Ben Ali : "J'y suis, j'y reste"
Disons-le sans ambages : le Général Ben Ali n'a aucunement l'intention de quitter le
pouvoir à la fin de son troisième mandat, en 2004. Et, entre temps, la
démocratisation de la vie publique, la libération des milliers de prisonniers d'opinion,
la traduction devant la justice de son entourage corrompu, sont des idées qui ne lui ont
jamais effleuré l'esprit. Tout au plus, au cours de ce mandat, continuera-t-il à agir
comme à son habitude, de mensonge en diversion, en continuant à imposer sa chape de
plomb sur les Tunisiens. Ceux-ci sont aujourd'hui avertis de ce dont ils se doutaient
déjà, à savoir le maintien de Ben Ali au pouvoir par voie référendaire au delà de
2004.
Des sources éminemment informées en Tunisie viennent de nous faire savoir que ce projet
de référendum est déjà bouclé et soigneusement rangé dans quelque tiroir du Palais
de Carthage. Dans deux ans exactement, les observateurs verront défiler dans les rues des
manifestations dûment organisées dont les slogans appelleront Ben Ali à la présidence
à vie. Ce n'est qu'alors - devant tant d'insistance d'un peuple reconnaissant - que
l'artisan du changement montera au créneau pour rappeler que la présidence à vie a
été abolie en Tunisie, mais que face à une demande populaire si pressante, il ne
pourrait se dérober, laissant le peuple orphelin, et accepterait un seul autre mandat en
priant "Dieu le tout puissant de lui permettre de l'exercer jusqu'à son terme".
Scénario bien ficelé, mais qui ne trompe désormais plus personne puisque, selon les
observateurs avertis, il serait appelé à être réédité en 2008 , en 2012 et en tout
cas tant que Ben Ali vivra et sera protégé par une machine militaro-policière attachée
à ses privilèges. A moins bien sûr, que parmi les "O,56% d'ingrats" que
compte le peuple tunisien, émergent entre temps une poignée d'hommes capables
d'écourter son long séjour à Carthage et, par là même, les souffrances de 10 millions
de Tunisiens. Mais, c'est là une autre affaire vu la complexité des choses, dont l'état
de délabrement de l'opposition n'est pas des moindres...
Les Tunisiens sont à présent avertis du véritable scénario qui se jouera en 2002,
disions-nous. Mais les opinions publiques internationales sont elles aussi à nouveau
interpellées, et principalement en leur sein les responsables politiques démocrates qui
continuent de traiter avec un régime corrompu et un homme peu fréquentable.
A ce sujet, on peut dire qu'indubitablement la prise de position de 14 pays de l'Union
européenne à l'égard de ce qui vient de se passer dans un pays membre de l'Union (en
l'occurrence l'Autriche) constitue dans son essence même l'acte de naissance de l'Europe
politique. Leur refus d'accepter qu'un Etat membre soit gouverné par une coalition
comprenant l'extrême droite autrichienne est un geste de bravoure hautement salutaire.
Comment donc, ces mêmes pays de l'Union continuent-ils de se taire, de ne protester que
de manière timide et "diplomatique" devant tant de dépassements, d'atteintes
aux droits de l'homme et assez souvent de massacres commis par un régime ordurier à
l'encontre de ses opposants et de ses contestataires? Le principe d'ingérence au nom des
valeurs et principes universels européens invoqué dans le cas de l'Autriche serait-il
non approprié à la dramatique situation tunisienne, un pays dans lequel une oligarchie
sans envergure écrase sous sa botte un peuple et ses élites voués au désespoir? Autant
de questions qui restent sans réponse, mais à propos desquelles ces démocraties
concernées (dont la France en particulier) ne se font pas beaucoup d'illusions, puisqu'en
effet tout le monde sait et est convaincu aujourd'hui que Ben Ali a largement franchi la
ligne rouge à l'égard de la population qu'il gouverne mais aussi à l'égard de ses
propres partenaires qui l'ont longuement soutenu au nom de la Réal politik ou encore la
suprématie des marchés.
D'ailleurs, après les nombreux satisfécits accordés au Général Ben Ali par de
nombreux responsables européens et français, il en est au moins un qui se serait
récemment cru obligé de lui adresser une lettre dans laquelle il l'appelait à oeuvrer
au cours de son troisième et dernier mandat pour une Tunisie unie, apaisée et à l'abri
des tempêtes intérieures. Malgré le caractère confidentiel de cette missive, la
réaction instantanée de Ben Ali devant ses propres conseillers ne s'est pas fait
attendre. "Mais qui a dit que c'était mon dernier mandat?", s'est-il insurgé.
En effet, la simple évocation de cette disposition constitutionnelle équivaut à elle
seule à un crime de lèse-majesté.
Pris dans le piège de sa propre dictature, le maître de Carthage continue, par son
intolérance et son refus de la moindre critique, de se laisser prendre dans le tourbillon
de l'Histoire. Pourtant en Afrique, dans ce continent des damnés de la terre, ses
semblables dictateurs commencent à faire l'objet de poursuites devant la Cour
internationale de justice à l'image du Tchadien Hissène Habré. Un autre Etat africain
où ce sanguinaire est réfugié, le Sénégal, vient pour sa part d'accepter la requête
des victimes tchadiennes et des Organisations humanitaires. Et, devant l'amoncellement des
plaintes émanant des opprimés de toutes les tortiocraties sanglantes pour faire traduire
devant la justice leurs ex-bourreaux, Ben Ali est l'un des seuls à demeurer de marbre et
de réclamer avec effronterie plus de respect et plus de considération de la part de la
presse internationale et des ONG qui lui résistent.
"Il est vrai que le Général tunisien est un cas à part : de la démocratie, il
n'entend que la farouche répression qu'il exerce. Et pour ce qui est de la dictature, il
ferait rougir ou retourner dans leurs tombes ses maîtres Staline et Ceaucescu.
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Jeu des 7 familles
La griffe de Abdallah Kallel
Le ministre de l'Intérieur, qui porte dans son coeur l'ancien ministre directeur du
cabinet présidentiel, Mohamed Jéri, ne rate pas une occasion d'enfoncer ce dernier.
Ainsi récemment, s'est-il plu à raconter à son sujet: "Ce "Colombo" de
la de la ville de Ben Guerdane (extrême Sud de la Tunisie) a le monopole du transport des
bouteilles de gaz, la société El Bahia (du nom de sa mère) et une infinité de camions
Scannia qu'il a acquis dans des conditions suspectes. Et cela ne lui suffit pas puisque
bon nombre de produits transitant à travers le marché parallèle entre la Tunisie et la
Libye (via le Sud Tunisien) sont de son ressort. Et, dernière confidence, Mohamed Jéri a
acquis 3000 hectares de terrain où il dispose de 50.000 oliviers. Si un seul olivier lui
rapporte 50 dinars par an (3OO FF), faites vous-mêmes les comptes, et vous ne tarderez
pas à vous apercevoir que cette pourriture a largement profité de sa décennie auprès
de Ben Ali à Carthage".
C'est bien que Abdallah Kallel balance ainsi son ex-collègue Jéri. Mais il ne dit mot
sur le petit Palais qu'il a lui-même construit à Carthage ni sur le luxueux appartement
du quartier du Lac de Tunis.
