmentations de prix qui deviennent de jour en jour encore plus insupportables servent en partie à colmater une mauvaise gestion des deniers publics dans un pays dont les richesses profitent à une poignée de familles corrompues. C'est, par conséquent, contre celles-là que les manifestations sont organisées puisque les véritables familles sont aujourd'hui menacées dans leur vie quotidienne.
Ben Ali, qui veut compter sur cette même jeunesse a-priori non politisée pour s'en servir avant de brandir son projet référendaire pour un quatrième mandat, semble mal parti. Et , un homme averti ....
Nous vous donnerons plus de détails sur ces mouvements incontrôlés de jeunes dans notre prochaine édition.


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Complotite contre "L'Audace"


Certains Tunisiens ont appris au moins quelque chose de Ben Ali : l'art de la complotite dans lequel ce dernier, dit-on, est incomparable.
Depuis quelques semaines, une poignée d'opposants ou de prétendus tels ont décidé de fomenter un nouveau complot contre "L'Audace". A priori rien ne semble les unir, mais des alliances contre nature et à vocation destructrice se sont vite nouées ici et là dans le but de nuire.
Je veux dire ici que face à leur hargne, "L'Audace" opposera toujours sa détermination à dénoncer et combattre l'arbitraire du régime. Par conséquent, il informe ses lecteurs que ceux qui véhiculent l'information (y compris parmi les abonnés) que "L'Audace" est un navire qui va couler dans deux ou trois mois n'a aucun fondement. Leur journal bénéficie toujours du soutien de ses authentiques parrains et amis.
Et je profite enfin de l'occasion pour rappeler à ces nécrologues cette vérité incontournable : lorsqu'un navire coule, ce sont les rats qui périssent les premiers.
Que ces magouilleurs de l'ombre ne l'oublient donc jamais. Désormais, nos lecteurs étant avertis, je ne répondrai plus à leurs insultes et dénigrements. Il me suffit de les ignorer et de ne pas les dénoncer car, après tout, a-t-on le droit de dénoncer des gens qui gagnent leur vie comme ils peuvent?
Slim Bagga


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LA PLUME DECHAÎNÉE


Depuis l'élection à 99,44% du général Ben Ali en octobre dernier, certains milieux donnent l'impression de s'être résignés à l'immobilisme triomphant à Tunis. On paraît déjà s'accommoder d'un règne à vie. C'est seulement ainsi que l'on peut s’expliquer les tiédeurs européennes face à un régime qu'une autre attitude aurait assurément amené à de meilleures dispositions quant au respect des drois élémentaires de ses administrés. Les prises de positon des Européens sur la Tunisie rendent peu crédibles aux yeux des Tunisiens les protestations contre le néo-fascisme en Autriche. Ou alors, il y aurait des privilèges auxquels seuls les Européens auraient droit...
C’est également ainsi que nombre de débris politiques de la rive nord viennent s'échouer sur nos côtes et y quêter un supplément de vie. Ils déploient alors à l'adresse de notre pays une affection mortelle. Les cas de Philippe Séguin ou Maurice Druon sont trop connus pour qu'on s'y arrête. En revanche, venant de Suisse, une attitude complaisante serait nettement moins compréhensible. Or, voilà que, le 11 janvier, un certain Bernard Comby, ex- député helvétique, dressé face à un Ben Ali somnolent mais ravi, devant tout l'Etat tunisien réuni au palais et organisé comme le général l'affectionne si bien (seul contre tous!), cet homme fais l'éloge de son hôte jusqu'à lui causer une certaine gêne. Le Suisse délivrera ensuite au général, qui semblait n'en pas croire ses yeux, un diplôme de membre d'honneur de l’institut des droits de l'enfant, une boîte privée qu'il préside. Il va sans dire que la presse du général, devant cette générosité inesperée, a fait ses choux gras de la “considération helvétique” pour ledit général.
Mais d'après un autre journal genevois, M. Comby ne ferait que réaliser un vaste dessein géo-politico-commercial de Berne au Maghreb (“Le Temps” du 15 janvicr). C'était sans compter avec 1a présence aux côtés des Tunisiens de très nombreux amis à la conscience vivante et à l'exigence morale très haute.
C’est ainsi que le Groupe de Travail sur la Tunisie, animé par Gilles Perrault et un groupe d'&eÐÏࡱáéflichira plus d'une fois avant de remettre les pieds à Tunis.
La secrétaire de l'institut, interrogée sur le financement des activités de M. Comby en Tunisie, nous a répondu que “les frais étaient partagés...» On a eu beau faire preuve d’imagination à cet égard: on ne voit pas comment l'ambassade de Tunisie à Berne aurait demandé à l'hôte de marque de "casquer” la moitié du prix de son billet d'avion...
Il est du devoir des Tunisiens d'empêcher que les parasites de tout bord, que des raquetteurs professionnels et des marchands de vent viennent s’aglutiner sur le corps malade de la Tunisie et infecter ses blessures. Raghid Chammah, Jean-Jacques Rouch, Séguin, Comby et tous les autres doivent savoir qu'un jour ou l’autre ils devront répondre de leurs actes devant l'opinion. Le peuple tunisien et ses élites, qui recouvriront leur liberté un jour prochain, n’oublieront pas ceux qui les auront aidés ni les autres...

Khaled