Des chiffres ahurissants
La situation politique en Tunisie étant ce qu'elle est et ce que chacun sait, le
pouvoir n'a quand même eu de cesse de se cacher derrière la bonne santé économique du
pays. Ce qui lui a valu jusque-là une certaine tolérance de la part de ses partenaires
économiques, du FMI et de la Banque mondiale.
Or, cette bonne santé économique n'est rien d'autre qu'une imposture comme le
démontrent ces chiffres non encore publics et que de bonnes sources de
"L'Audace" nous ont fait transmettre: 7 milliards de dinars (autant en dollars)
comme dettes de l'Etat et près de 17 autres milliards de déficit public représentant à
eux seuls environ 60% du PNB. Selon des milieux informés, le pays ne donne l'apparence de
tenir que grâce au blanchiment de l'argent sale. Or, des organismes de contrôle
spécialisés et certaines puissances étrangères viennent de signifier au gouvernement
que la limite a été plus qu'atteinte en ce qui concerne les pratiques mafieuses et de
corruption en Tunisie. Voilà un avertissement que devrait prendre au sérieux Ben Ali et
son entourage corrompu. D'ailleurs, comme vient de le révéler "Minute" du
26/01/2000, sous le titre: Héroïne nationale
Le tribunal correctionnel de Marseille a condamné mardi à des peines de 6 mois à 15 ans
de prison 15 des 92 membres de la "filière tunisienne" responsable d'un vaste
trafic d'héroïne entre les Pay-Bas, la Belgique et la France. Les prévenus opéraient
au sein d'un réseau extrêmement hiérarchisé qui avait alimenté en drogue les plus
grandes villes de France entre 1992 et 1996. Originaires d'un même quartier de Tunis, les
voyous étaient aussi des patriotes : tous leurs profits retournaient au pays.
L'affaire des pistaches
Lors du limogeage de Mohamed Jéri, ex-directeur du Cabinet présidentiel et
ex-ministre des Finances, "L'Audace" avait rapporté que cette disgrâce était
motivée par l'acquisition de l'ancien ministre du marché des pistaches alors qu'une
guéguerre opposait le clan des Trabelsi aux Chiboub pour l'accaparer. Les pistaches
étaient même importées en Tunisie sous couvert d'aliments pour le bétail. Nos sources
viennent de nous confirmer cette information à un grave détail près que nous n'avions
alors pas mentionné. Les pistaches en question étaient d'origine iranienne. La
transaction devait se faire avec des importateurs des Pays-Bas. Mais ceux-ci ne tardèrent
pas à s'apercevoir que le produit était périmé, donc non susceptible d'être proposé
à la consommation. C'est alors que par un tour de passe passe, Mohamed Jéri le fit
acheminer vers Tunis en tant qu'aliment pour le bétail et en arrosa le marché tunisien.
Pourtant, même le bétail ne mérite pas les pistaches de Mohamed Jéri, surtout qu'avec
le circuit de la chaîne alimentaire - l'histoire de la vache folle et des poulets aux
hormones l'ont bien confirmé - les produits qu'on donne au bétail reviennent toujours
dans nos assiettes.
Trabelsi guette la mort de Bourguiba
Autre information révélée par "L'Audace" et qui ne fait plus aujourd'hui
l'ombre d'un doute: celle concernant l'acquisition (à loeil bien sûr) du Palais
présidentiel de Skanès, résidence d'été de Bourguiba. Ce Palais, de 120 hectares, mal
entretenu, était dans le collimateur de Belhassen Trabelsi. La seule raison à la
temporisation de ce dernier était que cet acte pouvait provoquer la population de
Monastir qui voue une haine farouche aux Trabelsi et qui reste très attachée au
président Bourguiba.
Nous savons aujourd'hui que des entrepreneurs américains sont à pied d'oeuvre à
Monastir, que l'opération de sa restauration est très avancée. Et que Belhassen
Trabelsi n'attend plus que la mort de Bourguiba pour s'y installer.
Les Trabelsi sont un clan aux mains sales et qui donnent aussi la nausée...
Politique
Les hommes des Trabelsi
A part Ben Ali lui-même, premier responsable de l'état de déliquescence de la
Tunisie, des observateurs avertis mentionnent que 5 à 6 noms tiennent le pays d'une main
de fer. Il s'agit des Abderrahim Zouari, secrétaire général du RCD et de son complice
Mohamed Ali Ganzoui, secrétaire d'Etat à l'intérieur, tous deux originaires du
Nord-Ouest; il s'agit aussi d'Abdelaziz Ben Dhia, ministre conseiller spécial du
président de la République, ce cacique du parti devenu second personnage au Palais où
il fait la pluie et le beau temps; enfin le ministre des Affaires sociales, issu du clan
des "Aoubech's", Chedli Neffati. Tout ce panier de crabes a quelque chose de
commun: ils sont proches du clan des Trabelsi.
Reste Abdelwahab Abdallah, tout autant affidé aux Trabelsi. Le porte-parole de la
présidence, soutient-on dans certains milieux informés, est un homme seul. D'autant plus
que la dernière décennie au cours de laquelle il a laminé le secteur de la presse l'a
politiquement usé.
Nous demeurons persuadés, quant à nous, que loin d'être complètement devenu l'otage de
ces clans mafieux, le Général Ben Ali est toujours le seul responsable de la dérive
autoritaire et de la corruption en Tunisie.
Chantage par ci ... humiliation par là
Après le chantage et la surenchère politique vis-à-vis de lHexagone,
consistant à arabiser en catastrophe pour punir la France dont les médias n'ont pas
été tendres avec le Général Ben Ali au cours de la période électorale, vient le
temps de l'humiliation. Ainsi, le nouvel ambassadeur de France en Tunisie, Daniel
Contenay, a-t-il dû patienter plus de 15 jours avant de pouvoir présenter sa lettre de
créance. Plus encore, il est passé en 8ème position.
Malgré cela Habib Ben Yahia, l'actuel ministre des Affaires étrangères, annonça à Ben
Ali en se bombant le torse que son homologue français Hubert Vedrine, lui a donné
l'assurance qu'il se rendrait en Tunisie courant février...
Visite qui a finalement eu lieu et au cours de laquelle les responsables tunisiens ont
démontré quils tenaient mordicus à ce que la presse française
respecte un homme du rang de Ben Ali.
Parce quen effet, cet homme-là mérite tout le respect du monde.
Encore des intimidations
A l'occasion d'un déplacement à Bizerte pour assister à un enterrement, le militant
Mohamed Hedi Sassi, libéré récemment de prison, a rendu visite à Me Néjib Hosni chez
lequel il a passé la nuit. Résultat de cette visite : son estafette a été saccagée et
le matériel audio-visuel qu'elle contenait détruit.
Ganzoui et ses barbouzes n'aiment pas que les opposants ou que les militants des droits de
l'homme se rencontrent...
C'est à n'y rien comprendre
Pourtant, c'est Hamed Karoui lui-même, ancien Premier ministre et actuel
vice-président du RCD (parti au pouvoir) qui sollicita Taïeb Baccouche (ancien
secrétaire général de l'UGTT et président de l'Association arabe des droits de
l'homme) durant le mois de Ramadan afin d'établir des contacts avec les milieux de
l'opposition en vue de décrisper la situation politique particulièrement tendue en
Tunisie.
Ces contacts devaient s'exercer à trois niveaux:
- des cas individuels (notamment les passeports confisqués ou non renouvelés et certains
procès en cours);
- proposition de mesures concernant la presse et le milieu associatif afin de créer des
conditions favorables à un débat de fond sur les réformes structurelles à
entreprendre;
- enfin, proposition d'éventuelles réformes structurelles à entreprendre.
Taïeb Baccouche accepta de négocier avec l'opposition les deux premiers niveaux. Mais
après consultation de certaines personnalités de la dissidence tels Mohamed Mouadda,
Néjib Hosni, Sihem Ben Sédrine, Radhia Nasraoui, il dut déchanter puisque c'est au
cours de ces mêmes consultations que la maison d'édition de Sihem Ben Sédrine a été
visitée et saccagée, que l'estafette de Mohamed Hédi Sassi a connu le même sort, que
les intimidations et les harcèlements des opposants ont persisté...
Les confidences de l'amer Tlili
Humilié lors de la dernière présidentielle où il n'a obtenu que 0,25%,
Abderrahmane Tlili a raconté amèrement à Paris que même sa propre mère ne s'en est
pas remise.
Ainsi pour lui apporter du baume sur son coeur blessé, Ben Ali a-t-il invité Mme
Tlili-mère au Palais, l'a fait asseoir sur un fauteuil et s'est mis à la consoler en se
plaçant face à elle sur une table basse.
C'est très émouvant...
Mongi Safra quitte Bruxelles
L'ambassadeur de Tunisie en Belgique, Mongi Safra, a été limogé quelques jours
après le vol des documents et de ses clés de Khémaïes Chammari. On lui reproche de
n'avoir pas su gérer cette affaire ni pu contre-carrer les activités de Khémaïes
Chammari dans cette ville européenne.
Rappelons que le frère de ce dernier, Abderraouf, qui a été emprisonné arbitrairement
au cours de l'été dernier et relâché ensuite, a été limogé de son emploi.
Un autre frère, Taoufik Chammari, est actuellement dans le collimateur du pouvoir.
Pan sur le bec
Dans sa dernière édition, p39, "L'Audace" a publié une information
concernant l'attitude adoptée par Salah Zeghidi au sujet des docteurs Mustapha Ben Jafaar
et Moncef Marzouki, à son retour à Tunis au lendemain de son séjour à Paris. Cette
information a suscité certaines réactions hostiles à l'égard de "L'Audace",
réactions émanant pour l'essentiel de personnes qui ne nous ont jamais porté dans leurs
coeurs.
Pour couper court à leurs intrigues, et compte tenu de certains aspects effectivement
contestables de notre information, nous apportons les précisions suivantes:
1) Salah Zeghidi est connu pour son sectarisme et pas seulement à notre égard. Nous
maintenons notre appréciation à son sujet et concernant son attitude à l'égard du
régime;
2) Notre référence à sa présence à l'occasion de l'anniversaire de l'UTIT-FTCR ne
visait bien sûr pas cette dernière dont nous saluons la constance des activités
démocratiques d'animation au sein de l'émigration;
3) Il est bien évident que la référence à "La ligue de Ben Ali" constituait
une fâcheuse coquille. Nous voulions dire une ligue telle que la conçoit Zeghidi: au
service de Ben Ali. Pan sur le bec! D'autant que nos lecteurs auront remarqué que nous
avons consacré dans le même numéro une page en arabe et une autre en français aux
communiqués de la Ligue tunisienne des droits de l'homme commémorant le 51ème
anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Cela confirme que, malgré les légitimes critiques que nous avons eu à faire à la LTDH
au fil de son parcours, nous saisissons toutes les occasions pour mettre en exergue les
prises de position positives émanant d'elle.
Six points...
Mardi 1er février, entrait en vigueur en Tunisie, une législation concernant les
automobilistes qui seront désormais verbalisés aux points sur leur permis, jusqu'au
retrait de celui-ci. Selon les Autorités, cette nouvelle loi aurait pour but de mettre
fin à la corruption des fonctionnaires, des agents de la circulation, devenue
intolérable par les temps qui courent. Faux, protestent particulièrement les taxieurs à
travers leur grève du 1er février , immobilisant les grandes villes du pays : "Cela
nous poserait plus de problèmes avec les services corrompus de l'ordre et de la
circulation, puisque nous devrons négocier "les points du permis" à coup de
"Khémaïs" (cinq dinars), de "Achour"(dix dinars) et de
"Belgacem" (20 dinars)... Et on ne sait plus quoi après".
Rappelons que les routiers, les taxi- louagistes et les automobilistes sont constamment
"sollicités" par les motards et les agents de la circulation pour pouvoir
travailler normalement. Sans les 6 points...
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CARTES SUR TABLE AVEC RACHED GHANNOUCHI
"En Tunisie, lobstacle
de la peur a été brisé"
Interview réalisée à Genève par Slim Bagga
Dans cette interview annuelle qu'il livre à "LAudace", Cheikh Rached
Ghannouchi, président d'Ennadha exilé à Londres, considère qu'il y a des raisons qui
portent à l'optimisme pour l'avenir de la Tunisie. Non point que le régime actuel ait
fini par adopter la démocratie comme méthode de gouvernement, mais son aveuglement, sa
fuite en avant et sa persistance dans la répression de l'opposition toutes tendances
confondues, ont fait que ses alliés d'hier sont de plus en plus nombreux à rallier les
rangs de l'opposition ou tout au moins ceux de la contestation. L'opposition, du fait de
cette réalité nouvelle, n'en est alors que renforcée et son alliance contre la
dictature ne serait qu'une affaire de quelque temps. Aux plans social et économique, le
président d'Ennahda affirme que la situation n'a cessé d'empirer, puisque la corruption
a atteint des degrés insupportables et la cherté de la vie ainsi que le chômage
incitent de plus en plus de jeunes à quitter clandestinement le paradis tant vanté par
Ben Ali et ses thuriféraires.
Ecoutons-le ...
"L'Audace" : La publication "Maghreb Confidentiel" vient d'écrire
dans son édition du 13 Janvier 2000 que "M.Rached Ghannouchi reste très actif en
exil. Au lendemain des élections présidentielles tunisiennes, il était l'invité de la
chaîne de télévision El Jazira. Les rues de Tunis étaient presque vides au moment de
la diffusion de l'émission le 26 octobre...
Après la liquéfaction de l'opposition républicaine, il reste le seul adversaire
politique de Ben Ali. Mais plus personne ne sait ce que représente aujourd'hui
l'islamisme de l'intérieur, totalement passé dans la clandestinité...".
Je vous poserais deux questions au sujet de cette affirmation: Pensez-vous être
aujourd'hui le seul adversaire politique de Ben Ali? Et que représente actuellement
Ennahdha à l'intérieur du pays?
Rached Ghannouchi : D'abord, je ne crois pas être le seul adversaire politique de
Ben Ali. Les adversaires ou plutôt les opposants de son régime sont beaucoup plus
nombreux. Les prisonniers d'opinion, l'opposition active et sérieuse de l'intérieur, les
représentants du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT), le Forum
démocratique de Mustapha Ben Jaafar, le Mouvement des démocrates socialistes légitime
(MDS), le groupe d'"El Mawqif", les forces estudiantines qui ont fait
dernièrement une grève de la faim, les forces syndicalistes, le Groupe de Hamma Hammami,
l'opposition de l'extérieur dont le pouvoir n'a même pas supporté l'apparition de l'un
de ses symboles lors d'une émission télévisée, à savoir Mohamed Mzali, le Comité
pour le respect des libertés et des droits de l'homme en Tunisie (CRLDHT) et d'autres
encore constituent indéniablement, tous, des opposants de Ben Ali.
Par conséquent, cette idée de bipolarisation, ou si vous préférez bicéphalisation du
jeu politique est saugrenue. Elle sert, pour le régime, à légitimer sa répression et
marginaliser des forces réelles de l'opposition qui ont fait beaucoup de sacrifices et ne
cessent d'en faire. Regardez aussi l'action de quelques femmes comme Sihem Bensedrine,
Radhia Nasraoui ou Alya Chammari. Elles n'ont pas moins de courage ni moins d'audace que
les adversaires hommes de ce régime. Voyez-vous, les choses ne sont pas aussi simples...
Et le poids réel d'Ennahdha à l'intérieur?
Rached Ghannouchi: J'allais y venir. Je pense qu'en l'absence d'opérations
électorales saines et transparentes, nous ne pouvons scientifiquement définir la
popularité ni le poids de chaque Mouvement. Et l'on ne peut, par ailleurs, être d'accord
avec le pouvoir qui prétend avoir réussi dans l'opération de marginalisation d'Ennahdha
ni de quelque autre Mouvement politique parce que nous croyons, déjà à la base, que la
répression est loin d'être un indicateur de popularité d'un régime. Cependant, l'on
peut affirmer que le veto opposé au régime par les prisonniers politiques et d'opinion,
la résistance des prisonniers élargis (qui demeurent toujours harcelés et sans
travail), la résistance des exilés (environ 2000 pour ce qui concerne les islamistes),
ceux qui ont répondu présent lors de la diffusion de l'émission d'El Jazira, sont des
indices, des preuves irréfutables que le poids d'Ennahdha est toujours réel.
Vous êtes pourchassé par le régime à la moindre de vos sorties publiques.
Etes-vous si dangereux?
Rached Ghannouchi: C'est le pouvoir qui est faible. Il ne supporte aucun visage
d'opposant. N'ayant pas confiance en lui, en sa légitimité, il cherche à imposer le
silence au peuple. Il cherche même à imposer sa démarche politique d'un autre âge à
l'étranger. Les journalistes étrangers de l'audiovisuel souffrent, ceux de la presse
écrite souffrent, les enquêteurs des ONG souffrent. Ils ont, tous, de gros problèmes
avec ce régime dans l'accomplissement de leurs missions. Des problèmes qu'ils ne
rencontrent pas en Egypte, en Algérie ou au Maroc dont les ambassadeurs se limitent à
formuler des précisions si telle ou telle information n'est pas de leur goût. Mais dans
la République du silence qu'est devenue la Tunisie, on n'affronte pas l'adversaire avec
des arguments, en apportant la preuve contraire à ses allégations, mais en lui imposant
le silence.
Voyez, par exemple, lorsque j'ai visité l'Afrique du Sud : le pouvoir tunisien s'est
dérobé du débat et a sollicité tous les ambassadeurs arabes pour protester contre ma
présence au Cap et ma participation aux Journées du Parlement mondial des religions.
Auparavant, il ne s'était jamais intéressé à ce Parlement. ÐÏࡱá
Vous voyagez fréquemment, et lors de vos déplacements vous rencontrez de
nombreux responsables étrangers. Quelle image ont-ils de la Tunisie?
Rached Ghannouchi: La Tunisie est au centre de la Méditerranée. Par conséquent,
tous les responsables étrangers et tous les observateurs politiques ne sont pas sans
savoir la réalité de la situation en Tunisie. D'ailleurs, ils n'ont pas besoin de
dépenser de gros efforts pour connaître ce qui s'y passe. Les 99% en faveur de Ben Ali,
qui se répètent à chaque élection, sont le plus grand révélateur, le meilleur
indicateur de la nature de ce régime qui ne semble pas appartenir à cette époque mais
à des temps anciens et révolus. En outre, les rapports des ONG des droits de l'homme
suffisent à tout un chacun pour se forger une image du régime.
Que pensez-vous de l'idée, soutenue par certains, que l'atmosphère politique
en Tunisie ressemble à celle qui prévalait à la veille du 26 janvier 1978?
Rached Ghannouchi: Il est possible que cette évaluation ne soit pas loin de la
réalité. Le climat social est empoisonné comme nous le démontrent les derniers
événements survenus dans le pays. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que le mur de
Berlin est tombé en Tunisie. Quand je dis le mur de Berlin, j'entends le gigantesque
obstacle de la peur. Celui-ci a été brisé. La coupe est pleine, et elle n'est pas loin
de déborder. Ce qui est, par conséquent, nouveau en Tunisie c'est le nouveau cadre, le
nouveau climat socio-politique. Le fait qu'un historien comme Mohamed Talbi, qu'on ne peut
soupçonner d'un quelconque extrémisme, se mette à parler, à écrire et à inviter
l'élite à la rupture du silence; le fait que plus d'un opposant tunisien de l'intérieur
évoque Ennahdha, un mot que le pouvoir avait tout entrepris pour faire disparaître du
langage quotidien, ou évoque l'un de ses cadres dirigeants, prouvent que quelque chose a
changé au sein de la société.
Quel commentaire pouvez-vous faire du scrutin du 24 octobre?
Rached Ghannouchi: A chaque fois que l'on a imaginé et espéré que ce pouvoir allait
évoluer un peu, tirer les conséquences du passé et écouter les conseils de ses amis,
il nous prouva le contraire. Il y a un entêtement terrible de sa part.
On a pensé qu'il tirerait au moins une leçon de notre voisine l'Algérie où une
véritable campagne électorale a été menée par des éléphants de la politique et où,
quoiqu'en dise de ce scrutin, le président Bouteflika s'est suffi de 63% des suffrages.
Au Maroc, un Premier ministre de grande envergure, au parcours politique historique, n'a
pu gouverner qu'en coalition.
Il est malheureux de reconnaître que la vie politique en Tunisie est désolante. On
comprend mieux maintenant pourquoi le pouvoir refuse tout débat, toute confrontation
intellectuelle et fonctionnalise tous les appareils de l'Etat pour imposer le silence.
Pensez-vous que Ben Ali partira à la fin de son troisième mandat en 2004?
Sinon, que croyez-vous qu'il fera pour se maintenir (rétablissement de la présidence à
vie, référendum etc.)?
Rached Ghannouchi: Ben Ali avait prétendu qu'il arrivait au pouvoir pour réparer une
anomalie introduite par Bourguiba dans la Constitution, à savoir la présidence à vie.
Il avait dit lui-même que celle-ci n'était pas conforme au niveau de maturité atteint
par notre peuple qui mérite une vie démocratique authentique. Alors, qu'il respecte ses
engagements!
Je viens de rencontrer M. Mandela, et j'ai remarqué que sa popularité était plus grande
que celle de l'actuel Président Mbeké. Partout dans le monde, il est reçu comme un
héros. Le Sénégalais Senghor aussi.
L'opposition de l'intérieur se réorganise. Le Conseil national des libertés
est bien présent, des personnalités indépendantes dénoncent l'arbitraire, Mohamed
Mouadda résiste, la LTDH et les syndicats tentent d'échapper à l'étau qui les
étrangle. Où en est Ennahdha dans tout cela?
Rached Ghannouchi: Notre Mouvement ne peut être que satisfait et réconforté. Cela
ne gêne que le pouvoir qui se considère l'acteur unique du jeu politique en Tunisie et
cherche à anéantir l'opposition et à l'effacer. De notre côté, nous voyons dans
l'existence, la présence et la force de l'opposition non-islamiste un atout pour le pays
et une force pour notre Mouvement. Je salue, donc, toutes les réalisations courageuses
accomplies l'année écoulée par l'opposition tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du
pays. La grève de la faim des étudiants, celle des syndicalistes, la présence du CNLT,
l'action de M. Mouadda, la résistance des prisonniers, leur grève de la faim à laquelle
ont répondu des éléments d'Ennahdha à l'étranger, les manifestations de l'opposition
à Paris, Genève, Stockholm et ailleurs, prouvent que l'opposition existe bel et bien et
qu'effectivement l'année écoulée se distingue par rapport aux précédentes.
Il est à remarquer qu'Ennahdha combat l'idée de bipolarisation véhiculée par le
pouvoir. Celui-ci, dans son double langage traditionnel, prétend, d'une part, qu'Ennahdha
est éradiquée et, d'autre part, use de tous ses moyens pour agiter la carte de la peur
des fondamentalistes.
Où en sont vos rapports avec l'opposition, et celle de l'intérieur en
particulier, par rapport à ce que vous me disiez l'année dernière?
Rached Ghannouchi: Ennahdha ne veut pas provoquer les choses. Il faut que celles-ci
aillent à leur rythme. Elles sont actuellement en marche et nous allons vers la
rencontre. Souvenez-vous: après l'année 90, tout était en faveur du pouvoir. Seules
Ennahdha et certaines personnalités résistaient à ce dernier. Mais depuis 1996, les
choses se sont inversées. Tous les jours, l'opposition accueille dans ses rangs de
nouveaux syndicalistes, intellectuels, chercheurs, académiciens, politiques, alors que le
pouvoir perd de plus en plus ses alliés. Aujourd'hui, il y a une sorte de rencontre
objective qui est en voie de devenir efficace entre Ennahdha et l'opposition
non-islamiste. Nous demeurons, pour notre part, disposés à toutes sortes de concertation
et de coordination, à quelque niveau que ce soit et sans condition préalable aucune,
dans le but de lever cet état de siège qui règne dans le pays.
Et l'affaire des repentis islamistes? Que pourriez-vous nous dire là-dessus?
Rached Ghannouchi: D'abord, ils sont très peu nombreux parmi les prisonniers, donc
parmi ceux qui ont été libérés et parmi les exilés. Certains l'ont fait sous la
pression. Mais ce qui est sûr, c'est qu'il n'y a pas eu de mouvement de rémission au
niveau des instances et des institutions d'Ennahdha ni au niveau de sa direction.
Les demandes d'amnistie dont ont parlé certains journalistes proches du pouvoir ne
concernent pas Ennahdha mais d'anciens sympathisants ou d'anciens démissionnaires de
notre Mouvement. Autrement, la plupart de ceux qui ont été récemment libérés de
prison l'ont été sans condition.
On a l'impression qu'à chaque annonce de Ben Ali qui peut sembler positive,
mais qui n'est en fait qu'une diversion, Ennahdha tergiverse. Ce fut le cas de l'affaire
Hamdi l'année dernière, cela a été le cas, selon certains observateurs, cette année
avec la libération de 500 à 600 prisonniers. A quoi cela est-il dû?
Rached Ghannouchi: Au sujet de la libération de ces prisonniers, Ennahdha a publié
un communiqué équilibré mais clair et sans ambiguïté. Nous avons considéré que
c'était un pas positif mais qui doit impérativement être suivi par la satisfaction des
conditions de l'ouverture politique et la résolution des problèmes qui sont à l'origine
de la crise.
Concrètement, croyez-vous que l'on peut encore traiter avec un homme comme Ben
Ali? Peut-il encore inspirer de la confiance?
Rached Ghannouchi: Ecoutez! Nous avons des droits et des revendications à formuler
pour notre peuple. Nous continuerons à réclamer la liberté, la justice sociale, notre
identité arabe et musulmane, l'Etat de droit, l'égalité, la lutte contre la corruption
et l'exclusion, le combat de l'idée par l'idée, les élections transparentes etc.
jusqu'à leur obtention, que cela soit avec ce pouvoir ou avec un autre. Notre problème
n'est pas avec un homme du nom de Ben Ali, même s'il représente aujourd'hui le symbole
de ce régime répressif et oppresseur, mais avec un système. Si demain, un autre vient
à exercer la même politique que lui, le problème ne sera toujours pas résolu. Nous
avons déjà combattu Bourguiba parce qu'il opprimait. Ben Ali est alors arrivé et a
proclamé le 7 novembre 1987 : "Plus d'injustice à partir de ce jour". Nous
l'avons alors soutenu. Mais dès la première expérience du 2 avril 1989, il est apparu
que la politique du parti unique n'a guère changé. Nous nous y sommes, alors, opposés,
et nous avons payé un lourd tribut pour cela. Nous continuerons à nous opposer jusqu'à
ce que Ben Ali ou un autre que lui permette la satisfaction des revendications du peuple.
Si Ben Ali s'en allait demain du pouvoir, Ennahdha, un autre Mouvement politique
ou un front, serait-il en mesure de l'exercer?
Rached Ghannouchi: Oui si on le laisse faire. Pour notre part, nous optons pour un
gouvernement de coalition qui n'exclue aucune famille politique et qui oeuvrera pour une
réconciliation nationale et un changement démocratique. Il doit s'ouvrir à toutes les
compétences pour élaborer un programme capable de mobiliser les forces vives du pays
dans la satisfaction des aspirations de notre peuple. Cette démarche est nécessaire,
mais il faut lutter pour la rendre possible.
Ceux qui profitent actuellement de ce régime continueront à vouloir protéger et
sauvegarder leurs intérêts et privilèges. Mais le changement est inéluctable du fait
de la soif de démocratie et de justice, qui à défaut d'être satisfaites dans le cadre
des institutions, s'imposeront par le biais de la rue...
Le livre de Jean Pierre-Tuquoi et Nicolas Beau, " Notre ami Ben Ali ",
a fait beaucoup de bruit dans le landerneau politique tunisien, et même au-delà de nos
frontières. Qu'en pensez-vous?
Rached Ghannouchi: La publication de cet ouvrage a, en effet, constitué un
événement très important, et cela à plus d'un titre dont l'image du régime tunisien
au sein de l'opinion publique française, et plus largement francophone, n'est pas des
moindres. Mais malgré cela, j'ai trouvé que ce livre comportait certains détails
discutables et même rectifiables, ce qui n'enlève rien à son extrême importance.Ces
détails concernent notamment le fait que les auteurs se sont basés sur certaines
versions fantaisistes au sujet de l'opération menée le 7 novembre 1987 pour en conclure
que les islamistes projetaient l'exécution d'un plan violent. Nous n'avons pourtant de
cesse de répéter et de prouver à travers nos comportements quotidiens notre refus de
toute forme de violence d'où qu'elle vienne pour résoudre les différends idéologiques,
politiques ou religieux ou pour arriver au pouvoir et s'y maintenir.Nous n'avons cessé
d'insister sur notre attachement aux principes de la concertation (la choura) et de la
démocratie pour gouverner ou pour s'opposer.
Mais quoi qu'il en soit, le mérite de cet ouvrage demeure incontestable...
Que pensez-vous de la situation économique du pays? Et un mot sur la corruption
...
Rached Ghannouchi: Je dois rappeler que les statistiques économiques tunisiennes sont
contrôlées par le pouvoir. Il faut donc les utiliser avec précaution.
Il faut faire la différence entre deux niveaux: Le niveau macro économique (taux de
croissance, déficit budgétaire, balance commerciale, etc..) où grâce à quelques
artifices comptables et à l'annulation d'une partie des dépences sociales et de certains
investissements, on peut afficher un bilan flatteur pendant quelque temps. Et le niveau
micro économique qui ne peut être cerné que par des études très fines qui montrent la
réalité socio-économique que vivent les Tunisiens. Or sur ce plan, de très nombreux
indicateurs montrent qu'une grande partie des Tunisiens voient leurs difficultés
s'accumuler et n'ont d'autres recours que de s'enfoncer dans les dettes. Ce qui est une
véritable fuite en avant très risquée pour l'avenir.
La Tunisie bénificie, actuellement, d'une classe active très importante (57% de la
population) et assez bien formée, ce qui lui donne une chance réelle pour assurer son
développement.
Mais, malheureusement, les gouvernants actuels se contentent de discourir sur le miracle
tunisien en truquant les chiffres et en se remplissant les poches.
La prospérité économique dont se vante le régime est tellement une imposture que même
l'oligarchie qui profite des richesses du pays pille au maximum parce qu'elle sait qu'elle
ne pourra le faire que de manière ponctuelle. Le replâtrage, le ripolinage ne servent
qu'à maquiller, pour le moment, une triste et dramatique réalité que l'on ne va pas
tarder à vivre.
Ce que je vous avais répondu l'année dernière reste, par conséquent, d'une brûlante
actualité. Et même pire puisque la corruption s'est aggravée à travers les familles
régnantes, le fossé entre ces mêmes familles et la majorité du peuple s'est davantage
creusé, la cherté des prix est plus insupportable, le chômage surtout parmi les cadres
augmente. Les barques qui arrivent clandestinement en Italie nous rappellent l'époque où
les Coréens du Nord fuyaient vers le sud. D'ailleurs, l'on vient d'enregistrer deux
nouveaux morts parmi ces clandestins, et chaque semaine apporte son lot de victimes. Alors
je me demande : Pourquoi les gens tiennent-ils tant à fuir le paradis puisque on nous dit
que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes?
Cependant, ma confiance est totale dans le peuple tunisien qui, dans sa grande majorité,
et grâce à son travail, son sérieux, sa volonté d'améliorer ses conditions de vie,
porte ce pays à bout de bras. Les médecins, les ingénieurs, les techniciens, les
enseignants et la majorité des travailleuses et des travailleurs tunisiens sont des
exemples de compétence et de dévouement et ce sont eux, si le pouvoir politique ne leur
met pas des bâtons dans les roues, qui assureront l'avenir de la Tunisie.
Que pensez-vous de la récente décision du pouvoir d'arabiser?
Rached Ghannouchi: Notre Mouvement est pour l'arabisation. Mais, pour le moment, je
n'ai pas d'idée très claire sur ce qui se passe. Quelles sont les raisons de cette
soudaine arabisation, son volume, sa crédibilité, sa durée?
Si vous rencontriez Ben Ali dans l'au-delà, que lui diriez-vous?
Rached Ghannouchi: Ce sera trop tard pour lui dire quelque chose. Mais, si je le
rencontrais dans ce monde-là, je lui dirais : "Nul n'est éternel ".
Et si vous rencontriez Bourguiba?
Rached Ghannouchi: Je lui dirais seulement : Pourquoi hais-tu la Tunisie? Pourquoi lui
as-tu fait cela?
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Affaire daniel mermet
Le combat des Tunisiens me rappelle celui de Solidarnosc
en Pologne
Il y eut l'affaire du correspondant de l'AFP à Tunis qui, piégé par les services
d'Abdallah Kallel en 1995, faillit être jugé pour viol alors qu'il croyait secourir
"une épilectique" dans un parking. Il y eut auparavant l'affaire des
journalistes suisses dont les chambres d'hôtel étaient régulièrement visitées et
fouillées jusqu'à ce qu'ils décidèrent dinterrompre leur mission à la veille
des élections de 1994. Ce ne sont, malheureusement, que quelques célèbres affaires dans
le triste quotidien des journalistes étrangers qui visitent la Tunisie et qui vivent
désormais durant leur séjour dans le pays de la révolution tranquille le calvaire de la
surveillance policière... Daniel Mermet vient de rejoindre cette catégorie dhommes
indésirables en Tunisie. Journaliste à France Inter, il sillonne le monde depuis dix ans
pour interroger les défenseurs des droits de l'homme, vivre leur souffrance et tenter de
la faire connaître à son retour par les voix qu'il enregistre et qui tonnent dans le
monde entier comme un cri de liberté dans son émission quotidienne : "Là bas si
j'y suis".
Pour la première fois qu'il visite la Tunisie, accompagné d'un autre reporter, Giv
Anquetil, Daniel Mermet a vécu le harcèlement quotidien de la police de Ben Ali. Ses
bandes enregistrées, ses carnets et ses répertoires ont été confisqués. "48
heures, lui a-t-on dit, et nous vous les restituerons..." Depuis il attend
toujours...
L'Audace" : Vous avez passé cinq jours en Tunisie dans la semaine du 17 janvier,
c'était pour quoi faire et que s'est-il passé au juste?
Daniel Mermet : Nous sommes allés en Tunisie pour travailler sur la question des droits
de l'homme. Nous avons rencontré un certain nombre de défenseurs des droits de l'homme,
témoins de l'action de ces droits, ou victimes à différents titres.
Nous avons été ostensiblement suivis par des flics en civil, de même que les personnes
que nous avons rencontrées et interrogées, et qui font l'objet d'une surveillance
permanente. Je peux toutefois affirmer que nous n'avons connu aucun ostacle particulier
alors que s'exerçait cette présence policière silencieuse et permanente, parce que les
personnes que nous interrogions étaient toutes internationalement connues et,
évidemment, elles ont pris leurs responsabilités en répondant à nos questions. Je
dirais même plus : ne craignant rien, ces personnalités souhaitaient s'exprimer par
notre truchement.
Il n'y eut donc pas d'anonymes. Toutes ces personnes avaient, en effet, l'habitude de
s'exprimer à travers la presse écrite, les radios et les T.V. étrangères etc.
J'insiste sur le fait qu'il s'agissait bien pour nous d'une émission concernant les
droits de l'homme et qu'il existe bien une résolution des Nations-Unies dont l'article 6
garantit l'exercice. (voir ci-dessous) C'est lors de notre retour que nous avons été
interpellés à l'aéroport de Tunis par la douane et un policier qui ne s'est même pas
cru obligé de décliner son identité. On a eu droit à une fouille complète et l'on
nous a confisqué les bandes magnétiques comportant les interviews et reportages que l'on
avait effectués; des carnets de notes, un répertoire personnel sur lequel figurent
plusieurs coordonnées de personnes que l'on avait contactées et même des affaires
personnelles puisque ma montre qui a surtout pour moi une valeur affective a disparu de
nos bagages.
Quelles ont été les réactions à cette triste mésaventure?
D.M.: Cette affaire a soulevé une vive émotion dans la presse (AFP,
"Libération", "Le Monde") et une longue liste de personnalités et
d'associations saisies nous ont écrit pour signifier leurs vives réprobations de
pareilles pratiques.
Seulement, les Autorités tunisiennes refusent toujours de nous restituer notre matériel
malgré leur promesse de le faire sous les 48 heures. Les agents qui nous ont pris ce
matériel prétendaient que nous n'avions pas l'autorisation de travailler en Tunisie, ce
qui est faux bien sûr. Par conséquent, il y eut une totale indignation, à la suite de
cette affaire, de la part de nombreux milieux tunisiens en France ainsi que de la part
d'auditeurs qui ont été nombreux à s'exprimer sur le répondeur de l'émission
"Là bas si j'y suis".
Avez-vous préalablement à votre voyage averti les Autorités tunisiennes?
D.M. : Nous n'avons pas contacté les Autorités, mais l'ATCE (Agence tunisienne de
communication extérieure) au téléphone qui nous a assuré que l'accréditation n'était
pas indispensable pour opérer sur le territoire tunisien.
Etait-ce votre premier voyage en Tunisie?
D.M. : Oui, c'était notre premier voyage. On ne connaissait pas très bien le
terrain. Mais je peux vous dire qu'en dix ans de reportages dans le monde entier, j'ai eu
à visiter l'Iran, le Soudan, la Chine et d'autre pays réputés difficiles ou dont les
régimes sont des dictatures, mais je n'ai jamais eu à connaître ce qui vient de
m'arriver en Tunisie.
Maintenant, on peut dire que vous connaissez la nature du régime tunisien.
D.M. : Absolument. Il faut dire que l'on avait déjà été alertés par l'ouvrage de
Nicolas Beau et Jean Pierre Tuquoi, "Notre ami Ben Ali". On a un peu suivi la
situation, mais concrètement, nous ne pouvions prévoir que sur le terrain, il y ait une
telle ambiance policière...
Y a-t-il eut des réactions officielles de la France?
D.M. : Notre président, Jean-Marie Cavada, a écrit une lettre au président Ben Ali.
Le Quai d'Orsay a été aussi saisi de l'affaire...
Et maintenant qu'allez-vous faire?
D.M. : On s'interroge. On est très préoccupés, inquiets pour des personnes qui ont
parlé avec nous, même si elles avaient pris leurs responsabilités au préalable, et
qu'elles allaient de toute façon être diffusées à l'antenne. Les services secrets
tunisiens se sont accaparés nos bandes magnétiques, mais ce qui est sûr, c'est
qu'aujourd'hui on ne se cache plus en Tunisie. Cela me rappelle un peu Solidarnosc en
Pologne. Ces personnes ont une vie difficile, elles sont harcelées, bâillonnées, mais
elles parlent. Lorsqu'a été constitué le comité de soutien à Hamma Hammami, j'étais
présent. Les signataires ne s'en cachaient pas, cela ne se passait pas comme dans une
cave secrète. J'ai trouvé cela très courageux par rapport à la nature du régime
tunisien. Donc, qu'allons-nous faire? Ce n'est pas cela qui va nous arrêter. D'une façon
ou d'une autre, nous considérons que c'était une atteinte lourde, caractérisée à la
liberté d'informer, mis à part le fait que les Autorités n'aient pas tenu leurs
promesses. Par conséquent, nous continuerons à parler de la Tunisie et évoquer la
question des droits de l'homme dans ce pays.
Interview réalisée
par Slim Bagga.
Article 6 de la Déclaration des Nations Unies du 9 décembre
1998 relative au droit de promouvoir et de pratiquer les droits de l'homme et les
libertés fondamentales universellement reconnues:
Chacun a le droit, individuellement ou en association avec d 'autres:
a/ De détenir, rechercher, obtenir, recevoir et conserver des informations sur tous les
droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales en ayant notamment accès à l
'information quant à la manière dont il est donné effet à ces droits et libertés dans
le système législatif, judiciaire ou administratif national;
b/ Conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et autres
instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser
librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l'homme et
toutes les libertés fondamentales;
c/ D'étudier, discuter, apprécier et évaluer le respect, tant en droit qu'en pratique,
de tous les droits de l 'homme et de toutes les libertés fondamentales et, par ces moyens
et autres moyens appropriés, d'appeler l'attention du public sur la question.
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Idriss Nouinoui,
un jeune idéaliste
dans les prisons de Ben Ali
Abdeljelil Saïdi, réfugié tunisien en France, nous présente un autre de ses amis qui
croupit depuis 1994 dans une prison tunisienne :
"Mon ami, Idriss Nouinoui, membre actif de l'UGTE (Union générale tunisienne des
étudiants), né en 1965 à Aïn Drahem, a connu bien des ennuis, au début de la vague
d'arrestations menées par le gouvernement de Ben Ali, au moment où une terrible
répression s'abattait les facultés tunisiennes.
Il était étudiant en sciences physique à la faculté de Sfax et, sachant qu'il était
recherché par la police de la sûreté du territoire (DST), il s'est réfugié en
Algérie pour échapper à la torture et à la prison, comme la majorité des membres du
syndicat.
J'ai connu Idriss à Alger en 1993, après qu'il ait obtenu sa licence de physique à la
faculté de Constantine, où il s'était inscrit pour terminer ses études. Etudiant très
brillant, il était doué pour les études. Il voulait se diriger vers la recherche
scientifique et l'enseignement. C'était un islamiste très modéré, s'intéressant avant
tout à ses études, croyant à la démocratie et à l'Etat de droit et donc, comme la
majorité d'entre nous, les exilés, il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Il était
fiancé avec une étudiante tunisienne qui était restée au pays. Elle n'a pas pu le
rejoindre car le pouvoir lui avait confisqué son passeport et elle avait aussi très peur
des pressions exercées sur sa famille.
A la fin de lannée 1994, au moment où la police algérienne, selon la demande
officielle d'expulsion, recherchait les opposants tunisiens pour les renvoyer dans le pays
de la répression, nous avons décidé de fuir.
Idriss a refusé de partir, attendant toujours sa fiancée qui était en train de chercher
un moyen pour fuir la Tunisie afin de le rejoindre. Malheureusement, il a été arrêté
avec onze autres jeunes Tunisiens. Ils ont été déclarés clandestins et renvoyés sans
autre forme de procès vers leurs bourreaux. Il ont atterri deux jours plus tard dans les
locaux du ministère de l'Intérieur. Ils ont tous été violemment torturés comme tous
ceux qui finissent dans les célèbres locaux de la rue Abderrazek Chraïbi.
Idriss a été condamné plusieurs fois, accumulant 38 ans de prison. Il en a déjà
purgé six. Il lui en reste 32 ans pour avoir cru à la démocratie et avoir participé à
quelques manifestations à l'appel de son syndicat. Il faisait partie de ces intellectuels
tunisiens qui faisaient honneur à leur pays. Il voulait être chercheur physicien et
enseignant.
Je ne comprends pas comment ce régime laisse soit partir ses jeunes élites, soit les
enferme pendant des dizaines d'années alors que la Tunisie manque tant d'intellectuels et
de chercheurs indépendants.
Pourquoi cette jeunesse devrait-elle payer, soit par la prison, soit par la fuite et
l'exil, la folie du pouvoir?
Nous devons toujours continuer à exiger la libération des prisonniers d'opinion et
politiques, ainsi que l'ouverture du régime à toutes les différentes tendances
politiques pour construire enfin cette démocratie à laquelle nous aspirons tous.
Propos recueillis par Ginette Skandrani
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Incidents et émeutes dans plusieurs villes
tunisiennes
par Ginette Skandrani
Le mois de février ne réussit décidément plus au gouvernement de Ben Ali.
L'année dernière, déjà, des émeutes s'y sont déroulées et des scènes de violence
ont opposé les forces de l'ordre à de jeunes lycéens qui ont saccagé leurs
établissements, par mécontentement de certaines décisions gouvernementales relatives à
leur avenir.
Dans sa brutalité coutumière, la police avait alors chargé contre les jeunes. Cette
année, ce sont encore les lycéens, et principalement des villes du Sud, qui sont
descendus dans la rue pour protester contre les augmentations vertigineuses des prix du
pain (de 200 à 260 millimes), du carburant (de 620 à 930 millimes), de la bouteille de
Gaz (de 4,600 dinars à 5 dinars) etc.
C'est donc dans les villes du Sud que les mouvements de jeunes ont commencé à avoir lieu
: Djerba, Mednine, El Hamma, Gabès, Gafsa, Kasserine (centre-ouest) et Béja (nord-ouest)
ont ainsi été le théâtre d'affrontements entre de jeunes manifestants surtout en mal
de vivre et les forces de l'ordre. De nombreuses voitures de police ont été incendiées,
des établissements scolaires saccagés. La répression fut alors à la mesure de la
colère, puisque, selon nos sources, les jeunes de Djerba, par exemple, qui ont été
arrêtés ont été sauvagement torturés puis conduits vers Mednine pour y être jugés.
L'on compte déjà 4 morts et des dizaines de blessés.
Par peur de voir le mouvement se généraliser davantage, gagner d'autres grandes villes
et atteindre la capitale, Ben Ali dut faire marche-arrière dès lundi 7 février en
annonçant le retour sur sa décision d'augmenter le prix du pain. Mais jusqu'à quand
pourra-t-il agir par replâtrage pour faire taire le mécontentement populaire
généralisé? Personne n'est plus sans ignorer que ces augmentations de prix qui
deviennent de jour en jour encore plus insupportables servent en partie à colmater une
mauvaise gestion des deniers publics dans un pays dont les richesses profitent à une
poignée de familles corrompues. C'est, par conséquent, contre celles-là que les
manifestations sont organisées puisque les véritables familles sont aujourd'hui
menacées dans leur vie quotidienne.
Ben Ali, qui veut compter sur cette même jeunesse a-priori non politisée pour s'en
servir avant de brandir son projet référendaire pour un quatrième mandat, semble mal
parti. Et , un homme averti ....
Nous vous donnerons plus de détails sur ces mouvements incontrôlés de jeunes dans notre
prochaine édition.
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Complotite contre "L'Audace"
Certains Tunisiens ont appris au moins quelque chose de Ben Ali : l'art de la complotite
dans lequel ce dernier, dit-on, est incomparable.
Depuis quelques semaines, une poignée d'opposants ou de prétendus tels ont décidé de
fomenter un nouveau complot contre "L'Audace". A priori rien ne semble les unir,
mais des alliances contre nature et à vocation destructrice se sont vite nouées ici et
là dans le but de nuire.
Je veux dire ici que face à leur hargne, "L'Audace" opposera toujours sa
détermination à dénoncer et combattre l'arbitraire du régime. Par conséquent, il
informe ses lecteurs que ceux qui véhiculent l'information (y compris parmi les abonnés)
que "L'Audace" est un navire qui va couler dans deux ou trois mois n'a aucun
fondement. Leur journal bénéficie toujours du soutien de ses authentiques parrains et
amis.
Et je profite enfin de l'occasion pour rappeler à ces nécrologues cette vérité
incontournable : lorsqu'un navire coule, ce sont les rats qui périssent les premiers.
Que ces magouilleurs de l'ombre ne l'oublient donc jamais. Désormais, nos lecteurs étant
avertis, je ne répondrai plus à leurs insultes et dénigrements. Il me suffit de les
ignorer et de ne pas les dénoncer car, après tout, a-t-on le droit de dénoncer des gens
qui gagnent leur vie comme ils peuvent?
Slim Bagga
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LA PLUME DECHAÎNÉE
Depuis l'élection à 99,44% du général Ben Ali en octobre dernier, certains milieux
donnent l'impression de s'être résignés à l'immobilisme triomphant à Tunis. On
paraît déjà s'accommoder d'un règne à vie. C'est seulement ainsi que l'on peut
sexpliquer les tiédeurs européennes face à un régime qu'une autre attitude
aurait assurément amené à de meilleures dispositions quant au respect des drois
élémentaires de ses administrés. Les prises de positon des Européens sur la Tunisie
rendent peu crédibles aux yeux des Tunisiens les protestations contre le néo-fascisme en
Autriche. Ou alors, il y aurait des privilèges auxquels seuls les Européens auraient
droit...
Cest également ainsi que nombre de débris politiques de la rive nord viennent
s'échouer sur nos côtes et y quêter un supplément de vie. Ils déploient alors à
l'adresse de notre pays une affection mortelle. Les cas de Philippe Séguin ou Maurice
Druon sont trop connus pour qu'on s'y arrête. En revanche, venant de Suisse, une attitude
complaisante serait nettement moins compréhensible. Or, voilà que, le 11 janvier, un
certain Bernard Comby, ex- député helvétique, dressé face à un Ben Ali somnolent mais
ravi, devant tout l'Etat tunisien réuni au palais et organisé comme le général
l'affectionne si bien (seul contre tous!), cet homme fais l'éloge de son hôte jusqu'à
lui causer une certaine gêne. Le Suisse délivrera ensuite au général, qui semblait
n'en pas croire ses yeux, un diplôme de membre d'honneur de linstitut des droits de
l'enfant, une boîte privée qu'il préside. Il va sans dire que la presse du général,
devant cette générosité inesperée, a fait ses choux gras de la considération
helvétique pour ledit général.
Mais d'après un autre journal genevois, M. Comby ne ferait que réaliser un vaste dessein
géo-politico-commercial de Berne au Maghreb (Le Temps du 15 janvicr).
C'était sans compter avec 1a présence aux côtés des Tunisiens de très nombreux amis
à la conscience vivante et à l'exigence morale très haute.
Cest ainsi que le Groupe de Travail sur la Tunisie, animé par Gilles Perrault et un
groupe d'&eÐÏࡱáéflichira plus d'une fois avant de remettre les
pieds à Tunis.
La secrétaire de l'institut, interrogée sur le financement des activités de M. Comby en
Tunisie, nous a répondu que les frais étaient partagés...» On a eu beau faire
preuve dimagination à cet égard: on ne voit pas comment l'ambassade de Tunisie à
Berne aurait demandé à l'hôte de marque de "casquer la moitié du prix de
son billet d'avion...
Il est du devoir des Tunisiens d'empêcher que les parasites de tout bord, que des
raquetteurs professionnels et des marchands de vent viennent saglutiner sur le corps
malade de la Tunisie et infecter ses blessures. Raghid Chammah, Jean-Jacques Rouch,
Séguin, Comby et tous les autres doivent savoir qu'un jour ou lautre ils devront
répondre de leurs actes devant l'opinion. Le peuple tunisien et ses élites, qui
recouvriront leur liberté un jour prochain, noublieront pas ceux qui les auront
aidés ni les autres...
Khaled